Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Pour changer un peu, voici une petite devinette : mais qu’est-il arrivé à cette jolie Mésange bleue, capturée lors d’une séance de baguage dimanche 13 mars, avec son “museau” tout jaune ?

Est-ce une jeune mésange fraîchement sortie du nid, et dont la tête serait encore teintée de soufre ? 

Non, il s’agit bien d’une adulte. Les juvéniles perdent d’ailleurs cette coloration dès la fin de l’été, lors de leur première mue.

Est-ce dû à un changement hormonal lié à la reproduction ? 

Non plus !

Alors aux pigments présents dans l’alimentation ? Un peu comme les caroténoïdes ingérés par le Flamant rose sont responsables de sa couleur ?

Non ! 

À du maquillage ?!

D’une certaine façon…

En réalité, cette mésange raffole d’insectes cachés dans la végétation, notamment les saules, dont la floraison précède la feuillaison. À force de farfouiller avec gourmandise dans les fleurs en quête de petites proies, elle badigeonne sa face de pollen. Résultat : sa bouille devient toute jaune ! 

Texte : Philippe Carruette, Cécile Carbonnier / Illustration : Philippe Carruette

Cette année, malgré l’hiver doux, les mangeoires à passereaux dans les jardins ont été très fréquentées. Du fait de l’importante migration irruptive de cet automne, les Mésanges bleues et les Mésanges noires ont pu être très nombreuses. Tous ces petits convives sont originaires surtout du nord-est de l’Europe (pays des bords de la Baltique, République tchèque…). 

Ces allées et venues frénétiques pour récupérer inlassablement une graine de tournesol suscitent beaucoup d’intérêt, et pas seulement chez les observateurs humains… L’Épervier trouve là une manne régulière de petites proies. Dès qu’il est repéré par un passereau, des cris courts et suraigus retentissent et plus un mouvement n’a lieu, après un envol général. Certains restent totalement immobiles, aplatis sur une branche, tremblotant de stress. Ils savent que l’oiseau tue bien plus facilement en vol. Finalement, vous trouverez peut-être au sol un tas de plumes, la plumée, le rapace « déshabillant » le dessous du corps de sa proie dans un endroit tranquille avant de déguster les parties musculaires. Le mâle d’Épervier se reconnaît aux parties roussâtres de l’avant du corps ; la femelle, bien plus grande, peut capturer une Tourterelle turque voire un Pigeon ramier.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Philippe Carruette

En mars, le Canard souchet est un des anatidés les plus présents sur le Parc. Plus de 500 individus peuvent être régulièrement comptés. C’est une période de grande activité pour cet oiseau à l’air toujours renfrogné, sa tête basse paraissant disproportionnée. Pour les mâles les plus âgés et les nicheurs méridionaux – dont deux ou trois couples sur le Parc – les couples sont déjà bien formés. Pour d’autres, c’est encore la période des parades : envols des mâles pour montrer aux femelles leurs belles “épaulettes” bleues, pompages et mouvements de tête caractéristiques afin de séduire leurs belles… Beaucoup de couples vont vite filer vers les sites de nidification du nord-est de l’Europe, et les mâles encore célibataires deviendront rapidement majoritaires. 

Seuls 2000 couples de Canard souchet nichent en France, principalement dans les marais de l’Ouest (Brouage, marais breton, Brière et Grand-Lieu…) et entre 30 à 50 000 couples en Europe, surtout aux Pays-Bas et en Finlande. De jeunes mâles de l’année dernière sont encore en mue avec un plumage peu rutilant… qui ne fera guère envie aux canes ! Pour eux, il faudra encore attendre l’hiver prochain pour espérer être en couple. Des regroupements alimentaires ont lieu par période de beau temps et de léger vent, les oiseaux tournant sur eux-mêmes pour créer un “tourbillon ascensionnel” permettant de faire remonter invertébrés et plancton végétal ou animal en surface. Le large bec plat muni de lamelles montrera ensuite toute son efficacité pour filtrer le repas.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Alexander Hiley

Aujourd’hui nous portons notre œil sur le fantôme des roselières. En effet, son plumage strié lui procure un excellent camouflage. Très précautionneux et assez sensible aux dérangements humains. C’est un oiseau qui est assez dur à saisir en observation. 
 
Il appartient à la famille des Ardéidés, couramment appelés échassiers. Le bec en forme de poignard en est d’ailleurs un très bon exemple. Son régime alimentaire est majoritairement composé de poissons mais il n’hésite pas également à attraper insectes, amphibiens…
 
Le Butor étoilé affectionne les étendues de roseaux bordant les eaux peu profondes. Lui permettant de pêcher à l’affût. Quand il est dérangé, il adopte une posture montée parmi la végétation. Son cou et sa tête sont tendus, le bec lui vers le ciel. Cette pose lui permet de surveiller les environs jusqu’à ceux que le danger ou l’intrus s’éloigne. 
 
