Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

Évènement ornithologique sur notre littoral : un immature de Pygargue à queue blanche est de nouveau observé au Parc du Marquenterre ! Cet oiseau a tout particulièrement été bien suivi grâce aux progrès de la technologie. Il possède en effet sur le dos une balise Argos permettant de suivre tous ses faits et gestes. Cette jeune femelle, baptisée par les Hollandais LOANA (!!!), a été baguée poussin au nid en 2019 à Lepelaarplassen sur le polder de Flevoland au sud des Pays-Bas. Après des excursions au Luxembourg et en Allemagne en début d’année 2022, elle passe trois semaines en février en Champagne sur les grands lacs de barrage du Der et de la Forêt d’Orient. Traversant la France à l’horizontal, survolant même Paris, elle arrive sur la côte picarde le dimanche 28 février, où elle est repérée en fin d’après-midi par Quentin Libert, guide naturaliste sur le site. Elle dort sur place, puis le lundi matin elle file plein nord à 11h30, heure confirmée par les ornithologues du Parc tout comme par l’émetteur qu’elle porte sur le dos ! À 12h30, Loana est observée sur la plage du Touquet, poursuivie par des goélands ne portant par les rapaces dans leur cœur… même s’ils sont des stars ! À 18h30, elle arrive enfin sur le polder de Flevoland aux Pays-Bas…  

Les guides du Parc du Marquenterre, géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme, commencent à apprendre à bien connaître  le comportement  de ce grand rapace – jusqu’à 2,40 mètres d’envergure et 7 kilos pour les femelles ! Par mauvais temps, il reste souvent perché dans un pin ou au sol. En effet, il n’apprécie pas du tout la pluie ou le fort vent, alourdissant sa grande voilure ! Qu’une éclaircie apparaisse, il se met en chasse de son vol lent et puissant. Certains guides l’ont croisé à quelques mètres, cela « décoiffe » ! Et tous les oiseaux décollent à son passage. Olivier Buffet, guide à la Maison de la Baie de Somme, parle même de « paquebot volant » ! Il se nourrit aussi bien d’oiseaux d’eau que de rats musqués ou de poissons, et est bien volontiers charognard. 

Mais un cadeau n’arrive jamais seul. Le 8 mars, un nouveau Pygargue, cette fois un juvénile, est observé. Il restera là aussi, une demie-journée, avant de partir vers le nord. Les photos montrent qu’il est bagué d’une bague noire (bague du programme allemand) mais les lettres ne sont pas lisibles. C’est la onzième donnée sur le Parc depuis 1973, et ce grand aigle est maintenant observé chaque année depuis 2018.  On retiendra sur ce site protégé l’hivernage de deux immatures du 28 octobre 1982 au 6 février, où les guides de l’époque ont noté de nombreuses informations sur son comportement, notamment sur sa prédation (lapins, foulques, limicoles blessés…). Deux jeunes vont aussi hiverner ici du 28 octobre 2018 au 10 février 2019, attirant de nombreux observateurs. Du 3 novembre 2020 au 17 janvier 2021, un oiseau bagué en Saxe allemande à la frontière polonaise hiverne de nouveau sur le Parc. Mais souvenir historique aussi : entre 1850 et 1900, le Pygargue était régulier en baie de Somme. En 1860, 5 oiseaux se nourrissent sur un cadavre de vache sur la plage de Saint-Quentin-en-Tourmont, et 6 sont notés en 1932 en baie de Somme !

Cet immense rapace, qui avait disparu comme nicheur en France (en Corse autour de l’étang de Biguglia) depuis 1956, hiverne régulièrement, surtout en Camargue et sur les grands lacs champenois, avec seulement une dizaine d’oiseaux chaque année pour le pays. Depuis 2011, un couple est revenu nicher en France sur le vaste étang lorrain de Lindre et un deuxième couple en 2020 au Lac du Der entre Reims et Saint-Dizier. L’espèce reste très rare au niveau européen avec une population en augmentation estimée à 3550 couples. Il fut réintroduit en Ecosse et sur l’île de Wight en Angleterre, avec le relâcher de jeunes oiseaux nés en Norvège, où la population est la plus florissante (environ la moitié des effectifs européens). Depuis peu, une dizaine de couples niche avec succès aux Pays-Bas. Ces oiseaux sont, pour les jeunes, de nouveaux hivernants potentiels pour notre région, les adultes étant très sédentaires.  

La présence en stationnement prolongé du Pygargue est strictement liée à l’existence de vastes zones humides, peu dérangées et très riches en nourriture. En effet, ce rapace au vol lent échoue souvent dans les captures d’oiseaux d’eau et cherche de grands territoires où abondent les proies faciles. Il est en cela un indicateur de la qualité et de la richesse d’un milieu, un « label rouge » en quelque sorte, ce qui est très valorisant pour notre région. Cela récompense des années d’efforts de protection et de gestion du site du Conservatoire du Littoral, et la renommée de notre territoire pour le tourisme ornithologique.

Merci au biologiste hollandais Stef Van Rijn du Wergroep Zeerend Nederland (Groupe d’étude hollandais sur le Pygargue) qui nous donné des nouvelles de l’historique de Loana, et à Mélanie Outurquin pour ses photos qui ont permis de repérer la balise blanche sur le dos de ce grand migrateur ! 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail, Mélanie Outurquin

 

Aujourd’hui nous portons notre œil sur le fantôme des roselières. En effet, son plumage strié lui procure un excellent camouflage. Très précautionneux et assez sensible aux dérangements humains. C’est un oiseau qui est assez dur à saisir en observation. 
 
Il appartient à la famille des Ardéidés, couramment appelés échassiers. Le bec en forme de poignard en est d’ailleurs un très bon exemple. Son régime alimentaire est majoritairement composé de poissons mais il n’hésite pas également à attraper insectes, amphibiens…
 
Le Butor étoilé affectionne les étendues de roseaux bordant les eaux peu profondes. Lui permettant de pêcher à l’affût. Quand il est dérangé, il adopte une posture montée parmi la végétation. Son cou et sa tête sont tendus, le bec lui vers le ciel. Cette pose lui permet de surveiller les environs jusqu’à ceux que le danger ou l’intrus s’éloigne. 
 
La scène que vous pouvez observer dans la vidéo présente le comportement de parade d’un individu, qui a été enregistré le 14 Février au sein du poste 4 dans le Parc. C’est en effet une zone de roselière particulièrement favorable où il est régulièrement observé actuellement. 
 
Dès la fin de l’hiver et avec les jours qui rallongent de plus en plus, bon nombre d’oiseaux sont stimulés par des poussées hormonales. En vue notamment de pouvoir séduire une femelle pour pouvoir créer un couple.
 
On notera par ailleurs qu’en 2021 un individu a été observé le 30 mai dans la même zone étudiée. Cette donnée plus que sérieuse confirme encore l’intérêt d’une reproduction potentielle vers le secteur des postes 4 à 6 où les roselières bien en eau sont les plus larges.
 
Toutefois, l’observation de parades nuptiales reste exceptionnelle. Et les témoignages relatant ces faits le sont tout aussi. Les gonflements de plumes de la gorge, la présence de deux adultes proches bec en l’air sans agressivité. On traduit cela en des comportements prometteurs.
 
Un 2ème butor a aussi été aperçu dans le même coin de roselière que celui de la vidéo. Il se pourrait bien peut-être que ce soit une femelle désintéressée pour l’instant. Où tout simplement un autre mâle de passage. 
 
Quoi qu’il en soit, nous comptons bien continuer à les observer attentivement. En espérant la création d’un couple si possible ! Ce qui aboutirait peut-être à leur installation en tant que nicheur sur le site. Si cela arrivait, ça serait ainsi une 1ere pour le Parc depuis sa création.  
 
Texte: Florian Garcia (Guide Naturaliste)
Photo: Eugénie Liberelle (Guide Naturaliste)

C’est parti pour le chassé-croisé printanier ! Tandis que les canards hivernants pataugent toujours tranquillement dans nos plans d’eau, l’arrivée des oiseaux nicheurs venus d’Afrique anime le Parc, où l’on sent les premiers frissons d’une saison de reproduction que l’on espère riche en naissances. À vos marques, prêts, paradez !

Comptage du 5 mars

Quelques chiffres (et bonnes nouvelles !) pour accompagner la réouverture du Parc ! 

Pour en savoir plus, cliquez sur le lien :

Comptage du 5 février

Le suivi des populations d’oiseaux locaux par baguage à la mangeoire commence en novembre et se termine en mars. Ce programme du Muséum de Paris (Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux) est particulièrement intéressant pour suivre l’évolution des populations de passereaux granivores hivernant en France. 

Malgré la température douce, 16 oiseaux furent bagués sur la matinée du 11 novembre 2021 :

  • 4 Mésanges charbonnières juvéniles (3 mâles, 1 femelle) ;
  • 5 Mésanges bleues (1 mâle adulte, 1 femelle adulte, 1 mâle juvénile, 2 femelles juvéniles) ;
  • 2 Rouges-gorges juvéniles en train de se poursuivre pour la défense du territoire d’hivernage ;
  • 2 Pinsons des arbres (1 mâle et 1 femelle adultes) ;
  • 2 Pinsons du Nord juvéniles (1 mâle, 1 femelle) en corrélation avec la forte migration de l’espèce en octobre. L’espèce est en nette déclin en Norvège d’où provient une grande partie de nos hivernants ;
  • 1 Mésange nonnette juvénile.

Quatre oiseaux ont été contrôlés, tous bagués les années précédentes à la mangeoire du Parc :

  • 1 Mésange nonnette baguée juvénile le 4/12/2019 et déjà contrôlée sur le lieu le 27/11/20, montrant l’extrême sédentarité de l’espèce ;
  • 1 Accenteur mouchet bagué 2 ans le 25/03/2021 ;
  • 1 Mésange bleue baguée mâle 1 an le 24/11/2020 ;
  • 1 Mésange bleue baguée femelle 1 an le 4/12/2019. 

À suivre…!

Texte et illustration : Philippe Carruette

Novembre marque la fin de la migration des Spatules blanches. Si aujourd’hui plus de 1000 individus hivernent en France, la grande majorité des oiseaux de l’ouest de l’Europe partent en Afrique, du Maroc à la Guinée Bissau, avec les effectifs les plus importants en Mauritanie, au Sénégal et au Niger. Quelques oiseaux hivernent désormais en Belgique et aux Pays-Bas, mais le Parc du Marquenterre reste l’un des sites les plus nordiques pour un hivernage conséquent de l’espèce qui a débuté en 1995. Auparavant les quelques oiseaux qui tentaient leur chance ici ne survivaient pas aux vagues de froid, ou quittaient finalement le secteur en décembre pour gagner le golfe du Morbihan. 

Le 3 novembre 80 Spatules étaient encore présentes au poste 3, avec une majorité de juvéniles dont certaines baguées aux Pays-Bas. C’est un record pour la période (maximum de 64 le 10 novembre 2018 et 62 le 3 novembre 2011). Il reste néanmoins peu probable que la totalité de l’effectif reste tout l’hiver ; comme à leur habitude, dès les premières gelées, une partie des Spatules se dirigera plein sud. L’hivernage en constante augmentation tourne normalement autour de 30 à 40 oiseaux. Alors profitons bien de ce beau regroupement !

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le baguage des oiseaux sauvages, régi par le Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux du Muséum de Paris, est un outil scientifique remarquable pour le suivi de l’évolution des populations d’oiseaux, et apporte de nombreuses connaissances sur leur comportement. L’information la plus connue du public reste la longévité de l’oiseau. 

Toutes les Cigognes blanches baguées en Europe le sont lorsqu’elles sont encore des poussins au nid, à l’âge de 6 à 7 semaines. Nous venons d’avoir des nouvelles de “Paris P6281” baguée le 16 juin 2003 au Parc du Marquenterre : elle a été observée – probablement en halte migratoire – le 5 mars 2021 et le 18 août 2021 aux Pays-Bas à Elsenburg, dans le sud Brabant, à l’âge honorable de 18 ans et 4 mois.

Mais ce n’est pas la plus vieille du site. Une mamie que vous connaissez bien – elle niche sur le nid à droite du point de vue ! – porte la bague noire “Arnhem 3544”. Elle a été baguée le 13 juin 1997 à Abcoude Botshol près d’Utrecht aux Pays-Bas, et a donc plus de 23 ans et 7 mois ! Mais elle a encore de bien beaux jours devant elle. En effet, le record national, toujours en circulation, est détenu par “Paris 0315”, un oiseau bagué au Parc du Teich par Alain Fleury, grand pionnier de la gestion du site, le 8 juin 1989 : soit plus de 32 ans ! De là à dire que le vin, les cannelés girondins, le gâteau battu et la ficelle picarde sont des facteurs favorables…

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Le 7 octobre 2021, grande surprise : un nouveau record de stationnement de Spatules blanches est établi, avec 514 oiseaux posés ensemble au poste 8, alors que des vols réguliers plein sud continuent de zébrer le ciel. Magique…

Ce sont plus de 40 bagues couleur qui sont identifiées. Ces oiseaux sont majoritairement originaires des Pays-Bas, et dans une moindre mesure du Danemark, du nord de l’Allemagne et de Belgique, où les colonies sont moins nombreuses. Mais là aussi la surprise est d’actualité avec une Spatule portant une double bague vert clair avec UN inscrit en noir. Elle a été baguée au nid par un bagueur hongrois, Hamon Gergl, le 21 mai 2004 à Csongrad au sud-est de Budapest. Du 3 au 5 septembre 2021, elle était à Niedersachsen sur les colonies allemandes. 

C’est la deuxième observation d’un oiseau de l’est de l’Europe, après celle d’une Spatule serbe baguée le 13 mai 2007 à Vojvodina et observée début octobre 2016 au Parc. Cela montre que des relations existent entre oiseaux adultes des colonies orientales, souvent installées sur des étangs à vocation piscicole, et des colonies de l’ouest de l’Europe.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley