Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Une colonie de Mouettes mélanocéphales s’est de nouveau installée sur le Parc aux postes 1 et 2. Comme à leur habitude, les oiseaux élisent domicile au cœur de la colonie de Mouettes rieuses, là où la protection est optimale. C’est l’occasion de bien observer les comportements entre les accouplements, les disputes autour du nid et surtout les nourrissages des mâles. En effet, la femelle sollicite souvent son partenaire en lui tapotant le bec, à la manière d’un poussin. Cela l’incite à régurgiter. Ce complément de nourriture lui est indispensable pour constituer les trois gros œufs que couveront les deux adultes pendant 24 jours. 

De nombreux oiseaux portent des bagues couleur régulièrement lues et, bien entendu, partagées avec les visiteurs par les guides naturalistes. Ces mouettes ont été baguées sur les colonies françaises (bague verte : Maison de la Baie de Somme, Jablines en Seine et Marne, polder de Sébastopol à Noirmoutier), belges (bague blanche), anglaises ou de l’est de l’Allemagne (bague jaune) voire de bien plus loin : delta du Pô en Italie (bague bleue), Pologne ou République tchèque (bague rouge). Ces bagues sont des sources d’informations remarquables pour mieux connaître l’espèce. 

En mars, ces oiseaux sont en perpétuel mouvement entre les colonies, à la recherche intensive du partenaire idéal. Les premières mouettes à arriver sont généralement nées en Belgique ; puis viennent les Françaises provenant de Noirmoutier. Ainsi, 30AX, bagué adulte le 12 mai 2021 sur la colonie néerlandaise de Haringvliet, était au Parc le 12 mars 2022 au matin, avant d’être vu le 14 mars 2022 à Het Oude aux Pays-Bas. 3KA7, bagué adulte le 12 mai 2019 sur la grande colonie du port d’Anvers en Belgique, est notée le 6 mars sur l’île de Jersey puis le 10 mars 2022 au Parc. Nous savons que nombre de Mouettes mélanocéphales présentes sur le Parc, soit pour un instant, soit pour nicher, ont hiverné en Bretagne (Le Conquet, Binic…) et nous sommes très heureux de retrouver des oiseaux que nous avons bagués de 2014 à 2016 sur la colonie de la Maison de la Baie de Somme à Lanchères.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Nathanaël Herrmann

Après la Panure à moustaches et le Vespertilion à moustaches (si, si ça existe !), le Parc du Marquenterre est heureux de vous présenter en ce mois d’avril les Cigognes blanches à moustaches ! Ces grands échassiers sont fidèles au nid qu’ils ont construit ; mais avant de penser à fonder une famille, il faut restaurer le logement ! Pensez donc, tout l’hiver inoccupé, coups de vent et tempêtes l’ont mis à mal – au moins trois nids sont tombés à la héronnière avec la tempête Eunice. 

La base du nid est constituée de branches mortes ramassées au sol, souvent sous la héronnière ou à proximité, mais certains oiseaux vont les chercher parfois bien plus loin. Le fond du nid est garni de grosses touffes d’herbes sèches et de mousses. C’est là que l’on voit l’oiseau avec le bec chargé au maximum de ce matériau léger… jusqu’à en perdre les trois quart en plein vol, surtout lorsqu’il y a du vent ! Mais le nid reste rudimentaire et ne sera guère douillet pour les poussins à venir. C’est surtout le mâle qui amène les matériaux, souvent repris par la femelle qui les dispose, elle, toujours avec minutie et à leur juste place, bien entendu… ! (Toute ressemblance avec une espèce existante…)

La première ponte pour un nid à la héronnière a été notée le 24 mars cette année, quelques jours plus tard qu’à l’accoutumée (généralement vers le 20-21 mars).

