En ce moment au Parc du Marquenterre, il faut scruter attentivement les feuilles de ronces. Un petit amphibien s’y dissimule. C’est la Rainette verte ou Rainette arboricole. Eh oui il n’y a pas que des mûres ! D’autant qu’il vaut mieux les laisser pour les passereaux qui refont le plein de glucides avec ces fruits et d’autres baies. 

Doté d’une coloration à dominante vert pomme et d’une ligne médiane se prolongeant sur les flancs – contrairement à sa cousine la Rainette méridionale – son mimétisme presque parfait la rend difficile à observer dans la végétation. Mais évidemment pas pour les guides naturalistes !  

Cette petite grenouille appartient à l’ordre des anoures, ce qui signifie qu’ils sont dépourvus de queue une fois adulte, contrairement aux urodèles représentés par les tritons et les salamandres. 

Les milieux de vie de prédilection de la Rainette verte sont les mares à végétation palustre. Cet animal est nocturne. Son régime alimentaire est principalement constitué d’insectes volants qu’elle attrape aisément grâce à sa langue gluante.

Dès le mois d’avril et jusqu’au début de l’été, elle se fait remarquer par son chant puissant et beaucoup plus rapide que celui de la Rainette méridionale. C’est à cette période que les femelles, guidées par le chant des mâles, rejoignent les places d’accouplements. Les œufs sont déposés en paquets et éclosent 10 à 15 jours plus tard. Son chant automnal, quant à lui, est plutôt diurne, et se laissera entendre jusqu’en novembre, période où elle se cachera pour hiberner…

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Petite présentation

L’épinoche est un superbe poisson de petite taille (4 à 10 cm), arborant au printemps un œil bleu, un ventre rouge et un dos bleuté. Espèce exotique d’aquarium ? Pas du tout ! On la retrouve dans les cours d’eau de bonne qualité, les fleuves au courant calme, les étangs et les mares, partout en France. 

Un physique particulier

De la famille des Gastérostéidés, l’épinoche est un poisson osseux d’eau douce. En effet, ses flancs ne sont pas vraiment couverts d’écailles, mais plutôt de petites plaques osseuses. Sur son dos, une rangée d’épines – 3 chez l’Épinoche à trois épines (Gasterosteus aculeatus) présente sur le Parc ; sous son ventre, non pas des nageoires comme la plupart des poissons, mais des épines pelviennes lui servant de protection face à ses prédateurs (oiseaux, amphibiens, poissons carnivores). 

Des similitudes avec les oiseaux

Tout comme nos protégés à plumes, l’épinoche mâle arbore une nouvelle tenue au printemps. En effet, à partir de mars, période de nidification, ce poisson se prépare aux parades amoureuses. Le mâle construit alors un nid à base de végétaux entrelacés liés par un mucus qu’il sécrète, afin d’attirer les femelles. Il les séduira par une danse nuptiale et mettra alors tous ses beaux attributs en avant ! La femelle, conquise, pondra ensuite ses œufs dans le nid. Papa poule, l’épinoche mâle protège sa progéniture, qu’il ventile, créant ainsi un courant porteur d’oxygène. L’éclosion a lieu 8 à 10 jours plus tard, et les alevins bénéficieront de la protection de leur père modèle, jusqu’au grand jour du départ. 

État des populations 

Bien que muni d’une armure, ce petit poisson, pourtant autrefois considéré comme très résistant et abondant, est en forte régression. En cause, la pollution  générale de l’environnement, la dégradation des zones humides, ainsi que l’utilisation des pesticides. Encore classé en “préoccupation mineure” sur la liste rouge des espèces menacées, à nous de le protéger, lui et son milieu, afin de préserver ce petit bijou hors norme, essentiel à l’équilibre de nos plans d’eau !

Texte : Maxime Petit / Illustration : Gilles San Martin (Licence Creative Commons)

Le Parc du Marquenterre nous offre chaque jour son lot d’observations palpitantes, dignes des plus grands films fantastiques. La preuve avec ce Lézard vivipare (Zootoca vivipara) grimpé au sommet de sa ganivelle, tel King Kong sur le toit de l’Empire State Building…

Appartenant à l’ordre des squamates – du latin squama signifiant “écaille” – et à la famille des Lacertidés – les lézards – ce petit reptile au corps à peine aplati mesure entre 12 et 18 cm de long. Ses pattes sont courtes, son museau tout arrondi ; son ventre est orangé et son dos brun, gris ou roux, décoré de lignes et d’ocelles variées.

À l’instar des serpents et des tortues, les lézards ont une température corporelle variable : leur métabolisme ne produisant pas suffisamment de chaleur, ils sont totalement dépendants des conditions environnementales qui influencent leurs fonctions vitales – on parle d’animaux ectothermes. Donc point de fainéantise chez eux ! S’ils lézardent au soleil, sur une pierre ou une souche, c’est tout simplement pour réguler leur température ! 

Une fois leur petit corps réchauffé, ils partent en quête d’insectes, d’araignées et de vers à manger. Et lorsque la saison froide arrive, hop, ils se cachent pour hiberner, et roupillent jusqu’au retour des beaux jours…

Notons toutefois que notre Lézard vivipare supporte sans broncher le climat picard et les rigueurs du Marquenterre, où il fréquente les milieux frais et humides tels que les prairies et les abords de marécages. C’est d’ailleurs le reptile le plus septentrional au monde : on le rencontre jusque dans le nord de la Scandinavie, et il n’hésite pas à grimper en altitude, s’aventurant même dans les tourbières et les lisières forestières de montagne.

Signe de cette adaptation aux conditions frisquettes, la plupart des femelles sont ovovivipares : au lieu de pondre leurs œufs, elles les gardent bien au chaud dans leur bedon, et mettent au monde des petits déjà formés et autonomes. Pratique pour pallier le manque de chaleur !

Alors si vous croisez ce Godzilla miniature au détour d’un sentier, sachez profiter de sa compagnie… mais ne vous approchez pas trop ! Sans quoi il vous prendrait pour un prédateur éventuel. Et quand il a peur, le Lézard vivipare prend la fuite, abandonnant derrière lui sa queue qui continue à gigoter pendant plusieurs minutes ; on appelle ce réflexe de mutilation l’autotomie. La diversion est bluffante !

Une nouvelle queue repoussera – non non, ce n’est pas de la science-fiction – mais attention, ce pouvoir de régénérescence est à usage unique ! Donc ne le dérangeons pas… et apprécions sa présence comme on savoure un bon film !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

La douceur du mois de février, avec des vents de sud et des pluies fines régulières, a “reveillé” de manière bien précoce les batraciens. Déjà des Crapauds communs étaient sortis de leur torpeur hivernale dès mi-janvier, vite renvoyés dans leurs pénates avec le coup de froid… 

Les premiers amphibiens observés sont généralement les Grenouilles rousses particulièrement résistantes au froid ; ce sont elles qui se reproduisent sur les lacs d’altitude de montagne. Elles ont déjà commencé à  pondre dans les pannes en soirée, où la température de l’eau est supérieure à 5°C. Les mâles émettent sur et sous l’eau des “grouk grouk” avec leurs sacs vocaux internes, sortes de grognements discrets visant à attirer ces dames dans leur piscine naturelle. Les pontes – de 700 à 4000 œufs bicolores, noirs avec une tache claire au-dessous – sont déposées en quelques jours en amas à la surface de l’eau.

Avec 15°C en journée (février est normalement le mois le plus froid en Picardie…!) les Crapauds communs étaient aussi de sortie ces derniers jours, notamment les mâles, dont on a entendu les premiers chants le 15 février. Ce sont de petits cris plaintifs émis dans l’eau ou sur terre, “crouit crouit crouit”, surtout lors d’un conflit avec un autre mâle. Les femelles bien plus massives sortent souvent un peu plus tard. Tous deux ont néanmoins de superbes yeux à l’iris orangé ou cuivré, à émerveiller le plus blasé des naturalistes ! Cette année, triste surprise, de nombreux petits mâles sont retrouvés morts sur les bords de chemins, tout flasques, en position sur le dos sans blessure ni maladie apparente. Est-ce dû à un manque de nourriture, ou bien à un affaiblissement lié à cette succession de réveils et de retours à l’hibernation au fil des mois… ? 

Mais nul doute que les batraciens sont les victimes les plus touchées de l’appauvrissement et de la banalisation globale de nos milieux ruraux.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Cécile Carbonnier

Parmi les différentes espèces de poissons du Parc, l’une d’entre elles est tout à fait particulière. Il s’agit de l’Anguille d’Europe ou Anguille commune (Anguilla anguilla). C’est la seule représentante de sa famille (les Anguillidés) en Europe. Cette espèce présente plusieurs particularités étonnantes…

Un grand migrateur

La vie de l’Anguille d’Europe commence… en mer des Sargasses, au large de la Floride. À peine nées, les larves entament une migration de 6 000 km qui durera plusieurs mois. Portées par le Gulf Stream, elles rejoignent les côtes européennes. Elles vont alors remonter les cours d’eau pour rejoindre des zones d’eau douce où elles pourront s’alimenter et grandir pendant plusieurs années.

Une fois atteint le stade dit d’anguille “argentée” (appelé ainsi pour la couleur du corps, en opposition aux anguilles dites “jaunes” qui sont encore en croissance), elle repart pour la mer des Sargasses pour se reproduire et pondre. Le retour se fait d’une traite ; elle survit grâce aux réserves de graisse emmagasinées avant le départ.

