Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

La migration automnale en 2021 fut particulièrement favorable au Pinson du Nord. En octobre et novembre, ce sont de nombreux vols spécifiques qui ont été notés au point du vue, alors qu’habituellement cette espèce est surtout décelée dans les bandes de Pinsons des arbres. Cela a eu pour effet de baguer 27 Pinsons du Nord en novembre et décembre 2021 à la mangeoire (adultes : 5 mâles et 1 femelle ; juvéniles : 10 mâles et 13 femelles). 

La surprise eut lieu le 25 février 2022 avec le contrôle d’un mâle de deux années, bagué le 17 octobre 2021 à Ana Sira en Norvège. Ce petit village (200 habitants) au cœur des fjords est situé au sud de Stavanger, dans l’extrême sud-ouest du pays. Le lieu et la date laissent peut-être penser que cet oiseau était alors en déplacement migratoire depuis les zones forestières les plus nordiques. On sait que les Pinsons du Nord hivernant dans le nord-ouest de la France sont issus de Norvège, où la population est particulièrement en déclin.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Un petit groupe de Sternes caugek s’installe de nouveau au poste 1, au milieu de la colonie de Mouettes mélanocéphales. Quel plaisir de retrouver leurs appels caractéristiques qui nous transportent vers le grand large, à des milliers de kilomètres de la baie de Somme ! Certains oiseaux portent des bagues couleur permettant en effet de les suivre en migration.

  • Ce 24 avril, nous avons retrouvé avec bonheur HC7 (bague jaune), baguée poussin le 14 juin 2018 sur la colonie de Haringvliet dans la province de Hollande-Méridionale aux Pays-Bas. Elle avait été observée le 5 juillet 2021 au Parc. Entre-temps, elle avait hiverné sur la côte namibienne à Luderitz, et le 6 novembre 2021 au Cap en Afrique du Sud… soit à 11.000 km de son point de départ, puisque les sternes pêchent durant leur migration en longeant l’ensemble des côtes des continents européen et africain ! 
  • JJ3 (bague blanche), baguée poussin également sur la colonie de Haringvliet le 11 juin 2021, était encore aux Pays-Bas le 27 juillet 2021 et au Parc le 22 avril 2022.
  • NNR (bague jaune), baguée le juin 2016 à Haringvliet, était aux Pays-Bas sur l’île d’Ameland le 6 septembre 2016. Le 17 novembre 2017, elle se trouvait sur les côtes de Gambie au Kartong Bird Observatory. Le 30 juillet 2018, elle est notée aux Pays-Bas et le 26 septembre 2018 à Boulogne-sur-Mer. La côte gambienne est bien son lieu d’hivernage puisqu’elle y est présente du 8 décembre 2018 au 13 février 2019. En 2019, elle sera observée aux Pays-Bas du 11 juin au 13 octobre. Elle hiverne de nouveau en Gambie du 22 novembre 2019 au 29 mars 2020. En 2020 elle est notée aux Pays-Bas du 15 mai au 17 septembre, puis le 11 octobre à Lydd on Sea en Angleterre. En 2021, elle n’est vue qu’aux Pays-Bas du 8 mai au 2 juin sur les dunes de Breskens. Elle est observée au Parc le 25 avril 2022. Je vous laisse calculer le nombre de kilomètres qu’a pu parcourir cet oiseau en 6 ans…
  • H7N (bague blanche), baguée poussin le 18 juin 2018 à Haringvliet, est observée le 13 juillet 2018 au Hâble d’Ault. Le 3 août 2018, elle repart pour l’Angleterre à Dawlish Warren dans le Devon. Le 15 avril 2019 et le 30 novembre 2019, elle est en Namibie à Swakopmund. Du 30 juin 2020 au 14 juillet, elle retrouve les Pays-Bas à Yerseke, tout comme du 28 avril au 19 juin 2021. Elle est observée au Parc le 22 avril 2022.
  • J32 (bague blanche), baguée le 22 mai 2020 à Haringvliet, y est présente jusqu’au 28 juin. Le 18 juillet 2021, elle est observée aux Pays-Bas à Niew-Haamstede, et le 22 avril 2022 au Parc. Quelle chance !

Texte : Philippe Carruette, Laëtitia Bordier / Illustration : Alexander Hiley

Tandis que s’amorce le baby-boom sur le Parc du Marquenterre, les grands migrateurs filent droit vers la Scandinavie ou la Sibérie. Barges rousses, Chevaliers aboyeurs et Tournepierres à collier s’accordent une petite escale avant d’aller rejoindre leur zone de reproduction septentrionale. Sur les plans d’eau, Grèbes à cou noir et Cygnes tuberculés transportent leurs petits sur le dos, tandis qu’à la héronnière, les premiers cigogneaux pointent le bout de leur bec ! 

Le dernier comptage est disponible ici : 

Comptage du 2 mai

 

Après des Mouettes mélanocéphales de l’est de l’Allemagne, de Pologne, et l’unique donnée d’Ukraine – son pays d’origine avant sa première nidification en France en Camargue en 1965 puis sur le Parc en 1995 -, voici une nouvelle nationalité pour notre site : la République tchèque ! L’oiseau muni d’un anneau rouge portant l’inscription ZHF4 a été bagué poussin par Marek Haluzik le 8 juin 2017 à Senov, en Moravie Silésie, à l’extrême est du pays, près de la frontière polonaise et de la ville de Cravovie. Cette mouette est observée sur le Parc dans la colonie du poste 1 uniquement le 29 mars 2022. Entre-temps, elle avait été vue le 18 juin 2019, et du 28 mars au 12 avril 2021 sur la grande colonie de la zone portuaire et industrielle d’Anvers, en Flandre belge. On voit bien que se produit toujours une migration importante d’oiseaux venant de l’est de l’Europe pour cette espèce qui atteint maintenant plus de 16 000 couples nicheurs en France, ce qui fait déjà presque la moitié des effectifs de la Mouette rieuse qui, elle, a toujours niché en France !

Breaking news

Nous venons de recevoir quatre retours de CV de Mouettes mélanocéphales baguées en Allemagne et observées ces derniers jours sur le Parc. On peut vraiment dire qu’elles ont fait un bien beau tour de l’Europe !

  • Bague jaune AKCJ, un mâle bagué le 29 mai 2021 en Basse-Saxe à Steinkirchen, à plus de 3 ans. Le 30 décembre 2021, il hiverne dans le Finistère à Sainte-Anne-la-Palud. Du 10 mars au 25 avril, il séjourne sur le Parc du Marquenterre. À partir du 12 avril, il forme un couple avec la femelle porteuse d’une bague verte RAOA qui construit un nid le 24 avril. RAOA est picarde, nous l’avions baguée le 25 juin 2015 à la Maison de la Baie ! Au printemps 2019, elle a certainement niché au polder Sébastopol sur l’île de Noirmoutier en Vendée. Notre premier couple franco/allemand ! Nous vous tiendrons au courant du baptême des poussins !
  • AZTA, baguée poussin le 11 juin 2019 sur les gravières de Rehbach près de Leipzig en Saxe. Le 12 mai 2020, elle est en Belgique sur la grande colonie (plus de 2000 couples !) des usines Total à Anvers. Du 16 au 19 mars 2022, elle est au Parc.
  • ALNS, baguée poussin également aux gravières de Rehbach le 13 juin 2020. Du 10 septembre au 1er octobre 2020, elle est sur l’estuaire de la Camel en Cornouailles. Le 4 mai 2021, la voilà en Suisse, sur l’île aux Oiseaux de Préverenges dans le canton de Vaud. Elle revient à Rehbach le 24 mai 2021. Le 16 septembre 2021, petit crochet sur l’île de Wight en Angleterre pour retour à Leipzig le 20 mars 2022. Les 27, 30 mars et 25 avril 2022, la voilà arrivée sur le Parc du Marquenterre !
  • AZNN, baguée poussin le 11 juin 2019 toujours sur les gravières de Rehbach. Le 26 août 2020 elle est observée aux Pays-de-Galles dans la baie de Beddmachnard. Petit séjour en Angleterre dans le Devon à Saunton Sands du 23 juillet au 19 septembre 2021. Puis elle hiverne au sud du Portugal à Faro le 7 décembre 2021. Elle est présente au Parc du 6 au 19 avril 2022.

