Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Le 23 mars une première Hirondelle rustique est observée à Canteraine près de Rue en fin d’après-midi. Aussitôt, elle rentre dans « son » atelier où elle a niché l’année dernière. C’est un mâle porteur d’une bague ; il n‘a pas oublié son logement des années précédentes. Il a pourtant traversé une grande partie du continent africain, en provenance du Congo ou de Centrafrique. Il en a ainsi vu des paysages, des villes, des déserts et des forêts équatoriales… pour retrouver une simple maison de la campagne picarde ! Il sera rejoint par un second oiseau le 25 mars.

Le même jour, deux oiseaux sont observés au Parc du Marquenterre, trois en baie de Somme et un à Larronville, hameau de Rue également. On voit qu’un premier passage d’« éclaireuses » a atteint le nord de la France malgré le mauvais temps qu’elles ne peuvent pas prévoir au gré de leurs déplacements diurnes, seules ou en groupe lâche. Chaque soir, elles doivent se poser en dortoir, le plus souvent dans des roselières, ou alors des arbres, des édifices, le plus à l’abri possible du vent et des intempéries. 

Les nicheurs dans les ateliers de travail derrière le pavillon d’accueil arrivent généralement plus tard (le 2 avril 2022, le 29 mars 2021, 8 avril 2020, et 23 mars 2019). Globalement, les premières Hirondelles rustiques reviennent sur notre littoral 10 jours plus tôt qu’il y a 30 ans. Dans l’ordre, les dates les plus précoces sur le Parc sont le 10 mars 1993, 11 mars 2009, 12 mars 1990 et 2017, et 13 mars 2015.

Texte et illustration : Philippe Carruette

Un Busard des roseaux immature survole la roselière de son vol chaloupé. Arrivé au-dessus des prairies inondées du poste 7, il provoque le décollage général des Barges à queue noire et des canards. Son objectif est simple : repérer un oiseau affaibli qui ne peut s’envoler.

Le rapace décèlera rapidement la moindre faiblesse, ce qui orientera sa prédation vers cette proie plus facile. Seul espoir pour elle : aller à l’eau, où le rapace aura plus de mal à la capturer. Grâce au vol plané ne nécessitant que de rares battements d’ailes, le busard utilise peu d’énergie, ce qui est bien utile puisque ces survols sont réguliers… et les captures bien peu fréquentes !

Dès que l’oiseau de proie s’est éloigné, l’ensemble des « décollés » se repose quasiment au même endroit. En compensation du stress, tous se mettent à faire une ébauche de toilette ; chez d’autres espèces, comme les Avocettes élégantes nicheuses locales, on observe aussi une recrudescence des accouplements après les moments de tension. 

 

Mais si c’est un dérangement humain,  l’attitude est bien différente. ! Les oiseaux prennent de l’altitude et quittent le lieu pour d’autres plans d’eau… ou définitivement s’ils sont arrivés récemment en halte migratoire !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

 

Il nous arrive parfois d’observer des oiseaux n’ayant qu’une seule patte. Ce sont souvent des échassiers limicoles comme les Avocettes ou les Barges à queue noire, des passereaux comme les mésanges, mais plus rarement des grands échassiers comme cette Spatule blanche. L’amputation peut être totale et haute, ou partielle, ne concernant que les tarses. 

L’oiseau sautille, se repose sur une patte, et parfois se couche, ne pouvant changer de “support”. Il est plus difficile pour lui de se nourrir car son déplacement est très ralenti ; il choisit alors des zones à forte concentration de nourriture, et sa lenteur le fait souvent être seul

L’oiseau blessé doit tout d’abord survivre à l’amputation en évitant l’infection lors de la nécrose. En eau salée, ce risque reste un peu plus limité. À la héronnière, une Spatule niche depuis de nombreuses années avec une patte totalement raide et non fonctionnelle. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

 

Dès le 10 janvier, avec l’extrême douceur des températures, les premiers Canards pilets venant du sud et remontant vers le nord-est de l’Europe sont observés sur le Parc dans les prairies inondées. On les reconnaît facilement, notamment les mâles, à leur poitrine orangée. Cette couleur vient de l’oxyde de fer des terres d’hivernage comme la latérite d’Afrique de l’Ouest ou du bassin méditerranéen. Collé sur les plumes, ce « maquillage » va se diluer au contact des eaux douces des haltes migratoires. 

Nous ne remarquons pas d’oiseaux portant ces teintes flamboyantes surprenantes lors de l’hivernage, en décembre notamment ; de telles observations n’ont lieu que lors des migrations actives. Attention, dans certaines régions où ces oxydes sont présents – comme en Camargue – les oiseaux peuvent avoir cette coloration. On peut retrouver aussi cet aspect, mais en plus délavé, sur certains bassins de décantation argileux.  

Les dates de retour sont de plus en plus précoces : 10 février 2019, 1er février 2021, 31 janvier 2014, 15 janvier 2022…

Notons que nous pouvons observer cette teinte orangée, mais de manière moins évidente, chez d’autres espèces comme la Sarcelle d’été, et dans une moindre mesure le Canard souchet ou la Sarcelle d’hiver qui hivernent en moins grand nombre en Afrique de l’Ouest.   

