Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

On a tous la nostalgie de la héronnière du printemps avec près de 200 nids de grands échassiers, dont plus de 90 de Spatule blanche, et les péripéties des cigogneaux sur leur nid massif… Mais cette année, la nature nous fait savourer ce plaisir bien tardivement. À nous de savoir en profiter ! 

Au moins 27 couples de Hérons garde-boeufs ont choisi d’effectuer une deuxième couvée sur les 34 à 38 couples estimés au printemps. C’est le seul héron au monde qui est capable de faire une véritable seconde couvée (et non une couvée de remplacement), notamment dans les régions comme la nôtre où l’espèce est toujours en pleine expansion. D’habitude, ce sont seulement 10 à 15% des couples qui se lancent dans cette aventure, mais cette année la productivité en jeunes à l’envol en première couvée fut a priori extrêmement basse. Les causes sont multiples : pluies et vents au printemps, manque de lumière,  prédation observée régulièrement sur les œufs et poussins par une Corneille noire spécialisée… En ce début août, des jeunes de 2 à 4 semaines sont encore bien visibles, et jusqu’à 70 adultes se nourrissent dans les prairies en cours de fauchage. 

Médaille d’or pour le Héron bihoreau avec trois couples ; le compteur était bloqué à deux depuis longtemps. Un nid donne deux jeunes à l’envol au printemps, et deux autres couples nourrissent des gros poussins en ce moment, issus de couvées de remplacement. Les nids sont bien visibles du poste d’observation public, même si les rares nourrissages en journée et leur activité ne sont guère euphoriques. Les jeunes au plumage de chouette hulotte restent très discrets et peu actifs, adage de l’espèce… 

Au moins 4 couples de Hérons cendrés nourrissent encore de grands jeunes, et la venue de Spatules blanches adultes à la héronnière montre qu’il y a au minimum encore deux nids avec de grands poussins. Enfin, cerise sur le gâteau, l’hybride juvénile Héron cendré/Aigrette garzette se pose encore en haut des pins de la héronnière… ou sur les mares toutes proches, en fin de parcours.

Quant aux Cigognes blanches, pas de rab… Les cigogneaux et une partie des adultes ont profité des beaux thermiques de fin juillet pour filer plein sud. Il va falloir attendre le passage des oiseaux du Benelux pour en revoir en nombre sur nos prairies. Espérons par procuration avoir des (bonnes) nouvelles des oiseaux bagués en juin, comme autant de cartes postales nostalgiques de l’été !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Ce grand limicole, un des plus grands de la famille des chevaliers, est de retour depuis quelques semaines sur le Parc où il fait une escale sur son retour de migration. Reconnaissable à son « grand » gabarit, son plumage grisâtre, ses pattes verdâtres et son bec légèrement retroussé, il est un adepte des milieux humides et côtiers. 

Son nom français nous indique en effet que son chant ressemble de près (ou de loin pour certains) à un aboiement ; son nom anglais peut aider un peu plus pour les plus sceptiques : Greenshank, qui signifie « Tiges vertes » pour la couleur verdâtre de ses pattes.

Plutôt solitaire en-dehors de la période de reproduction, on retrouve des individus isolés parmi les regroupements d’autres chevaliers comme les gambettes en abondance en ce moment chez nous. Il nous revient de la Scandinavie, de la Russie, de la Sibérie ou du nord de l’Ecosse, et part pour ses aires d’hivernages comme les côtes d’Europe occidentale, de Méditerranée ou d’Afrique. Les premiers à  se montrer chez nous sont des adultes à partir de la fin juin, puis les jeunes suivent de la mi-juillet jusqu’à octobre. 

Pour la reproduction chez cette espèce, les deux adultes s’occupent ensemble de la couvaison avec l’alternance du mâle et de la femelle, même si cette dernière reste davantage sur le nid à la fin de la nidification. La couvaison des quatre œufs dure en moyenne de 23 à 26 jours, puis les adultes vont emmener les jeunes au bord de l’eau où ils trouveront leur nourriture en abondance. Ils resteront avec eux une petite trentaine de jours jusqu’à l’émancipation et le nourrissage en autonomie.

Grâce à son long bec légèrement incurvé, le chevalier aboyeur est un carnivore exclusif et chasse  des petites proies telles que des petits invertébrés aquatiques, voire des petits poissons et des petits batraciens de temps à autre dans les eaux peu profondes.

