Après le Bécasseau rousset en 2023, un nouveau petit échassier « made in USA » nous a fait le plaisir de traverser l’Atlantique pour se poser chez nous samedi 7 septembre.
Ignorant tout protocole, arrivé en toute discrétion sans déplacement ni annonce officielle en pleine campagne électorale américaine, un jeune Bécasseau tacheté arpente tranquillement les berges d’un petit îlot de vase au Parc du Marquenterre. L’oiseau est découvert par Baptiste Mimaud et Alexander Hiley lors d’un stage photo tôt en matinée. Peu farouche, ce petit échassier de la toundra du Nouveau-Monde se laisse approcher à moins de 20 mètres. Il est fort probable qu’il n’ait guère rencontré souvent d’humains !
Le Bécasseau tacheté niche en effet dans l’Arctique américain et canadien. C’est un grand migrateur nocturne qui hiverne jusqu’au Chili et en Terre de Feu. Lors des forts coups de vent ou ouragans imprévisibles, il peut traverser l’Atlantique et se retrouver en Europe. Il est alors dérouté durant sa migration et est poussé plein est par les vents tempétueux pour arriver sur le continent européen.
Ce limicole aux ailes très fines et profilées (elles se tiennent croisées derrière la queue) est un grand voyageur que les traversées marines ne troublent pas, même si en cas de fatigue des oiseaux peuvent s’arrêter sur les pontons des bateaux. Il est relativement facile à reconnaître. Se tenant haut sur ses pattes verdâtres, il est un peu plus grand que le Bécasseau variable, avec une large bande pectorale grisâtre se terminant en petite pointe col en V – très chic ! La queue en fer de lance est noire au centre, rappelant l’aspect du corps d’un jeune Bécasseau cocorli, avec les ailes tachetées en écailles de tortue. Le bec est assez long, légèrement courbé, noir à base verdâtre à orangée.
De l’Alaska à la Baie d’Hudson, il niche dans la toundra au printemps au milieu des bouleaux nains et des lichens. Si une population niche aussi en Sibérie orientale, elle part hiverner dans un voyage étonnant jusqu’en Océanie, Nouvelle-Zélande et Tasmanie.
C’est le plus régulier des limicoles américains en France (entre 10 et 50 observations par an). Les dernières observations de cet oiseau au Parc du Marquenterre datent du 28 septembre 2018 et du 13 septembre 2022.
Dès l’ouverture à 10h00, les visiteurs, photographes, ornithologues ou néophytes ont profité de cette belle observation voyageuse que les guides naturalistes du Parc se sont empressés de partager ! Tapis rouge pour l’Oncle Sam, on sait accueillir au Marquenterre !
Texte : Philippe Carruette / Illustration : Foucauld Bouriez