La scène que vous pouvez observer dans la vidéo présente le comportement de parade d’un individu, qui a été enregistré le 14 Février au sein du poste 4 dans le Parc. C’est en effet une zone de roselière particulièrement favorable où il est régulièrement observé actuellement. 
 
Dès la fin de l’hiver et avec les jours qui rallongent de plus en plus, bon nombre d’oiseaux sont stimulés par des poussées hormonales. En vue notamment de pouvoir séduire une femelle pour pouvoir créer un couple.
 
On notera par ailleurs qu’en 2021 un individu a été observé le 30 mai dans la même zone étudiée. Cette donnée plus que sérieuse confirme encore l’intérêt d’une reproduction potentielle vers le secteur des postes 4 à 6 où les roselières bien en eau sont les plus larges.
 
Toutefois, l’observation de parades nuptiales reste exceptionnelle. Et les témoignages relatant ces faits le sont tout aussi. Les gonflements de plumes de la gorge, la présence de deux adultes proches bec en l’air sans agressivité. On traduit cela en des comportements prometteurs.
 
Un 2ème butor a aussi été aperçu dans le même coin de roselière que celui de la vidéo. Il se pourrait bien peut-être que ce soit une femelle désintéressée pour l’instant. Où tout simplement un autre mâle de passage. 
 
Quoi qu’il en soit, nous comptons bien continuer à les observer attentivement. En espérant la création d’un couple si possible ! Ce qui aboutirait peut-être à leur installation en tant que nicheur sur le site. Si cela arrivait, ça serait ainsi une 1ere pour le Parc depuis sa création.  
 
Texte: Florian Garcia (Guide Naturaliste)
Photo: Eugénie Liberelle (Guide Naturaliste)

Novembre marque la fin de la migration des Spatules blanches. Si aujourd’hui plus de 1000 individus hivernent en France, la grande majorité des oiseaux de l’ouest de l’Europe partent en Afrique, du Maroc à la Guinée Bissau, avec les effectifs les plus importants en Mauritanie, au Sénégal et au Niger. Quelques oiseaux hivernent désormais en Belgique et aux Pays-Bas, mais le Parc du Marquenterre reste l’un des sites les plus nordiques pour un hivernage conséquent de l’espèce qui a débuté en 1995. Auparavant les quelques oiseaux qui tentaient leur chance ici ne survivaient pas aux vagues de froid, ou quittaient finalement le secteur en décembre pour gagner le golfe du Morbihan. 

Le 3 novembre 80 Spatules étaient encore présentes au poste 3, avec une majorité de juvéniles dont certaines baguées aux Pays-Bas. C’est un record pour la période (maximum de 64 le 10 novembre 2018 et 62 le 3 novembre 2011). Il reste néanmoins peu probable que la totalité de l’effectif reste tout l’hiver ; comme à leur habitude, dès les premières gelées, une partie des Spatules se dirigera plein sud. L’hivernage en constante augmentation tourne normalement autour de 30 à 40 oiseaux. Alors profitons bien de ce beau regroupement !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Jeudi 7 octobre, après des journées de pluies et de coups de vent, les conditions s’améliorent, gage pour nous de moments favorables à la migration. En matinée, dans les sentiers, les cris de contact des passereaux se font de nouveau entendre. 166 Spatules blanches stationnent au poste 7 dans de belles lumières, dormant ou faisant leur toilette, un chiffre encore important en ce début d’octobre. 

En début d’après-midi, surprise : plus de 450 oiseaux sont présents au même endroit ! Des vols en migration se succèdent au-dessus des digues ou des pinèdes. Attirées par la “masse blanche”, certaines se posent, d’autres continuent leur voyage. Un minimum de 514 oiseaux est finalement compté. Les Spatules sont toutes posées ensemble, à faible distance. En baie de Somme, Clément Parissot en compte 220 en migration vers le Sud, en cinq vols. 

Le record en stationnement simultané sur le Parc était de 474 le 4 août 2021, et 469 le 5 août 2015. Ce chiffre de 514 est aussi exceptionnel pour la période, le pic de la migration pour les oiseaux nordiques étant dans la dernière décade de septembre. Ce décalage est imputable à une reproduction tardive due aux pluies et aux coups de vent de juin et juillet, et à des conditions défavorables fin septembre pour les habituels départs.

Mais il est aussi indéniable qu’un nombre plus important d’oiseaux à tendance à partir de plus en plus tard des colonies du Benelux, comme l’atteste la tendance à l’augmentation des stationnements en octobre sur le Parc (maximum de 188 le 4/10/2019, 141 le 3/10/2014, 120 le 4/10/20, 135 le 8/10/18, 58 le 3/10/2016, 72 le 3/10/15, 80 le 3/10/2013, 34 le 7/10/2013). Au moins 30 oiseaux étaient porteurs de bagues colorées (Pays-Bas, Allemagne, Danemark…).

