Parfois rares, souvent drôles, toujours de bon augure : découvrez ici les oiseaux qui nous ont rendu visite

Une journée ensoleillée sans vent favorise le retour des grands échassiers à la héronnière. Dès le 4 février, avec la douceur des températures, quelques Hérons cendrés étaient sur les nids. Ce sont les mâles âgés qui arrivent les premiers sur leur « donjon », paradant gorge ébouriffée et crête dressée au moindre survole d’un oiseau. 

Le 3 janvier, alors que le thermomètre affiche 15°C (!), deux mâles célibataires de Cigognes blanches bougent quelques branches sur leur nid. Un mois plus tard, 11 oiseaux sont observés, seuls ou à deux. Les bagues permettent de voir que certains couples ne sont guère fidèles (AERY est désormais avec AFFG pour les derniers potins…).  

 

Ce ne sera vraiment qu’à partir de mi-mars et surtout à la fin du mois que nous verrons arriver les autres habitants des lieux : Spatules blanches et Aigrettes garzettes, Hérons garde-bœufs  et en dernier nous l’espérons les deux couples de Bihoreaux gris. Quant aux Grandes aigrettes, deux couples se réinstallent dans la saulaie visible de loin depuis le poste 10.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Les voici de retour pour une nouvelle saison riche en rencontres naturalistes sur le Parc du Marquenterre : les trois premiers Grèbes à cou noir ont été observés le 15 février, avec deux individus en mue et un oiseau encore en total plumage d’hiver. 

Ce petit oiseau n’hiverne jamais en totalité sur le Parc, les derniers individus séjournant au plus tard jusqu’en novembre ou début décembre. Le retour de cette superbe espèce a lieu de plus en plus tôt : deux individus étaient observés sur le site le 12 février 2022 ; en 2021, la première mention datait du 26 février ; tandis que les années antérieures, les dates de retour avaient lieu généralement début mars.

Les oiseaux choisissent d’hiverner surtout en mer, notamment le long des côtes de Bretagne, aussi bien en Manche qu’en Atlantique, et jusque dans le golfe de Gascogne. À l’inverse du Grèbe huppé, dans notre région les observations de cette espèce en mer ou dans les estuaires restent peu fréquentes.

Espérons que cette année encore, le Grèbe à cou noir niche en nombre sur le site, comme ce fut le cas en 2022, avec 22 couples… et de nombreux poussins ! La proximité d’une forte colonie de mouettes et la nidification des couples en groupe important sont indispensables au succès de la reproduction. 

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Depuis quelques jours un maximum de 8 femelles et 1 mâles de Harles piettes sont présents sur le parc (poste 6, là où il y a le café et le chocolat !). Les mâles ne sont jamais très fréquents sur le site, ces derniers étant plus casaniers et descendent moins vers le sud que les jeunes et les femelles.

Je me souviens enfant d’un article sur l’oiseau dans le Courrier de la Nature en 1977, la revue de la société Nationale de Protection de le Nature. Il était présenté dans cette revue  comme l’oiseau des glaces qui venant de la lointaine Russie ou de la à peine plus proche Finlande, n’atteignant notre région que lors des vagues de froid les plus sévères. Pour moi avec les photos des superbes mâles à la livrée blanc pur liserée de lignes noirs comme une calligraphie, il devient l’oiseau mythique que je n’aurais jamais l’occasion de croiser du regard dans la nature…

Aujourd’hui les Harles piettes sont observés chaque année sur le parc quelque soit la dureté de l’hiver et même lors des hivers les plus doux comme ces trois dernières années. Les oiseaux ont su mémoriser ce site d’hivernage favorable à l’inverse d’autres espèces comme les Cygnes chanteurs ou les Harles bièvres. On parle de tradition d’hivernage que l’on retrouve encore sur le parc chez les Garrots à œil d’or et le Cygne de Bewick .

Photo: Alexander Hiley

Depuis la vague de froid de 2013, le Cygne de Bewick a retrouvé une véritable tradition d’hivernage sur le parc. Cette année là jusqu’à 19 oiseaux avaient été observés, un record historique pour la Picardie ! En 2014 un couple revient avec ses deux juvéniles, en 2015 se sont 6 adultes et 2 juvéniles qui sont présents en hivernage, et pour l’hiver 2016/2017 un groupe de 6 avec un seul immature. C’est avec plaisir cette année que l’on retrouve un couple d’adulte le 13 novembre. Il est probable que ce soit le même couple depuis décembre 2018 qui quittent le parc chaque matin pour gagner les champs et marais arrière littoraux notamment sur le secteur de Ponthoile.

Seuls 300 à 400 individus de ce joli petit cygne de Sibérie arctique hivernent en France (le marais de Méjanes en Camargue, étangs champenois et lorrains). On ne sait pas s’ils sont venus « en rennes » mais c’est toujours un beau cadeau de fin d’année juste avant de départ des guides ! Et près de 3800 km parcourus depuis la presqu’île de la Kolyma ou le delta de la Petchora pour retrouver exactement les prairies inondées du poste 7 ! L’espèce n’est pas menacée au niveau mondial mais les effectifs hivernants sont en net déclin en Europe de l’Ouest (21.000 individus) avec un report vers des sites plus orientaux comme la mer Caspienne.

De retour de Scandinavie et de Russie où il s’est reproduit dans la taïga, le Canard siffleur se prépare en vue des futures parades amoureuses qui auront lieu cet hiver. Bien que méconnu, cette espèce est si reconnaissable en hiver qu’il est difficile de passer à côté sans la remarquer.

L’espèce tient son nom du cri émis par le mâle, qui rappelle une sorte de sifflement.

Arborant son plumage nuptial, le mâle se reconnait par sa tête rousse avec une bande frontale jaune pâle, sa poitrine rosée et son corps gris. La femelle, plus discrète, a un plumage brun à roux,surtout sur les flancs, et le dos écaillé. Tous deux ont un bec gris-bleuté, noir à l’extrémité. En vol, de grands carrés blancs sont visibles sur le dessus des ailes du mâle.

Les Canards siffleurs vivent et se déplacent en groupe. La manière dont ils cherchent leur nourriture les rend très reconnaissables : ils se déplacent dans les prairies et zones humides herbeuses à la recherche d’insectes et « broutent » l’herbe, qui constitue la plus grosse part de leur régime alimentaire. Leur bec est adapté à cet effet, puisque leur extrémité puissance permet d’arracher facilement toutes les parties d’une plante, jusqu’à la racine ! Une tondeuse bien efficace !

Alors bon appétit les siffleurs, au plaisir de vous croiser cet hiver dans les prairies humides du Marquenterre !

Texte : Solène Bischoff / Illustration : Maëlle Hello

À la simple vue d’un Héron cendré, ou même à l’évocation de son nom, on entend parfois des remarques négatives à son encontre et notamment : « Il y en a de plus en plus ! »

Le Héron cendré a longtemps été persécuté en tant que nuisible, “voleur de poissons”, et a failli disparaître à la fin du XIXème siècle en France. C’est à partir de sa protection intégrale en 1976 que l’on voit une réelle expansion numérique et géographique : en seulement 20 ans, la population française est quasiment multipliée par 6 (on passe de 4 500 couples en 1974 à 26687 en 1994) et l’espèce va parallèlement coloniser de nouvelles régions. Puis la population se stabilise. Ainsi, l’affirmation selon laquelle il y aurait de plus en plus de hérons peut s’expliquer par l’histoire de l’évolution de ses populations en France.

Pourtant, les résultats du recensement national des colonies de Hérons et aigrettes réalisé au printemps 2014 a montré une diminution non négligeable des effectifs de Hérons cendrés en France par rapport à celui de 2007 (-8% en 7 ans) et beaucoup plus nette dans certaines régions comme la Picardie (-35% en 7 ans !). La synthèse nationale des résultats du recensement de 2020 n’a pas encore été publiée. Cependant en Picardie, on relève à nouveau une forte diminution des couples de Hérons cendrés entre 2014 et 2020 (-29%).

Il est préoccupant de constater qu’une espèce commune telle que le Héron cendré, avec un régime alimentaire très varié, qui lui permet de s’adapter aux ressources disponibles, voit sa population désormais en déclin en France. La disparition et/ou la dégradation de ses habitats (zones humides, prairies) font partie des causes les plus probables de la diminution de ses effectifs.

Alors, « de plus en plus de Hérons cendrés ! », pas vraiment…

Texte : Caroline Boulant / Illustrations : Alexander Hiley, Patrick Doloye

« Une hirondelle ne fait pas le printemps », « Quand les chouettes chantent le soir, signe de beau temps », « Un froid de canard »… La langue française regorge d’expressions et de dictons liés aux animaux prédisant ou décrivant la météo et le changement de saison. Bien qu’étant à prendre avec des pincettes, ils peuvent se révéler étonnamment fiables. Prenons le dernier exemple : « Un froid de canard » est un temps à voir arriver les canards, fuyant le nord où les plans d’eau gelés ne permettent plus l’accès à la nourriture. Ils gagnent alors des zones plus hospitalières. Mais qu’en est-il des canards particulièrement nordiques ? Leur arrivée annonce-t-elle une vague de froid plus intense ? Pourrait-on dire « Harle piette, doublez la couette » ou « Garrot dans nos eaux, hiver à nos portes » ?

Si c’est bien le cas, préparez le bois de chauffage et sortez vos manteaux. Car oui, ils sont arrivés ! Les premiers Garrots à œil d’or sont visibles sur le Parc depuis quelques jours déjà. Deux jeunes sont arrivés le 24 octobre au poste 2. Ils ont ensuite été observés aux postes 7 et 8. Leur arrivée coïncide jour pour jour avec l’année dernière (2 immatures le 24 octobre 2021) ! On attend maintenant la suite avec impatience.

Les Garrots à œil d’or sont des canards plongeurs nichant dans les lacs et étangs forestiers de Scandinavie, Russie et pays de la Baltique. Ils installent leur nid dans des trous d’arbres, souvent d’anciens trous de Pics noirs (un nid de Pic noir peut être situé entre 4 et 15 mètres de haut). Or, comme les autres canards, ils sont nidifuges. C’est-à-dire qu’ils quittent le nid dès la naissance et sont capables de se nourrir seuls. La mère intervient surtout pour les protéger des prédateurs et du froid quand ils sont encore jeunes et que le duvet n’est pas épais. Oui, vous avez bien compris. Quelques heures après la naissance, ils quittent le nid. Qui peut être situé à 8 mètres de haut, si ce n’est plus. Vous imaginez si on jetait un bébé dans son berceau par la fenêtre du troisième étage de l’hôpital ? Eh bien les Garrots le font…

Quoi qu’il en soit, nous sommes plus que ravis de pouvoir les observer à nouveau. L’hiver dernier, près de trente individus étaient présents. Combien viendront cette fois ? Les postes 5 et 6 deviendront bientôt des postes privilégiés pour voir les garrots. Vous aurez tout l’hiver pour venir les admirer, jusqu’en mars où ils rejoindront leurs sites de reproduction.

Belles observations !

Texte : Quentin Libert / Illustrations : Alexander Hiley

Murmuration : c’est par ce bel anglicisme que l’on désigne les impressionnantes nuées d’oiseaux volant en parfaite coordination. Et ceux qui excellent dans cet art sont indéniablement les Étourneaux sansonnets

Ces superbes passereaux – admirez donc ce plumage noir luisant, au reflets verts et violacés, émaillé de mouchetures crème du plus bel effet ! – sont particulièrement grégaires : ils adorent la compagnie de leurs congénères, avec qui ils papotent sans cesse, cherchant le contact dans un babil disparate intraduisible. Notes sifflées, grinçantes, roulées… La partition est prodigieuse. D’autant plus que ce grand imitateur est capable de brouiller les pistes en s’appropriant le répertoire d’autres espèces, singeant ici le Loriot, là la Buse, et parfois même des bruits totalement inattendus, comme les sonneries de téléphone ! Quel brio !

Mais à l’automne, c’est dans le ciel que notre maestro offre son spectacle le plus fascinant. En effet, quand vient le soir, les sansonnets doivent regagner leur dortoir : ils s’élancent dans les airs, de leur vol rapide et énergique, et se rassemblent. Des bandes guillerettes venues des quatre horizons s’agrègent peu à peu, jusqu’à atteindre plusieurs milliers d’oiseaux. Cette multitude se fond alors en une masse dense, unie et protéiforme, qui évolue comme un seul être. Le nuage louvoie, s’étire, se rétracte ; on entend son souffle. Qu’un individu modifie sa trajectoire, hop ! c’est le groupe entier qui change instantanément de direction, dans un effet domino imperceptible à nos yeux. Si une menace plane, les étourneaux resserrent les rangs, formant une boule compacte : impossible pour l’Épervier ou le Faucon pèlerin de se concentrer sur une seule proie, la chasse est vaine. Cette intelligence collective devenue corps céleste témoigne ainsi de capacités cognitives exceptionnelles, relevant d’une communication inter-individuelle qui n’a pas encore livré tous ses secrets. 

Déjà le crépuscule est là : le bruissement des ailes s’évanouit dans une ultime arabesque. Les oiseaux ont regagné leur lit, bien à l’abri dans le feuillage, et après quelques bavardages le silence accompagne la nuit. Dormez bien les sansonnets ! Quant à nous, encore étourdis par cette murmuration mirifique, nous rêverons de notre artiste tantôt imitateur, chanteur, et voltigeur…   

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Clément Parissot