Le 7 octobre 2021, grande surprise : un nouveau record de stationnement de Spatules blanches est établi, avec 514 oiseaux posés ensemble au poste 8, alors que des vols réguliers plein sud continuent de zébrer le ciel. Magique…

Ce sont plus de 40 bagues couleur qui sont identifiées. Ces oiseaux sont majoritairement originaires des Pays-Bas, et dans une moindre mesure du Danemark, du nord de l’Allemagne et de Belgique, où les colonies sont moins nombreuses. Mais là aussi la surprise est d’actualité avec une Spatule portant une double bague vert clair avec UN inscrit en noir. Elle a été baguée au nid par un bagueur hongrois, Hamon Gergl, le 21 mai 2004 à Csongrad au sud-est de Budapest. Du 3 au 5 septembre 2021, elle était à Niedersachsen sur les colonies allemandes. 

C’est la deuxième observation d’un oiseau de l’est de l’Europe, après celle d’une Spatule serbe baguée le 13 mai 2007 à Vojvodina et observée début octobre 2016 au Parc. Cela montre que des relations existent entre oiseaux adultes des colonies orientales, souvent installées sur des étangs à vocation piscicole, et des colonies de l’ouest de l’Europe.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Breaking news !

Une Cigogne alsacienne est venue nous rendre visite. CK11593, baguée le 15 juin 2015 à Soultz, dans le Haut-Rhin, a été observée sur le Parc le 19 septembre 2021. 

ATWU, baguée au Marquenterre le 27 juin 2008, est quant à elle toujours fidèle à son nouveau pays d’adoption, les Pays-Bas, où elle est notée le 5 janvier et le 20 septembre 2021 à Tilburg. 

To be continued… 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Pierre Aghetti

Phéno : un diminutif de Phénologie de la migration, un programme de baguage mis en place par le Muséum de Paris (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) pour étudier la migration postnuptiale, durant 4 mois – d’août à novembre. Il est opérationnel depuis 2014 au fond des parkings du Parc du Marquenterre. Le milieu très diversifié, en dunes semi-boisées, est particulièrement favorable comme halte pour les passereaux, surtout en automne. Mais c’est d’abord en plein été que nombre d’oiseaux nous quittent : rousserolles, phragmites, locustelles dans les roselières ; fauvettes et pouillots dans les dunes buissonnantes ou forestières. Rouges-gorges, roitelets, merles et grives prendront le relais en septembre octobre. 

Grimpereau des jardins

Le baguage en août concerne surtout les Fauvettes à tête noire, babillardes, grisettes et des jardins. Mais cette année, les premières séances n’ont curieusement donné aucune capture de Fauvette à tête noire. Est-ce dû à une mauvaise reproduction pour cette espèce ? La présence d’un couple d’Éperviers nicheur avec des poussins à à peine 100 mètres de la station de baguage peut aussi expliquer les faibles captures de ce mois. Les premiers Rougegorges migrateurs, quant à eux, sont notés assez tardivement début septembre.

Sittelle torchepot

Outre l’étude de la phénologie de la migration pour chaque espèce, cela permettra aussi de montrer l’importance de certains habitats. Ainsi la zone boisée dunaire qui s’étend de l’entrée du site jusqu’aux parkings est une trame verte indispensable entre les terres agricoles intérieures, le village et le Parc, notamment pour des espèces forestières plutôt sédentaires comme la Sittelle torchepot, la Mésange nonnette et le Grimpereau des jardins, mais aussi pour les migrateurs comme la Mésange noire ou les roitelets, qui peuvent être capturés en grand nombre en début d’automne. Ces derniers, “lourds” de 5 grammes (!) font en effet une “migration rampante” d’arbres en arbres tout en se nourrissant de petits pucerons, mais cela ne les empêche pas de venir de Scandinavie ou de Pologne ! Ils évitent de traverser l’estuaire, et le passage par cette zone forestière est indispensable, voire vitale, pour ensuite contourner la baie de Somme.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Philippe Carruette, Cécile Carbonnier

Les dernières marées hautes de fin juillet nous ont apporté de nombreux Huîtriers pie. Le reposoir s’est déplacé temporairement sur les nouveaux îlots du poste 2, celui du poste 4 étant encore submergé du fait des précipitations estivales exceptionnelles : 118 mm de pluie en juin, et 102 mm en juillet ! Si, globalement, la pluviométrie annuelle reste à peu près la même, la répartition des précipitations sur l’année est, quant à elle, totalement bouleversée.

La plupart de ces Huîtrier pie sont des juvéniles au bec et aux pattes sombres, et aux yeux marron, non pas rouges comme ceux des adultes.