Texte : Raphaële Thilliez / Illustration : Alexander Hiley

Malgré les conditions climatiques catastrophiques ce printemps et la forte prédation, de nombreux oiseaux de diverses espèces ont refait des couvées de secours, dites “de remplacement”, ou se sont installés tardivement à cause de la concurrence. Aussi bien chez les Mouettes rieuses que chez des limicoles – oiseaux se nourrissant dans le limon – comme les Petits gravelots, Huîtriers pie et Avocettes élégantes, mais également les Bihoreaux gris à la héronnière. Ils sont forts ces oiseaux, ne trouvez-vous pas ? Tellement ils luttent contre l’adversité…

Par exemple, jeudi 4 juillet, c’était la surprise au poste 1 avec la naissance tant attendue de ce poussin d’Avocette élégante. Il a éclos à 11h32 précisément. Quelques heures plus tard, le second apparaissait. Puis le lendemain, rebelote avec la découverte du troisième, probablement né dans la nuit, en enfin dans l’après-midi à 14h37, le petit dernier s’est décidé à sortir de sa coquille ! Incroyable, 4 beaux poussins en moins de 48 heures ! Chez l’Avocette, la couvaison commence à l’avant-dernier œuf pondu, c’est-à-dire au troisième. C’est pour cela que le benjamin est né avec un petit décalage par rapport à ses grands frères et sœurs.

Le saviez-vous ? Plusieurs catégories de poussins existent. Par exemple, les poussins d’Avocettes sont nidifuges. Cela signifie qu’ils sont capables de “fuir” le nid dès la naissance et, quelques heures après seulement, de se nourrir comme des grands, voire de nager avec leur pattes semi-palmées… même si elles paraissent trop grandes par rapport au reste du corps ! D’autres poussins sont nidicoles à l’instar des trois petits bihoreaux découverts quelques jours plus tard à la héronnière. Cela signifie qu’ils vont rester collés au nid jusqu’à leur indépendance.

Texte : Foucauld Bouriez / Illustrations : Alexander Hiley, Foucauld Bouriez

Le 24 juillet 2018, dans la héronnière, une Aigrette garzette est notée en train de nourrir trois grands poussins de Hérons cendrés. Couvaison d’œufs de Héron cendré ? Adoption – mais ce n’est pas le “genre” des Ardéidés…? 

Les jeunes Hérons cendrés semblent assez pâles et petits, malgré le développement quasi fini du plumage. Les branches de pins dissimulant le nid ne permettent pas une observation précise. Ces jeunes, estimés âgés de 5 semaines – si on se base sur des poussins de Héron cendré – ont tendance à vouloir quitter le nid et se déplacer sur les branches alentour, comportement typique de poussins d’aigrettes, et non de Hérons cendrés pour cet âge. 

Le 12 août, un jeune Héron cendré est observé volant ; il se pose dans un saule à proximité. Le 15 au soir, il est vu pêchant à l’affût des insectes en marais d’eau douce proche de la héronnière. Il présente une partie de la face blanche, des rémiges en grande partie blanches, des pattes courtes verdâtres, et une taille intermédiaire entre une Aigrette garzette et un Héron cendré. Le 22 août, un Héron cendré immature (donc une femelle) nourrit les deux jeunes non encore volants au nid. 

Nous avons bien affaire à un couple mixte Héron cendré femelle / Aigrette garzette mâle. Un jeune Héron cendré présentant des caractères d’hybridation, mais moins marqués que celui du 12 août, est observé le 16 septembre dans le parcours d’observation, probablement un des autres  jeunes du nid.  Cela correspond parfaitement, cette année-là, à des gloussements – parade nuptiale – très tardifs de mâles  d’Aigrettes  garzette,  jusque fin juin (dates les plus tardives depuis la nidification de l’Aigrette garzette sur le Parc en 1987). Il est probable que faute de partenaire disponible pour ce mâle d’aigrette, un couple mixte se soit formé.

En 2022, un nouveau couple mixte est repéré, avec un premier jeune volant le 12 juillet. Le 19 juillet, un second, différent dans son pattern, a quitté le nid depuis peu, et est encore nourri par une Aigrette garzette. Est-ce le même couple qu’en 2018 ? Il est peu probable, car on voit que ces individus nichent très tardivement, laissant penser à une formation de couple en fin de saison de reproduction, par défaut, a priori, de femelle d’Aigrette garzette. Mais cette année 2022 n’est pas caractérisée par des parades tardives d’aigrette…

En 2024 avec un printemps sans chaleur, gris, pluvieux et venteux, la reproduction sur la héronnière prend 15 jours de retard. Alors que les premiers gloussements d’Aigrettes garzette sont entendus dès le 19 mars, au moins 12 mâles sont encore chanteurs le 20 mai et un mâle parade encore le 20 juin. 