Notons qu’il s’agit de la seule espèce de poisson migrateur à se reproduire en mer et à grandir en eau douce.

Mais comment peut-on les retrouver dans les plans d’eau du Parc alors qu’aucun cours d’eau n’assure la liaison avec la mer ? Pour deux raisons. D’abord, elles accèdent au plan d’eau du poste 1. Pour ce faire, elles passent par la trappe qui sert à la gestion des niveaux d’eau située dans la digue, au fond de cette lagune artificielle. Elle est généralement ouverte lors des marées hautes importantes, ce qui permet au poisson d’entrer. La seconde est détaillée dans le paragraphe suivant…

Hors de l’eau

L’Anguille d’Europe présente des particularités physiques particulières. Pendant sa forme dite “jaune”, elle sécrète un mucus sur sa peau. De plus, elle est capable de respirer à l’air libre. Ces caractéristiques facilitent la reptation, c’est-à-dire un déplacement rampant comme un serpent. Cela lui permet de se rendre d’un plan d’eau à un autre même s’ils ne sont pas connectés.

L’Anguille et l’Homme

L’Anguille d’Europe est considérée en danger critique d’extinction selon l’UICN. On estime une baisse de 90% sur le recrutement en civelle (l’arrivée dans nos eaux de jeunes anguilles) par rapport aux années 1960.

L’espèce subit beaucoup de pressions. De nombreux obstacles se dressent maintenant dans nos cours d’eau (barrages, écluses…) et l’empêchent d’atteindre des zones favorables à sa croissance. Même sa capacité à se déplacer hors de l’eau ne peut l’aider à surmonter de tels ouvrages. La disparition des zones humides est un autre facteur à prendre en compte, ainsi que la pollution de l’eau et la surpêche.

Le fait est que cette espèce reste encore très peu connue. De grands mystères résistent encore aux scientifiques qui l’étudient, notamment concernant sa migration et sa reproduction. Pas facile de suivre un poisson à travers l’océan ! Une autre énigme est le devenir des adultes après s’être reproduits en mer des Sargasses. On suppose qu’ils meurent, après leur long voyage sans manger, mais rien ne le confirme. On ne sait même pas où ils se reproduisent exactement !

Une chose est sûre : il s’agit d’une espèce complexe et unique. Une seule zone de reproduction (connue) dans le monde mais des individus présents partout en Europe. Voilà un poisson difficile à protéger sans efforts communs ! De plus, jusqu’à présent, l’élevage en captivité ne permet pas la croissance d’individus sur le long terme.

À n’en pas douter, cette espèce nous réserve encore beaucoup de surprises, si elle survit jusque-là…

Texte : Quentin Libert / Illustration : Estelle Porres

Les pannes dunaires du Marquenterre regorgent de trésors. Ces dépressions humides, où affleure occasionnellement la nappe phréatique, ponctuent le paysage de sable sans cesse sculpté par le vent marin : véritables oasis blotties au cœur des dunes, elles sont le refuge d’espèces rares et secrètes… 

Parmi elles, un amphibien aux yeux d’or et d’émeraude y a établi son royaume : il s’agit du Crapaud calamite (Epidalea calamita), parfois appelé Crapaud des joncs. Ce joli batracien au corps ramassé, vert, gris ou blanc marbré de kaki, se reconnaît à la ligne médiane jaune qui orne souvent son dos. Contrairement aux autres crapauds et grenouilles, il ne se déplace pas en sautant, mais en marchant, style unique chez les Anoures. C’est ainsi qu’il rejoint sa mare dès le mois de mars, afin d’y déposer sa plus grande richesse : ses œufs. 

Ce sont les mâles qui arrivent les premiers : à la nuit tombée, leur chœur résonne dans les dunes. Les femelles, attirées par cette douce mélopée, les rejoignent. Et les couples se forment ! Le roi grimpe vaillamment sur le dos de sa reine, qu’il saisit fermement sous les aisselles à l’aide de ses petits poings serrés, en position d’amplexus. Celle-ci pond alors un chapelet d’œufs qu’elle dépose au fond de l’eau à même le sable, ou éventuellement autour de quelques plantes aquatiques. Lui la seconde dans cette tâche en tirant sur les rubans d’ovocytes grâce à ses pattes arrière, tout en les fécondant au fur et à mesure. Puis le couple se sépare, et quitte la mare : ne reste que la ponte, constituée d’un ou deux cordons comptant chacun plusieurs milliers d’œufs. Dans une semaine, si les conditions le permettent, des têtards verront le jour, petits princes des pannes dunaires. Pirates, prenez garde ! Le Crapaud calamite est protégé par la loi, comme tous ses cousins amphibiens ! Adepte des milieux pionniers où la végétation demeure modeste (mousses, lichens), il est souvent le premier à conquérir les mares nouvellement créées, leur confiant ses colliers d’œufs, promesses de vie. Alors respectons ce monarque fragile, d’autant plus qu’il est inscrit sur la liste rouge régionale de la faune menacée en Picardie. 

Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Benjamin Blondel, Alexander Hiley, Cécile Carbonnier

 

 

En se promenant sur le Parc, il arrive parfois d’être surpris par de multiples sons ; cela peut être le bruissement des feuilles, le chant d’un oiseau mais aussi celui d’un amphibien ! Un fracas puissant provenant des buissons au bord des chemins est souvent dû à une petite grenouille d’à peine 5 cm : la Rainette verte (Hyla arborea). S’il peut être facile de l’entendre, il l’est beaucoup de moins de l’observer ! Bien souvent perchée sur les branches ou les feuilles des ronciers, sa couleur verte et sa petite taille la rendent presque invisible au premier coup d’œil. Oui, perchée sur les branches, car la Rainette verte, qu’on appelle aussi Rainette arboricole, est un as de l’escalade, grâce à ses doigts terminés par des disques additifs qui jouent le rôle de ventouses ; elle se hisse en hauteur afin de mieux profiter du soleil et échapper à ses prédateurs terrestres.

On la retrouve sur presque toute la France dans des habitats humides et surtout riches en végétation, qu’il s’agisse d’une mare bordée d’aulnes et de roseaux, d’une prairie humide, ou encore d’un grand massif de ronciers situé à côté d’un plan d’eau douce, comme on peut en observer sur le Parc.

En avril, les Rainettes adultes gagnent les plans d’eau pour se reproduire. Ce sont les mâles qui arrivent les premiers sur les lieux. Ils définissent alors un territoire d’environ 3 mètres de rayon qu’ils défendent farouchement, attaquant tous les concurrents qui tenteraient de s’approcher trop près ! Très actifs au crépuscule et durant la nuit, leur chant puissant guide les femelles. Audible jusqu’à plus d’une centaine de mètres, ce chant est amplifié grâce au sac vocal situé sous la gorge : il se gonfle et se dégonfle en laissant échapper le croassement. 

La femelle pondra ensuite environ 1000 œufs dans la mare, regroupés en paquet, d’où sortiront des têtards. Ces derniers, végétariens, mangeront alors des débris de plantes aquatiques avant de se métamorphoser 3 mois plus tard et de quitter la mare où ils sont nés. Ils ne la regagneront qu’à l’âge de 3 ans, pour se reproduire à leur tour.

Adultes, le petit amphibien se nourrit principalement d’insectes variés tels que des moustiques et des mouches, mais aussi des araignées et des cloportes. En bref, elle n’est pas très difficile et attrape, de manière assez agile, presque tous les petits invertébrés qu’elle peut avaler.

Prédatrice, la Rainette verte est aussi une proie pour beaucoup d’espèces d’oiseaux comme les hérons, les aigrettes, les chouettes, mais aussi pour quelques mammifères comme le Renard ou le Putois, ainsi que pour la Couleuvre à collier.

Comme tous les amphibiens, la Rainette verte est menacée d’extinction. C’est une espèce fragile qui est très sensible aux changements environnementaux, à la dégradation de son habitat et à la disparition de ses proies de prédilection : les insectes. Heureusement elle est protégée sur tout le territoire français.

Texte : François Janquin / Illustrations : Alexander Hiley

En ce début d’été, les batraciens se font rares et seules les Grenouilles vertes, au comportement toujours aquatique se font entendre dans les fossés. Si les batraciens aiment la chaleur (ils sont ectothermes, ne produisant pas leur propre chaleur) et sont actifs entre 8 et 30°. Ils n’aiment guère la « surchauffe » et évitent les très chaudes journées. Ainsi, les Crapauds calamites vont plutôt sortir de nuit et se cacher sous des petits abris en journée. En changeant une planche fatiguée devant le pavillon d’accueil, on a découvert dessous trois petits mâles de Crapauds calamites qui se sont fait ensemble leur petite dépression confortable dans le sol. Et chaque jour au-dessus d’eux des centaines de bipèdes passaient et repassaient …

Le Crapaud calamite (de calamus: le jonc) appréciant les nuits tempérées sans vent. Comme on peut le voir sur la photo, la couleur entre individus est variable, mais une des caractéristiques de cette espèce, leurs yeux, restent jaune-vert doré. Il se reconnait aussi facilement avec sa ligne dorsale jaune ou blanche.

 

Texte et illustration : Philippe Carruette