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail

Tandis que la neige s’invitait sur le Marquenterre en ce début de mois d’avril frisquet, très frisquet, de courageux Gravelots à collier interrompu revenaient de leur long périple prénuptial pour, qui sait, nicher dans la laisse de mer de nos plages picardes. Les colonies du Parc ont pris un petit coup de froid – Mouettes rieuses et mélanocéphales, héronnière, Grands Cormorans -, et de nombreux canards occupent toujours nos plans d’eau, attendant des conditions plus clémentes pour entamer leur voyage en direction de leurs zones d’hivernage septentrionales. Entre nicheurs et hivernants, la diversité est maximale ! La preuve en chiffres : 

Comptage du 2 avril 2022

Vendredi 18 mars au matin, nous avons eu l’agréable surprise d’observer 9 Échasses blanches dans les prairies inondées du Parc, où cet oiseau niche régulièrement depuis 1989 ! Elles arrivent d’Afrique de l’Ouest. En effet, même dans le sud de la France, les données hivernales restent bien peu nombreuses. 

On peut vraiment dire qu’elles sont loin d’être en retard, puisque l’observation la plus précoce de retour de migration prénuptiale enregistrée jusqu’alors sur le Parc depuis sa création en 1973 était le 27 mars 2017. On se croirait sur la côte atlantique ou méditerranéenne ! Les vents de sud-est de ces derniers jours ont sûrement été favorables pour « pousser » ces oiseaux. Autre originalité de ce retour hâtif : habituellement, les premiers individus arrivés sont des mâles isolés, et non des groupes.

Au fil de ces dernières années, les retours se font de plus en plus tôt : 30 mars 2016, 28 mars 2019, 29 mars 2021… alors qu’avant la plupart des oiseaux arrivaient au cours de la première quinzaine d’avril. Notons également l’observation remarquable, ce 15 mars, d’un individu sur la réserve ornithologique de Grand-Laviers, donnée la plus précoce de Picardie

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley

Pour changer un peu, voici une petite devinette : mais qu’est-il arrivé à cette jolie Mésange bleue, capturée lors d’une séance de baguage dimanche 13 mars, avec son “museau” tout jaune ?

Est-ce une jeune mésange fraîchement sortie du nid, et dont la tête serait encore teintée de soufre ? 

Non, il s’agit bien d’une adulte. Les juvéniles perdent d’ailleurs cette coloration dès la fin de l’été, lors de leur première mue.

Est-ce dû à un changement hormonal lié à la reproduction ? 

Non plus !

Alors aux pigments présents dans l’alimentation ? Un peu comme les caroténoïdes ingérés par le Flamant rose sont responsables de sa couleur ?

Non ! 

À du maquillage ?!

D’une certaine façon…

En réalité, cette mésange raffole d’insectes cachés dans la végétation, notamment les saules, dont la floraison précède la feuillaison. À force de farfouiller avec gourmandise dans les fleurs en quête de petites proies, elle badigeonne sa face de pollen. Résultat : sa bouille devient toute jaune ! 

Texte : Philippe Carruette, Cécile Carbonnier / Illustration : Philippe Carruette

Cette année, malgré l’hiver doux, les mangeoires à passereaux dans les jardins ont été très fréquentées. Du fait de l’importante migration irruptive de cet automne, les Mésanges bleues et les Mésanges noires ont pu être très nombreuses. Tous ces petits convives sont originaires surtout du nord-est de l’Europe (pays des bords de la Baltique, République tchèque…). 

Ces allées et venues frénétiques pour récupérer inlassablement une graine de tournesol suscitent beaucoup d’intérêt, et pas seulement chez les observateurs humains… L’Épervier trouve là une manne régulière de petites proies. Dès qu’il est repéré par un passereau, des cris courts et suraigus retentissent et plus un mouvement n’a lieu, après un envol général. Certains restent totalement immobiles, aplatis sur une branche, tremblotant de stress. Ils savent que l’oiseau tue bien plus facilement en vol. Finalement, vous trouverez peut-être au sol un tas de plumes, la plumée, le rapace « déshabillant » le dessous du corps de sa proie dans un endroit tranquille avant de déguster les parties musculaires. Le mâle d’Épervier se reconnaît aux parties roussâtres de l’avant du corps ; la femelle, bien plus grande, peut capturer une Tourterelle turque voire un Pigeon ramier.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Philippe Carruette