Le 10 juillet, un jeune Héron cendré venant à peine de quitter le nid est observé sur des branches en lisière. La tête est blanc gris, des marques blanches sont bien visibles sur les épaules et le dos. Lors de son envol furtif  vers le centre de la héronnière, on remarque que l’ensemble des rémiges secondaires et tertiaires sont blanches, et l’aspect général donne un camaïeu de blanc et de gris pour un oiseau compact. Comme pour les oiseaux hybrides des années précédentes, l’oiseau semble très méfiant, se maintenant en position cou replié et ramassé sur lui-même. Etonnant comportement de discrétion et d’effacement qui contraste avec l’énergie des jeunes Aigrettes garzettes et Hérons cendrés !

Les cas d’hybridation entre deux espèces d’Ardéidés ne sont pas rares, mais ils concernent souvent des oiseaux élevés en captivité ou appartenant au même genre. Des cas d’hybrides Héron pourpré/Héron cendré ou Aigrette garzette/Héron garde-bœufs sont ainsi connus en France. Au Parc du Zwin en Belgique – mais cette fois en captivité en volière – un couple Héron cendré/Aigrette garzette avait produit des jeunes en 1983 et 1985. En janvier 2008, dans une saline de Sardaigne, un hybride Grande Aigrette/Héron cendré est décrit par des ornithologues italiens.  L’année dernière enfin, un hybride Héron bihoreau/Aigrette garzette est observé dans le Pas-de-Calais.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Foucauld Bouriez, Raphaële Thilliez, Hendrick Engelkamp

Généralités

Ces derniers jours, cette espèce de sterne reconnaissable à sa calotte noire, son bec rouge pointé de noir et ses pattes rouges, a été observée sur le Parc, ainsi que dans les colonies de mouettes environnantes, au niveau des îlots du marais du Crotoy notamment. De passage, donc de retour du lieu de reproduction où elles ont effectué leur nidification cette année – comme en Belgique ou dans les pays scandinaves -, les Sternes pierregarin viennent en halte pour se reposer sur nos îlots ou se nourrir en baie. Cette migration postnuptiale s’opère de début juillet à fin août. Elles partent rejoindre leurs quartiers d’hivernage africains, voire australiens ou néo-zélandais !

Son petit surnom

Cette espèce de sterne peut être surnommée « l’hirondelle de mer » notamment à cause de la forme échancrée de sa queue qui fait penser à celle des Hirondelles rustiques. On retrouve cette référence par ailleurs dans son nom scientifique : Sterna hirundo.

Sa nidification

En Europe, les endroits de nidifications pour cette espèce peuvent tout aussi bien être au niveau des côtes sur des îlots rocheux ou des plages et bords de marais, qu’à l’intérieur des terres, affilié aux rivières et aux lacs. En France, les principales colonies de Sternes pierregarin se situent en Bourgogne sur les sèvres sableuses de la Loire, de l’Allier, de l’Yonne et du Doubs.

Son régime alimentaire

Contrairement aux mouettes qui se nourrissent de petits insectes, d’invertébrés et de crustacés, la sterne effectue des pêches actives où elle se nourrit de petits poissons qu’elle capture en plongeant dans l’eau de manière assez impressionnante, précédé d’un vol stationnaire de quelques secondes. Une baignade cet été dans la Manche en format crépusculaire peut vous apporter de beaux spectacles de sternes autour de vous…

Ses menaces

La modification des habitats aujourd’hui est la menace principale des populations de l’espèce. Les dérangements des colonies (avec notamment les promeneurs, les pêcheurs..), la prédation, l’utilisation de pesticides ou encore la pollution des eaux sont d’autres facteurs.

Texte : Raphaële Thilliez / Illustrations : Maëlle Hello, Florian Garcia

Le samedi 29 juin avec l’ouverture à 6h00 du matin, les ambiances sont lumineuses. Au poste 4, c’est l’heure du « petit-déjeuner » pour les regroupements de Foulques macroules juvéniles et adultes non nicheurs en pleine mue, et pour des familles de Fuligules milouins. Tous se régalent sur les stations de potamots pectinés et de ruppies qui flottent en surface, profitant de la progressive baisse des niveaux d’eau. 

Une masse sombre proche de la ceinture de phragmites attire notre attention. Une nichée de Colverts trop bien disciplinée autour de la cane ? Surprise ! À la longue-vue, c’est une femelle de Sarcelle d’été avec 10 poussins. Les jeunes ont plus de deux semaines et sont totalement passés inaperçus malgré notre présence quotidienne. 

Un Héron cendré passe en vol en altitude. La cane dresse la tête et emmène aussitôt sa nichée en bon ordre au cœur de la roselière inondée. Quelques instants plus tard, l’ensemble de la famille traversera tout le plan promptement, les petits bien en ligne militaire derrière leur mère, pour ensuite ne plus être revus de la journée. 

Hormis pour la plupart des Colverts, les nichées de canards sauvages sont très discrètes, sortant tôt le matin ou tard le soir. Ce fut une belle surprise partagée avec les nombreux visiteurs « lève-tôt » et un beau cadeau pour les 51 ans du Parc. D’autant plus que deux autres couples cantonnés semblent avoir échoué dans leur reproduction au poste 10.

Seuls 300 à 350 couples de Sarcelles d’été nichent en France, dont la moitié dans les Hauts-de-France. La dernière reproduction réussie sur le Parc date de 2019 avec 3 couples nicheurs sur le parcours pédagogique, dont deux donnèrent 6 et 9 petits à l’envol. Les canetons étaient de sortie début juillet et on observait lors de nos sorties le soir les familles se mélangeant et cherchant leur nourriture ensemble, toujours proches du couvert protecteur de la roselière. En 2022 et 2023, un couple était aussi cantonné mais sans preuve de nidification réussie. 

La Sarcelle d’été est un grand migrateur en déclin qui nous quitte en août ou début septembre pour hiverner en grand nombre dans le delta du fleuve Sénégal, au Niger et sur le lac Tchad.

Merci à madame Agnès Dechamps qui a partagé avec nous sa passion et nous a envoyé ces photos !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Agnès Dechamps

Le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus) est un petit rapace de la famille des Falconidés doté d’un manteau roux, de longues ailes étroites et d’une queue relativement longue. Comme chez la plupart des rapaces, le mâle est  plus petit que la femelle. D’où l’appellation par les fauconnier de “tiercelet” pour les mâles, et de “forme” pour les femelles. Il est plus coloré aussi, avec son manteau chatoyant et sa tête  gris cendré, et porte des moustaches noires plus prononcées sous l’œil.

C’est son cri d’alarme très strident qui lui a valu son nom d’espèce.

Le Faucon crécerelle est une espèce généraliste capable de s’adapter à une grande diversité de biotopes. On le rencontre depuis le niveau de la mer jusqu’à 300 mètres d’altitude, du moment que le milieu est pourvu d’espaces ouverts riches en micros-mammifères. Néanmoins il peut agrémenter son régime alimentaire d’insectes, de lézards voire de petits passereaux. Il est facilement repérable lorsqu’il chasse au-dessus d’un talus ou d’une prairie, faisant le vol du Saint-Esprit : un vol sur place efficace pour repérer ses proies.

Les couples de Faucon crécerelle, à l’instar de leurs cousins, sont territoriaux. La période de nidification s’étend d’avril à juillet. Les falaises d’Ault constituent un endroit idéal. Sinon, un ancien nid de Corvidés fait l’affaire. La femelle pond de deux à six œufs brun-roux qu’elle couve seule durant trente jours. Le mâle se charge du ravitaillement. Les juvéniles s’émanciperont à deux mois.  

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Pour le plus grand plaisir des passionnés d’ornithologie, un couple de Loriots d’Europe a choisi la cime d’un bouleau non loin du chemin entre le poste à mangeoires et la héronnière pour y nidifier. 

Le Loriot d’Europe, un oiseau aux couleurs chatoyantes 

Une boule en forme de hamac perchée entre deux branches fourchues, se dévoile entre les feuilles. Ce nid, notamment composé d’écorces de bouleau et de quelques plumes de cygne, renferme un trésor d’une rare beauté : madame Loriot réchauffant ses œufs blancs tachetés de brun pourpré d’environ 3 centimètres. 

Une quinzaine de jours plus tard, les deux adultes se relaient dans le nourrissage des poussins, un régime qui se compose notamment d’insectes, larves et fruits. C’est donc une période favorable à l’observation des adultes, qui peuvent, inconsciemment, nous indiquer la position du nid. 

Vidéo : Loriot au nid…

Depuis quelques jours, il est possible d’apercevoir 4 petites têtes affamées et à peine duvettées au sein du nid. Les yeux (et le bec) grands ouverts, ils attendent impatiemment la becquée des parents.

Une quinzaine de jours suffiront aux juvéniles pour quitter leur nid. C’est une observation peu commune s’expliquant par les mœurs de l’espèce, mais qui, grâce à un guide attentif, permet à tous de profiter de ce moment exceptionnel.

Texte : Clémence Divry / Vidéo : Nathanaël Herrmann, Eugénie Liberelle