Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Le samedi 29 juin avec l’ouverture à 6h00 du matin, les ambiances sont lumineuses. Au poste 4, c’est l’heure du « petit-déjeuner » pour les regroupements de Foulques macroules juvéniles et adultes non nicheurs en pleine mue, et pour des familles de Fuligules milouins. Tous se régalent sur les stations de potamots pectinés et de ruppies qui flottent en surface, profitant de la progressive baisse des niveaux d’eau. 

Une masse sombre proche de la ceinture de phragmites attire notre attention. Une nichée de Colverts trop bien disciplinée autour de la cane ? Surprise ! À la longue-vue, c’est une femelle de Sarcelle d’été avec 10 poussins. Les jeunes ont plus de deux semaines et sont totalement passés inaperçus malgré notre présence quotidienne. 

Un Héron cendré passe en vol en altitude. La cane dresse la tête et emmène aussitôt sa nichée en bon ordre au cœur de la roselière inondée. Quelques instants plus tard, l’ensemble de la famille traversera tout le plan promptement, les petits bien en ligne militaire derrière leur mère, pour ensuite ne plus être revus de la journée. 

Hormis pour la plupart des Colverts, les nichées de canards sauvages sont très discrètes, sortant tôt le matin ou tard le soir. Ce fut une belle surprise partagée avec les nombreux visiteurs « lève-tôt » et un beau cadeau pour les 51 ans du Parc. D’autant plus que deux autres couples cantonnés semblent avoir échoué dans leur reproduction au poste 10.

Seuls 300 à 350 couples de Sarcelles d’été nichent en France, dont la moitié dans les Hauts-de-France. La dernière reproduction réussie sur le Parc date de 2019 avec 3 couples nicheurs sur le parcours pédagogique, dont deux donnèrent 6 et 9 petits à l’envol. Les canetons étaient de sortie début juillet et on observait lors de nos sorties le soir les familles se mélangeant et cherchant leur nourriture ensemble, toujours proches du couvert protecteur de la roselière. En 2022 et 2023, un couple était aussi cantonné mais sans preuve de nidification réussie. 

La Sarcelle d’été est un grand migrateur en déclin qui nous quitte en août ou début septembre pour hiverner en grand nombre dans le delta du fleuve Sénégal, au Niger et sur le lac Tchad.

Merci à madame Agnès Dechamps qui a partagé avec nous sa passion et nous a envoyé ces photos !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Agnès Dechamps

Le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus) est un petit rapace de la famille des Falconidés doté d’un manteau roux, de longues ailes étroites et d’une queue relativement longue. Comme chez la plupart des rapaces, le mâle est  plus petit que la femelle. D’où l’appellation par les fauconnier de “tiercelet” pour les mâles, et de “forme” pour les femelles. Il est plus coloré aussi, avec son manteau chatoyant et sa tête  gris cendré, et porte des moustaches noires plus prononcées sous l’œil.

C’est son cri d’alarme très strident qui lui a valu son nom d’espèce.

Le Faucon crécerelle est une espèce généraliste capable de s’adapter à une grande diversité de biotopes. On le rencontre depuis le niveau de la mer jusqu’à 300 mètres d’altitude, du moment que le milieu est pourvu d’espaces ouverts riches en micros-mammifères. Néanmoins il peut agrémenter son régime alimentaire d’insectes, de lézards voire de petits passereaux. Il est facilement repérable lorsqu’il chasse au-dessus d’un talus ou d’une prairie, faisant le vol du Saint-Esprit : un vol sur place efficace pour repérer ses proies.

Les couples de Faucon crécerelle, à l’instar de leurs cousins, sont territoriaux. La période de nidification s’étend d’avril à juillet. Les falaises d’Ault constituent un endroit idéal. Sinon, un ancien nid de Corvidés fait l’affaire. La femelle pond de deux à six œufs brun-roux qu’elle couve seule durant trente jours. Le mâle se charge du ravitaillement. Les juvéniles s’émanciperont à deux mois.  

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Pour le plus grand plaisir des passionnés d’ornithologie, un couple de Loriots d’Europe a choisi la cime d’un bouleau non loin du chemin entre le poste à mangeoires et la héronnière pour y nidifier. 

Le Loriot d’Europe, un oiseau aux couleurs chatoyantes 

Une boule en forme de hamac perchée entre deux branches fourchues, se dévoile entre les feuilles. Ce nid, notamment composé d’écorces de bouleau et de quelques plumes de cygne, renferme un trésor d’une rare beauté : madame Loriot réchauffant ses œufs blancs tachetés de brun pourpré d’environ 3 centimètres. 