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

Ce week-end de début octobre, la météo n’était guère lumineuse. Près de 330 Spatules faisaient le gros dos, bloquées dans leur migration vers la Mauritanie ; quelques Geais des chênes et Pipits farlouses tentaient bien de migrer, le vent du sud leur donnant des ailes malgré la pluie… 

La surprise nous est venue du poste 8, dans la partie terminale du Parc. Dans les prairies qui n’ont cessé d’être humides, un petit échassier au comportement étrange est repéré par Cécile Carbonnier, guide naturaliste du Parc. Il s’active de manière particulièrement “speed”, ce qui attire aussitôt l’attention. Il a un aspect de jeune Chevalier gambette aux pattes jaunes, mais en plus “dandy élégant”, avec une petite tête de sylvain aux zones inférieures claires – une petite bouille de “gentil”, comme dirait Delphine Gerdei, une autre guide du Parc – de longues pattes sveltes version “échasse raccourcie”, et un bec fin rappelant celui du Chevalier stagnatile. Il capture les insectes dans la végétation inondée à la manière de l’Aigrette garzette, en les repérant à la vue et en se précipitant sur la proie potentielle. La tête paraît sans cesse en mouvement. Un Chevalier arlequin à proximité donne une idée de la taille, entre le Chevalier sylvain et le Chevalier gambette. Moralité : c’est un puzzle vivant qui a piqué de belles caractéristiques à bien des voisins ! 

Cela va permettre de déterminer un juvénile de Chevalier à pattes jaunes (Tringa flavipes). Ce petit limicole est donc un Américain qui est né dans les tourbières et clairières des forêts boréales du Canada et d’Alaska. Un habitat semblable à son cousin le Chevalier sylvain européen. Comme tout bon limicole made in USA, il doit normalement hiverner du Golfe du Mexique à la Terre de Feu, en Amérique du Sud. Les dernières fortes dépressions sur l’Atlantique lui ont fait quelque peu dériver sa route migratrice, lui faisant traverser l’océan pour arriver au… Marquenterre ! Il s’est peut-être arrêté, entre deux, sur un bateau, avant de se reposer à Ouessant ou à Belle-Ile-en-mer comme premiers somptueux contacts avec notre vieux continent… 

Avec des vents porteurs de sud-est, les petits échassiers particulièrement puissants en vol battu, sont capables de parcourir des distances considérables sans arrêt. Des Barges rousses ne font-elles pas Alaska Nouvelle Zélande d’une seule traite, en volant 8 jours et 9 nuits sans arrêt ? Les plus fatiguées s’arrêteront dans les îles de l’archipel d’Hawaï ! En tout cas, visiteurs néophytes du site du Conservatoire du Littoral ou chevronnés venus exprès, parfois eux aussi de loin, ont pris grand plaisir en compagnie des guides naturalistes du Parc à observer de ce jeune poids plume de 80 grammes capable de traverser l’Atlantique, sans rames ni voiles mais tout de même à la force du vent. Un rayon de soleil de courage en ce week-end pluvieux. Mais ces oiseaux perdus le sont aussi pour l’espèce : isolés, il est bien plus qu’improbable qu’ils effectuent le chemin inverse vers le Nouveau Monde où il sont nés…

Chaque année, le Petit chevalier à pattes jaunes n’est observé qu’entre 3 et 10 fois en France, principalement en migration postnuptiale. En 2021, il a été vu, jusqu’à présent, à 5 reprises (Gard, Vendée, Pyrénées Atlantiques…). C’est la troisième observation sur le Parc du Marquenterre depuis sa création en 1973 (1 oiseau du 5 au 8 août 1981 et 1 le 11 juillet 1984). Il a été croisé aussi dans l’Aisne en 1978 et, plus récemment, en 2010.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Pascale Bécu, Marion Mao

Voici un petit limicole bien charmant à l’aspect trapu, que vous avez déjà probablement observé le long de notre littoral français. Comme son nom l’indique, il cherche sa nourriture dans la laisse de mer en déplaçant les galets et les algues. Son bec pointu lui permet d’attraper les petits invertébrés marins (crustacés, mollusques…).

De moeurs assez sociables, on peut le trouver aussi avec d’autres espèces telles que les bécasseaux et les gravelots. Appartenant à la famille des Scolopacidés, avec les Charadriidés, ils forment un groupe d’oiseaux nommés les limicoles, petits échassiers qui “habitent la vase”.

Grand migrateur, en période nuptiale – période de reproduction – il part nicher dans les terres arctiques. Son plumage est alors composé d’une multitude de couleurs chatoyantes. Après la nidification, celui-ci redevient beaucoup plus terne. Nous pouvons le retrouver en hiver sur nos côtes européennes, mais certains n’hésitent pas à aller jusqu’en Mauritanie !

Texte et illustrations : Florian Garcia