Si on les observe en détail, on remarque aussitôt des individus porteurs de bagues colorées. Outre l’anneau en métal du centre de baguage, certains ont des bagues orange, bleues, blanches, vertes… parfois accompagnées de chiffres ou de lettres bien visibles à la longue vue. Un patchwork de couleurs du plus bel effet, mais surtout, bien entendu, un outil scientifique efficace et précis pour suivre sur plusieurs années leurs mouvements à distance, sans avoir à les capturer de nouveau. 

La plupart des oiseaux ont été bagués poussins aux Pays-Bas, mais aussi en Flandre belge (région de Gand) ou en Angleterre (Hampshire) où l’espèce est abondante, mais subit ces dernières années une forte baisse due en particulier à la raréfaction des ressources alimentaires des vasières.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Pierre Aghetti

17 000 kilomètres : c’est la distance parcourue par un oiseau d’environ 250 grammes !

Début juillet, une Sterne caugek portant à la patte une bague jaune numérotée HC7 a été observée sur le Parc du Marquenterre. Avec ce code, l’équipe des guides a pu mener sa petite enquête et contacter le coordinateur du programme de baguage, via le site European colour-ring birding. En retour, ils ont pu obtenir des informations sur cet oiseau.

Née aux Pays-Bas et baguée poussin le 14 juin 2018 sur la colonie de Slijkplaat à Haringvliet au sud de Rotterdam, elle a été aperçue deux jours de suite en Namibie au sud-ouest du continent africain en février 2020, soit au minimum 17 000 km de chemin parcouru en longeant les côtes ! Elle a dû passer l’hiver le long de la côte atlantique à Luderitz – la Namibie est une ancienne colonie allemande, et le pays est indépendant depuis mars 1990 – proche de la frontière de l’Afrique du Sud.

Évidemment un tel trajet ne s’effectue pas sans haltes, les pauses sont régulières lors de cette migration au long cours pour se reposer la nuit. La pêche de petits poissons (lançon, sprats…) se fait durant le voyage et les jeunes sont ravitaillés en vol tout en apprenant le complexe métier de pêcheur en mer. Lors des coups de vents et tempêtes il n’est en effet pas simple de pêcher en surface de l’eau au milieu des flots démontés ! Néanmoins, malgré tant de grâce et de finesse, ne vous détrompez pas, ces oiseaux sont puissants et capables de faire plusieurs centaines de kilomètres par jour.

Vue de fin mai jusqu’au 19 juin 2021 à Slijkplaat, la Sterne caugek HC7 se serait donc reproduite à 3 ans aux Pays-Bas, avant de faire une halte en couple avec son jeune au Parc du Marquenterre, “aire de repos” bien connue des oiseaux migrateurs, afin de le nourrir de poissons pêchés en baie de Somme.

On la surnomme “hirondelle de mer” du fait de sa silhouette fine et de sa queue échancrée rappelant celle de l’hirondelle. Son bec est long et noir, avec le bout jaune. Oiseau grégaire, elle nidifie souvent sur des îlots en colonie, comme au Parc du Marquenterre – 44 couples cette année – ou au Hâble d’Ault, d’avril à juin. L’espèce reste peu abondante comme nicheuse en France avec chaque année en moyenne 6800 couples très localisés, la majorité étant regroupés en quatre ou cinq grandes colonies au Banc d’Arguin dans le bassin d’Arcachon, sur le polder Sébastopol à Noirmoutier, ou encore dans les lagunes de l’Hérault et de Camargue.

Texte : Laëtitia Bordier, Philippe Carruette / Illustrations : Nathanaël Herrmann

 

Les premières nichées d’Hirondelles rustiques commencent à bien grandir. C’est le moment idéal pour baguer au nid ces grands poussins, pas trop petits car la patte serait encore trop courte, et surtout pas trop grands car les jeunes pourraient quitter prématurément le nid ! Quatre couples nichent dans les ateliers du Parc dont les portes sont munies d’ouvertures conçues à leur intention par l’équipe d’entretien : merci Francis et Cédric ! Plus rarement, elles peuvent s’installer à l’extérieur, sous le porche du pavillon d’accueil, ou parfois même dans les postes d’observation. Les adultes sont bagués rapidement au filet, uniquement au moment du nourrissage. On leur laisse bien entendu toute tranquillité pendant la couvaison et lors de leur arrivée sur le Parc, en mars, après un bien long voyage. 