Alors quand vous entendrez miauler les Mouette mélanocéphales au-dessus de votre tête sur les sentiers du Parc à la recherche du partenaire idéal, fermez vite les yeux… et partez sous les ailes de l’Europe !

MERCI à Camille Duponchel et Renaud Flamant, coordinateurs du programme de baguage de cette espèce en France et en Belgique, qui chaque jour nous envoient des informations passionnantes sur cette espèce venue à l’origine d’Ukraine et qui niche maintenant dans presque toute l’Europe.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

Tandis que les colonies nicheuses se densifient peu à peu sur le Parc, et que les premiers poussins pointent le bout de leur bec – Canards colverts, Foulques macroules, Grèbes à cou noir, Spatules blanches, Grands Cormorans… – pour le plus grand bonheur des visiteurs attendris, les grands migrateurs filent droit vers la Scandinavie voire la Sibérie, nous gratifiant tout juste d’un salut amical tant ils sont pressés d’aller se reproduire ! Souhaitons à tous ces Courlis corlieux, Combattants variés et autres Chevaliers aboyeurs une bonne saison de reproduction dans leurs contrées nordiques.

Et pour consulter les chiffres du dernier comptage, c’est ici ! 

-> Comptage du 20 avril 2022

Déroulons notre fil rouge “Cigogne blanche », avec en préambule des nouvelles de l’individu le plus connu de Picardie : 6E661, bagué poussin aux Pays-Bas à De Lutte dans la région d’Overijssel le 27 avril 2020. En octobre 2021, cette cigogne est observée sur le parking d’Auchan à Dury, près d’Amiens. Des personnes la nourrissent de poissons, mais aussi de chips et de pain… Pour des raisons de sécurité, elle est finalement capturée et envoyée au centre de soins de Calais. Aucun traumatisme ni blessure ne sont décelés. Faisant le trajet cette fois en voiture, elle est relâchée par la LPO de Saint-Omer sur le Parc du Marquenterre le 21 octobre. Elle se nourrit parfaitement sur les prairies toute l’après-midi. Le 22 octobre en fin de journée, elle est aperçue par un beau soleil sur la jetée du Crotoy, au milieu des vacanciers, espérant être nourrie. Sur cette photographie, nous la voyons au repos au milieu de la route à Arleux-en-Gohelle. Fidèle à elle-même, elle n’est guère farouche tant que les humains restent bienveillants. Le 24 octobre, elle est de nouveau sur le parking d’Auchan, puis elle passera une partie de l’hiver sur un autre parking, celui de la clinique Pauchet à Amiens, avant de rejoindre une station service. 

La consigne est passée : il ne faut surtout pas la nourrir, car l’oiseau est souvent observé dans les champs des environs, en train de capturer de petites proies en parfaite autonomie. Le 22 mars 2022, elle est observée à Douvrin près de Lens. Serait-elle sur le chemin du retour vers les Pays-Bas ? Cet oiseau n’est pas totalement imprégné – l’imprégnation consistant pour un animal à considérer l’Homme comme un congénère, ce qui conduit généralement à son incapacité irrémédiable à survivre dans la nature. En effet, il sait parfaitement se nourrir seul mais adopte un comportement opportuniste vis-à-vis de personnes « bienveillantes » qui lui apportent de la nourriture. Dans le cas contraire, il quitte le lieu et cherche d’autres secteurs où la quête de la nourriture est simplifiée.

Breaking news !