Une quinzaine de jours plus tard, les deux adultes se relaient dans le nourrissage des poussins, un régime qui se compose notamment d’insectes, larves et fruits. C’est donc une période favorable à l’observation des adultes, qui peuvent, inconsciemment, nous indiquer la position du nid. 

Vidéo : Loriot au nid…

Depuis quelques jours, il est possible d’apercevoir 4 petites têtes affamées et à peine duvettées au sein du nid. Les yeux (et le bec) grands ouverts, ils attendent impatiemment la becquée des parents.

Une quinzaine de jours suffiront aux juvéniles pour quitter leur nid. C’est une observation peu commune s’expliquant par les mœurs de l’espèce, mais qui, grâce à un guide attentif, permet à tous de profiter de ce moment exceptionnel.

Texte : Clémence Divry / Vidéo : Nathanaël Herrmann, Eugénie Liberelle

Fin juin a débuté la période de baguage des jeunes Cigognes blanches pour les guides naturalistes du Parc du Marquenterre. Un programme personnel du Muséum de Paris (Centre de recherches sur le baguage des Oiseaux) est mis en place pour suivre la population en expansion de ce grand échassier en Hauts-de-France et en Seine-Maritime. En Picardie, une centaine de couples nichent ou sont cantonnés cette année dans la région. La quasi-totalité de ces couples est localisée sur notre littoral et surtout en basses vallées de la Somme et de l’Authie. Des couples s’installent aussi maintenant aussi de plus en plus dans le Pas-de-Calais, et même dans le Nord (10 couples). Un camping du littoral berckois accueille même 18 nids sur des arbres étêtés devenant l’attraction des vacanciers ! Les Hauts-de-France, terres de Cigognes… !

Naturellement dans notre région les couples de Cigognes blanches installent leur nid au sommet des grands arbres fourchus souvent morts, beaucoup plus rarement sur les pylônes électriques au grand soulagement de RTE. Il n’y a pas de tradition de nidification sur les bâtiments. Ces nids, très hauts, sont inaccessibles au baguage, comme bien entendu les 12 nids de la héronnière du Parc Marquenterre. La plupart des poussins de cigognes sont ainsi bagués sur les nids construits sur des plateformes artificielles disposées à leur intention… mais surtout pour faciliter le travail des ornithologues bagueurs. Ils sont bien accessibles avec une échelle ou un engin élévateur. 

Les jeunes à l’arrivée du bagueur font les morts au fond du nid. Leurs yeux, sombres, révulsés,  accentuent encore le stratagème face à ce prédateur potentiel (comme sait le faire la Couleuvre à collier !). L’immobilisme évite bien souvent le risque d’attaque du prédateur qui est déclenchée par le mouvement. Les poussins sont bagués entre 6 et 7 semaines. Rondouillards (parfois plus de 3,4 kilos !), les plumes noires des rémiges ont bien poussé et les plus âgés se mettent bien debout et bougent ces ailerons encore courts et flasques. Les jeunes sont descendus du nid pour être bagués au sol en toute sécurité. Ils sont munis obligatoirement d’une bague métal du Muséum de Paris (Centre de recherches sur le baguage des populations d’oiseaux) avec un numéro unique pour chaque oiseau. Les guides du Parc posent également une bague plastique verte avec 4 grosses lettres blanches en majuscule. Les quatre jeunes sur la plateforme entre le poste 11 et 12 sont maintenant porteurs des bagues : FRWD, FRWE, FRWH et FRWI.

On sait grâce à ces bagues que tous les jeunes nés dans notre région partent hiverner en Espagne (notamment autour de Madrid et en Andalousie ), au Portugal (région de Faro) mais aussi jusqu’en en Afrique (Mauritanie, Mali, Niger…). On connaît  aussi parfaitement la route empruntée par nos oiseaux qui évitent la Bretagne et trouvent des arrêts favorables en Mayenne ou dans les Deux-Sèvres. Certains rares oiseaux passent aussi par le sud-est (Champagne, Var) regagnant l’Espagne par le Languedoc Roussillon. C’est généralement au bout de deux ans qu’ils reviennent en Europe, mais de plus en plus de cigognes rentrent maintenant dès le printemps suivant. Quelques-unes vont revenir dans leur secteur proche de naissance, notamment dans le Pas-de-Calais,  mais la grande majorité va nicher bien loin de leur lieu de naissance. Des jeunes nés au Parc du Marquenterre nichent maintenant en Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Vendée, Loire Atlantique et même… à Colmar pour un individu  !

À l’inverse, sur le même site protégé du Marquenterre nichent des cigognes nées en Belgique, aux Pays-Bas et surtout originaires de Normandie où les effectifs atteignent aujourd’hui plus de 300 couples notamment dans la Manche, l’Orne et le Calvados !

Les cigogneaux sont pesés, mesurés (bec, ailes, tarses…). Deux plumes sont prélevées pour des analyses génétiques en laboratoire, permettant de connaître le sexe pour déterminer des orientations migratoires et de fixation entre mâles et femelles. En 2022 et 2023 la sexe ratio des jeunes était parfaitement équilibré.

La Cigogne blanche se porte maintenant tout de même très bien dans notre région. Mais n’ayons pas la mémoire courte. En 1979, seulement 11 couples nichaient encore dans toute  la France (7000 aujourd’hui !) où l’espèce a failli s’éteindre ! Les conditions atmosphériques notamment printanières, la chute des nids sur les arbres morts, le manque de nourriture sont des causes naturelles de régulation de l’espèce. Bien des sites sont encore potentiellement favorables à l’espèce, notamment dans les grandes vallées intérieures picardes. Michel Jeanson, fondateur du parc du Marquenterre, qui a voué une grande partie de sa vie à la réintroduction locale de cette espèce, serait sans nul doute bien heureux de ce résultat. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Sophie Oberbach, Eugénie Liberelle

Le début d’année se présentait bien avec l’arrivée massive d’oiseaux début avril sur la future colonie du poste 2 (maximum de 460 oiseaux le 10 et 414 le 26 avril). Comme toujours, un turn over important a lieu, chaque individu étant à la recherche de son partenaire idéal dans toutes les colonies d’Europe – eh oui, l’Europe chez cette espèce est dans les gènes depuis des dizaines d’années ! 

Mais on voyait bien que la colonie était fortement instable. Le 1er mai a lieu un départ brutal des oiseaux alors que 56 couples ont déjà pondu. Il n’y a plus que 147 oiseaux le 2 mai. Cela est probablement dû aux conditions atmosphériques très défavorables avec pluies, vents perpétuels, même si le mois d’avril n’est pas trop froid. L’espèce se nourrit à cette période dans les champs agricoles aux environs du Parc, où son absence est particulièrement remarquée. On le voit aussi dans le comportement des oiseaux où les femelles sollicitent très souvent les mâles à la régurgitation, ceux-ci mangeant d’ailleurs ce qu’ils régurgitent pour elles ! Les femelles ont nettement des difficultés à trouver de la nourriture vitale pour la constitution des œufs. 

N’oubliant pas qu’à l’origine cette espèce reste méridionale, provenant du sud de l’Ukraine. Ce départ et ces difficultés d’installation sont nettement perçus par les ornithologues sur les autres colonies françaises (Noirmoutiers, vallée de la Loire, Groffliers…). Il semble que cette dispersion de “crise alimentaire” ait profité aux grosses colonies belges et hollandaises qui “font le plein”. Des oiseaux bagués contactés accouplés au Parc fin avril ont été ainsi observés sur la grande colonie d’Anvers en mai. 

Nous avons reçu des nouvelles d’oiseaux de l’Est de l’Europe de 2023 présents sur le Parc.

  • Une première polonaise : Bague rouge PHNU baguée poussin le 08/06/2022 à Zalew Szczodrzykowo, noté le 11/04/23 au Parc. Elle a hiverné du 26/12/2022 au 05/02/23 à Santa Cruz en Corogne espagnole.
  • Bague jaune ALVZ baguée poussin le 19/06/2021 sur les gravières de Leipzig (Saxe allemande). Notée le 06/04/2023 au Parc. Le 22/01/2022 sur la lagune de Rota à Cadiz (Espagne). Le 31/07/2022 dans le Dorset à Portland (Angleterre). Le 20/07/2023 sur la réserve RSPB de Lodmoor dans le Dorset et le 06/11/2023 à Omonville-la-Petite dans le département de la Manche avant de repartir dans le Dorset du 25 au 27/11/2023. Déjà un beau périple européen pour ce jeune oiseau sûrement adepte d’Erasmus !
  • Bague jaune ASKH baguée poussin aussi sur les gravières de Leipzig le 15/06/2021. Le 28/08/2021 au Cap Blanc Nez (Pas-de-Calais). Le 18/05/2022 une virée continentale plus étonnante à Kirchdorf an Inn en Autriche ! Le 31/01/2023 elle hiverne à Réville dans la Manche et le 24/03/2023 au Parc.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Appartenant à famille des Apodidés, le Martinet noir (Apus apus) se rapproche des colibris d’un point de vue classification. Cet oiseau est tout noir, à l’exception du dessous des ailes et de sa bavette qui paraissent grisâtres. Sa queue est très fourchue. Doté d’un corps aérodynamique avec des ailes en forme de faux, il est taillé pour le vol.  Ses pattes très courtes l’empêchent presque de se poser. 

Il est reconnaissable aussi à son cri très strident faisant un peu penser à des enfants jouant dans une cour d’école…

Cet oiseau aux caractéristiques morphologiques hors du commun ne se pose pratiquement jamais. En effet, il fait quasiment tout en vol : se reproduire, dormir, se nourrir. Il ne se pose qu’au moment de la ponte et de la couvaison des œufs, et du nourrissage des juvéniles. 

Il choisit des zones lui permettant de s’envoler facilement, notamment les cavités naturelles comme les falaises et les grottes, mais aussi les lieux d’origine anthropique comme les porches des maisons. De un à quatre œufs  blancs et oblongs sont couvés à tour de rôle par les deux adultes pendant 20 jours. Les jeunes s’émanciperont au bout d’une quarantaine de jours.

Le régime alimentaire du martinet noir est exclusivement constitué de plancton aérien qu’il attrape aisément grâce à son bec très largement ouvert.

Arrivant chez nous à partir du mois d’avril de ses quartiers d’hivernage au sud de l’équateur, il repart mi-juillet début août. Une belle performance pour un poids oscillant entre 38 et 45 g !

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Le Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos) appartient à la famille des Muscicapidés. Il ressemble beaucoup à son cousin le Rougegorge familier (Erithacus rubecula),  par le port dressé de sa queue. Les parties supérieures ainsi que le croupion sont roux. Les parties inférieures sont blanchâtres, mais un bandeau brun-roussâtre orne sa poitrine et ses flancs. Son œil noir assez grand est entouré d’un cercle oculaire blanc-crème bien visible.

Il apprécie particulièrement les forêts aux peuplements jeunes. Les corridors écologiques comme les écotones  (lisières) ou les haies le long des zones humides riches en végétation épaisse lui conviennent également.

Le mâle ne se pose jamais au sommet pour chanter, contrairement à d’autres espèces. Cela rend plus compliquée son observation. Il faut le chercher dans les feuillages

Revenant d’Afrique subsaharienne à partir de la seconde décade du mois d’avril, il aime annoncer  son arrivée par un chant flûté. Le mâle très territorial chante de jour comme de nuit ; d’où son nom en anglais : « Nightingale ». 

Son régime alimentaire insectivore est majoritairement constitué de coléoptères et de fourmis capturés au sol. En été, avant son grand voyage, il complète son menu avec des baies bien mûres qui sont riches en oxydes de fer.

Un couple de rossignol peut avoir jusqu’à deux couvées dans la saison. Le nid est construit dans la végétation basse proche du sol. Quatre à cinq œufs olive tachetés de rougeâtre sont couvés pendant treize jours. Les juvéniles seront indépendants seulement à l’âge d’un mois.

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Plus petite, plus fine et plus discrète que sa cousine la Tourterelle turque, la Tourterelle des bois nous revient de ses aires d’hivernages depuis quelques semaines. Malgré son plumage assez reconnaissable avec un dos roux clair, c’est souvent au chant que nous repérons sa présence, un roucoulement s’étalant sur 3 temps de notes continues et similaires. 

Celle-ci garde facilement ses distances vis-à-vis de l’Homme, contrairement à la Tourterelle turque qui est bien plus anthropophile. Elle est donc plus farouche durant toutes les phases de sa vie. 

Elle est strictement migratrice et nous quitte pour les territoires de la bande sub-saharienne pour l’hiver. Par ailleurs, contrairement au Pigeon ramier qui fera de belles migrations groupées, la Tourterelle des bois migrera seule ou par petit groupe, donc beaucoup plus discrètement. 

Cette espèce classée vulnérable et en diminution de 78% depuis 3 à 4 décennies, est toujours chassée lors de ses migrations, ainsi que sur ses aires d’hivernages. La diminution de milieux favorables à sa nidification, particulièrement à cause de la destruction des haies et l’utilisation d’intrants en agriculture, participe aussi à sa disparition sur notre territoire. 

Nous sommes donc toujours heureux d’entendre et de noter toute présence de cette espèce sur le Parc. Une parade et un accouplement ont même été aperçus dernièrement !

Texte : Raphaële Thilliez / Illustration : Foucauld Bouriez