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail

Une journée ensoleillée sans vent favorise le retour des grands échassiers à la héronnière. Dès le 4 février, avec la douceur des températures, quelques Hérons cendrés étaient sur les nids. Ce sont les mâles âgés qui arrivent les premiers sur leur « donjon », paradant gorge ébouriffée et crête dressée au moindre survole d’un oiseau. 

Le 3 janvier, alors que le thermomètre affiche 15°C (!), deux mâles célibataires de Cigognes blanches bougent quelques branches sur leur nid. Un mois plus tard, 11 oiseaux sont observés, seuls ou à deux. Les bagues permettent de voir que certains couples ne sont guère fidèles (AERY est désormais avec AFFG pour les derniers potins…).  

 

Ce ne sera vraiment qu’à partir de mi-mars et surtout à la fin du mois que nous verrons arriver les autres habitants des lieux : Spatules blanches et Aigrettes garzettes, Hérons garde-bœufs  et en dernier nous l’espérons les deux couples de Bihoreaux gris. Quant aux Grandes aigrettes, deux couples se réinstallent dans la saulaie visible de loin depuis le poste 10.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Les voici de retour pour une nouvelle saison riche en rencontres naturalistes sur le Parc du Marquenterre : les trois premiers Grèbes à cou noir ont été observés le 15 février, avec deux individus en mue et un oiseau encore en total plumage d’hiver. 

Ce petit oiseau n’hiverne jamais en totalité sur le Parc, les derniers individus séjournant au plus tard jusqu’en novembre ou début décembre. Le retour de cette superbe espèce a lieu de plus en plus tôt : deux individus étaient observés sur le site le 12 février 2022 ; en 2021, la première mention datait du 26 février ; tandis que les années antérieures, les dates de retour avaient lieu généralement début mars.

Les oiseaux choisissent d’hiverner surtout en mer, notamment le long des côtes de Bretagne, aussi bien en Manche qu’en Atlantique, et jusque dans le golfe de Gascogne. À l’inverse du Grèbe huppé, dans notre région les observations de cette espèce en mer ou dans les estuaires restent peu fréquentes.

Espérons que cette année encore, le Grèbe à cou noir niche en nombre sur le site, comme ce fut le cas en 2022, avec 22 couples… et de nombreux poussins ! La proximité d’une forte colonie de mouettes et la nidification des couples en groupe important sont indispensables au succès de la reproduction. 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Depuis quelques jours un maximum de 8 femelles et 1 mâles de Harles piettes sont présents sur le parc (poste 6, là où il y a le café et le chocolat !). Les mâles ne sont jamais très fréquents sur le site, ces derniers étant plus casaniers et descendent moins vers le sud que les jeunes et les femelles.

Je me souviens enfant d’un article sur l’oiseau dans le Courrier de la Nature en 1977, la revue de la société Nationale de Protection de le Nature. Il était présenté dans cette revue  comme l’oiseau des glaces qui venant de la lointaine Russie ou de la à peine plus proche Finlande, n’atteignant notre région que lors des vagues de froid les plus sévères. Pour moi avec les photos des superbes mâles à la livrée blanc pur liserée de lignes noirs comme une calligraphie, il devient l’oiseau mythique que je n’aurais jamais l’occasion de croiser du regard dans la nature…

Aujourd’hui les Harles piettes sont observés chaque année sur le parc quelque soit la dureté de l’hiver et même lors des hivers les plus doux comme ces trois dernières années. Les oiseaux ont su mémoriser ce site d’hivernage favorable à l’inverse d’autres espèces comme les Cygnes chanteurs ou les Harles bièvres. On parle de tradition d’hivernage que l’on retrouve encore sur le parc chez les Garrots à œil d’or et le Cygne de Bewick .

Photo: Alexander Hiley

Depuis la vague de froid de 2013, le Cygne de Bewick a retrouvé une véritable tradition d’hivernage sur le parc. Cette année là jusqu’à 19 oiseaux avaient été observés, un record historique pour la Picardie ! En 2014 un couple revient avec ses deux juvéniles, en 2015 se sont 6 adultes et 2 juvéniles qui sont présents en hivernage, et pour l’hiver 2016/2017 un groupe de 6 avec un seul immature. C’est avec plaisir cette année que l’on retrouve un couple d’adulte le 13 novembre. Il est probable que ce soit le même couple depuis décembre 2018 qui quittent le parc chaque matin pour gagner les champs et marais arrière littoraux notamment sur le secteur de Ponthoile.

Seuls 300 à 400 individus de ce joli petit cygne de Sibérie arctique hivernent en France (le marais de Méjanes en Camargue, étangs champenois et lorrains). On ne sait pas s’ils sont venus « en rennes » mais c’est toujours un beau cadeau de fin d’année juste avant de départ des guides ! Et près de 3800 km parcourus depuis la presqu’île de la Kolyma ou le delta de la Petchora pour retrouver exactement les prairies inondées du poste 7 ! L’espèce n’est pas menacée au niveau mondial mais les effectifs hivernants sont en net déclin en Europe de l’Ouest (21.000 individus) avec un report vers des sites plus orientaux comme la mer Caspienne.