P6281, baguée poussin au Parc le 16 juin 2003, a été observée le 15 mai 2007 en période de nidification à Rossum, aux Pays-Bas. En septembre 2014 et 2016, elle est à Tudela en Espagne, et le 21 janvier 2019 à Madrid. Le 18 août 2021, elle est dans le Brabant néerlandais à Elzenburg. Elle est observée de nouveau le 23 mars 2022 à Rossum à l’est des Pays-Bas, dans la région du Gueldre. Cela va lui faire bientôt 19 ans !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Jean-Luc Lemoine

Les Grèbes à cou noir ont une obsession : se retrouver ensemble pour nicher. C’est un gage de réussite de la reproduction, depuis la persuasion à couver jusqu’au succès de l’envol des jeunes. Certes, il y a quelques légers accrochages entre les individus, mais la territorialité reste beaucoup plus pacifique que chez le Grèbe huppé. Le Grèbe castagneux, quant à lui, adopte un comportement intermédiaire, puisqu’il peut nicher en colonies, mais beaucoup plus lâches, avec des distances importantes de tolérance entre les couples et de plus fréquentes « castagnes ». 

Depuis le poste n°2, nous apercevons souvent une dizaine de Grèbes à cou noir vaquer ensemble à leurs occupations ; quatre nids ont d’ailleurs été construits à quelques mètres les uns des autres. C’est un oiseau qui cherche aussi la sécurité des colonies de mouettes, car les laridés peuvent éloigner les prédateurs ailés comme les rapaces ou la Corneille noire. Les Fuligules milouins et morillons apprécient également cette bruyante présence. 

Longtemps le Grèbe à cou noir a niché de manière isolée sur les plans d’eau du Parc, mais le taux de réussite des couvées et nichées s’avérait très faible. Etre ensemble est gage d’avenir pour lui : une belle leçon de solidarité !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Une colonie de Mouettes mélanocéphales s’est de nouveau installée sur le Parc aux postes 1 et 2. Comme à leur habitude, les oiseaux élisent domicile au cœur de la colonie de Mouettes rieuses, là où la protection est optimale. C’est l’occasion de bien observer les comportements entre les accouplements, les disputes autour du nid et surtout les nourrissages des mâles. En effet, la femelle sollicite souvent son partenaire en lui tapotant le bec, à la manière d’un poussin. Cela l’incite à régurgiter. Ce complément de nourriture lui est indispensable pour constituer les trois gros œufs que couveront les deux adultes pendant 24 jours. 

De nombreux oiseaux portent des bagues couleur régulièrement lues et, bien entendu, partagées avec les visiteurs par les guides naturalistes. Ces mouettes ont été baguées sur les colonies françaises (bague verte : Maison de la Baie de Somme, Jablines en Seine et Marne, polder de Sébastopol à Noirmoutier), belges (bague blanche), anglaises ou de l’est de l’Allemagne (bague jaune) voire de bien plus loin : delta du Pô en Italie (bague bleue), Pologne ou République tchèque (bague rouge). Ces bagues sont des sources d’informations remarquables pour mieux connaître l’espèce. 

En mars, ces oiseaux sont en perpétuel mouvement entre les colonies, à la recherche intensive du partenaire idéal. Les premières mouettes à arriver sont généralement nées en Belgique ; puis viennent les Françaises provenant de Noirmoutier. Ainsi, 30AX, bagué adulte le 12 mai 2021 sur la colonie néerlandaise de Haringvliet, était au Parc le 12 mars 2022 au matin, avant d’être vu le 14 mars 2022 à Het Oude aux Pays-Bas. 3KA7, bagué adulte le 12 mai 2019 sur la grande colonie du port d’Anvers en Belgique, est notée le 6 mars sur l’île de Jersey puis le 10 mars 2022 au Parc. Nous savons que nombre de Mouettes mélanocéphales présentes sur le Parc, soit pour un instant, soit pour nicher, ont hiverné en Bretagne (Le Conquet, Binic…) et nous sommes très heureux de retrouver des oiseaux que nous avons bagués de 2014 à 2016 sur la colonie de la Maison de la Baie de Somme à Lanchères.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Nathanaël Herrmann