En mars, le Canard souchet est un des anatidés les plus présents sur le Parc. Plus de 500 individus peuvent être régulièrement comptés. C’est une période de grande activité pour cet oiseau à l’air toujours renfrogné, sa tête basse paraissant disproportionnée. Pour les mâles les plus âgés et les nicheurs méridionaux – dont deux ou trois couples sur le Parc – les couples sont déjà bien formés. Pour d’autres, c’est encore la période des parades : envols des mâles pour montrer aux femelles leurs belles “épaulettes” bleues, pompages et mouvements de tête caractéristiques afin de séduire leurs belles… Beaucoup de couples vont vite filer vers les sites de nidification du nord-est de l’Europe, et les mâles encore célibataires deviendront rapidement majoritaires. 

Seuls 2000 couples de Canard souchet nichent en France, principalement dans les marais de l’Ouest (Brouage, marais breton, Brière et Grand-Lieu…) et entre 30 à 50 000 couples en Europe, surtout aux Pays-Bas et en Finlande. De jeunes mâles de l’année dernière sont encore en mue avec un plumage peu rutilant… qui ne fera guère envie aux canes ! Pour eux, il faudra encore attendre l’hiver prochain pour espérer être en couple. Des regroupements alimentaires ont lieu par période de beau temps et de léger vent, les oiseaux tournant sur eux-mêmes pour créer un “tourbillon ascensionnel” permettant de faire remonter invertébrés et plancton végétal ou animal en surface. Le large bec plat muni de lamelles montrera ensuite toute son efficacité pour filtrer le repas.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Alexander Hiley

Nous venons de recevoir des nouvelles de la part du CRBPO (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux / Muséum de Paris) de certaines Cigognes blanches baguées poussins au Parc du Marquenterre ou dans les environs.

FDMD (bague métal CK9814) a été baguée le 27 juin 2016 sur une plateforme dans le Domaine privé du Marquenterre, voisin du Parc. Elle est observée à Tudela (Navarre espagnole) le 8 février 2021 et le 25 septembre 2021 à Alva, Pays basque espagnol. Que de bons souvenirs d’avoir eu cet oiseau entre les mains… et le retrouver sur la péninsule ibérique ! Au-delà du suivi scientifique rigoureux, cela représente aussi beaucoup d’émotions et d’espoirs.

FHXY (bague métal CK11988) a été baguée poussin le 17 juin 2019 dans le nid faisant face au point de vue du Parc. Sur la photo, nous voyons sa bague Darvic verte sur le point d’être posée sur sa patte ! Elle a été observée le 25 septembre 2021 à Salvatierra, Alva, jolie petite ville du pays basque espagnol au sud-est de Bilbao. À trois ans en 2022, c’est l’âge habituellement où les jeunes Cigognes blanches atteignent leur maturité sexuelle et peuvent nicher au Marquenterre… ou bien ailleurs. Va-t-elle revenir nous voir au printemps ? Nous l’attendons avec impatience !

FDMY, baguée à Boismont le 9 juin 2018, a été observée à Arrozales de Arguedas, Tudela, Navarre, le 16 septembre 2021, et à Madrid le 30 octobre 2021 (Espagne).

FHXD, baguée à Boismont le 9 juin 2018, a malheureusement été électrocutée le 20 août 2018 à Sorigny, la Niverdière (Indre et Loire).

AWPA, baguée le 27 juin 2008 au Parc, a été notée le 6 mars et le 28 mai 2021 à Boismont ; elle niche en basse vallée de la Somme.

CK11798, baguée à Tigny Noyelles (62) le 20 juin 2018, a été notée à Madrid les 30 janvier 20 septembre et 14 octobre 2021 sur la décharge de Pinto.

CK1145, baguée dans le Domaine du Marquenterre le 18 juin 2007, hiverne sur le marais communal de Lairoux (Vendée) depuis 2012, et niche en 2017, 2019 et 2021 sur ce même lieu.

À suivre…

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Philippe Carruette