Généralement, seuls 20 à 30% des individus sont retrouvés d’une année sur l’autre. Quand on connaît la fidélité des oiseaux adultes à leur site de nidification, cela laisse supposer la forte perte en migration et sur les sites d’hivernage d’Afrique centrale. Quant aux jeunes, ils ont tendance, en très grande majorité, à ne pas revenir sur leur lieu de naissance, colonisant ainsi de nouveaux secteurs, ce qui facilite le brassage des populations. Des Hirondelles rustiques seront également baguées dans les fermes et chez les particuliers aux alentours du Parc, dans le cadre du programme du CRBPO (Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux) du Muséum de Paris. Si vous trouvez un oiseau mort bagué, n’oubliez pas de renvoyer l’information – libellé complet de la bague, lieu, espèce présumée, date, cause de mortalité… – à bagues@mnhn.fr. Bien trop de bagues trouvées par des personnes sont perdues, nous privant d’importantes et précieuses informations naturalistes !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Philippe Carruette

Habitués à les voir nicher sur les falaises de Bretagne comme les landes de Belle Ile en mer ou les toits des maisons du littoral, on peut se demander si tous ces goélands qui viennent à marée haute sur le parc sont bien de « chez nous » !

En effet, la très grande majorité sont en fait migrateurs et même de grands migrateurs…

Les Goélands marins viennent surtout des colonies norvégiennes, et les Goélands argentés et cendrés vont nicher principalement en Scandinavie, Belgique, Allemagne du nord ou aux Pays Bas.

Nous venons de recevoir la fiche d’un Goéland brun bagué poussin avec une bague bleue « VKKO », le 5 juillet 2016 sur l’île de Langli, côte nord ouest du Danemark, en Mer du Nord. Il avait été noté au parc durant la marée haute le 22 août 2020.

Trois Goélands bruns bagués en Norvège avaient déjà été notés au parc l’année dernière lors des pleines mers sur les reposoirs estivaux, qui réunissent des nombreux oiseaux.

Ces oiseaux n’ont pas forcément fini leurs voyages puisque certains vont hiverner jusqu’aux côtes basses d’Afrique de l’Ouest !

Nous avons la chance de pouvoir les observer depuis le point de vue, en mars, quand ils remontent vers le nord par petits groupes.

Texte : Philippe Carruette / Illustration (Goéland argenté) : Florian Garcia

La Mésange bleue est une espèce commune dans nos jardins boisés, bosquets et bocages de Picardie.

Le 3 mars 2021, Odile Plateaux de Villers Bretonneux voit un de ces petits passereaux se claquer sur sa baie vitrée : l’oiseau est juste commotionné. Sa patte porte une bague métal du Museum de Paris. Juste avant de relâcher saine et sauve la petite mésange, la bague est photographiée sous toutes les coutures : 9615448. La réponse ne tarde pas à arriver de la part du Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux ; l’oiseau a été bagué au Parc du Marquenterre, le 4 février 2021 à 10H30, en femelle de 2 ans. Rien d’étonnant pour une si faible distance.

Bon nombre de Mésanges bleues quittent à l’automne l’est de la Belgique, les Pays Bas ou les bords de la Baltique pour gagner la France et notamment le littoral picard. Les mésanges qui viennent l’hiver dans votre jardin sont donc loin d’être toutes sédentaires : bien au contraire !

Ce qui est intéressant ici, c’est la date et l’orientation plein est de ce contrôle. Début mars correspond au pic de migration de printemps de cette espèce. Cette mésange retournait probablement en Europe du nord-est pour nicher. Du littoral à Villers Bretonneux, elle a donc sans doute suivi la vallée de la Somme. Les mésanges ne voyagent que de jour et font souvent ce qu’on appelle de la migration rampante, c’est à dire qu’elles s’arrêtent de bosquets en buissons pour se nourrir et se reposer. On comprend alors l’importance des couloirs végétalisés, le rôle des haies ou des bosquets, nos jardins diversifiés : c’est la trame verte ou la trame bleue dans le cadre des cours d’eau. Sans cela, c’est comme si vous vous engagiez sur la route des vacances sans station service, restaurant ou aire de repos sécurisé, avec aucune possibilité de sorties sur de longues distances. Pour ces migrateurs adaptés morphologiquement aux courtes distances, cela représente une mort certaine.

Espérons que la Mésange bleue de Mme Plateaux nous apportera de nouvelles informations ainsi que des indications sur la qualité de vie de cet oiseau.  

Si vous trouvez un oiseau mort et bagué, envoyez la bague au Museum de Paris en indiquant, si vous le connaissez, le nom de l’oiseau mais surtout la date et le lieu de découverte ainsi que la cause de sa mortalité. S’il est vivant, notez le numéro de bague et relâché aussitôt l’oiseau et faites la même démarche.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley