Non ce n’est pas un poisson du 1er avril 2024 ! Ce lundi férié, un Fuligule à bec cerclé mâle est observé au parc du Marquenterre. Ce canard plongeur est originaire d‘Amérique du Nord où il niche du centre de l’Alaska au nord-est des Etats-Unis en passant par le Canada. Il hiverne le long des zones humides du Pacifique et de l’Atlantique, jusqu’au Panama.
Il n’est pas menacé dans son pays, voire en extension. Cette “bonne santé” a dû favoriser l’augmentation des observations en Europe.
Ce canard ressemble fortement au Fuligule morillon, canard européen présent toute l’année sur nos grands plans picards. Cette espèce américaine s’en distingue facilement à sa tête plus pointue, et un long bec fuyant avec une bande blanche plus ou moins large à son extrémité. Il a, comme le morillon, un œil très jaune lui donnant toujours un air “étonné”, mais pas de huppe.
Grand plongeur, il apprécie les gravières et les étangs, évitant les marais peu profonds ou les grands lacs à forte turbidité. Son régime surtout végétarien (graines, tubercules, laîches et autres plantes aquatiques…) fait qu’on l’observe souvent avec les Fuligules milouins.
Ce jour, ce beau mâle adulte au superbe plumage nuptial paradait auprès d’une femelle de Fuligule morillon… totalement indifférente ! Il faut dire que le canard américain a un type de parade ressemblant à celui du Garrot à œil d’or, loin des codes de séduction compris par sa dulcinée française !
Les rares données du Fuligule à bec cerclé sur notre littoral (Hâble d’Ault et vallée de la Bresle où sont observés des rassemblements de canards plongeurs) sont surtout en avril, correspondant à la migration de printemps sur le continent américain où ils remontent du sud des Etats-Unis et du Mexique pour nicher en Amérique du Nord. Il est aussi parfois observé dans les grandes vallées de l’Oise, cette fois en hivernage (Pontpoint, Verneuil en Halatte…).
C’est le canard américain le plus observé en Europe (50 à 100 observations par an), avec 10 à 20 observations chaque année en France surtout dans le nord-est (où de nombreux canards plongeurs stationnent). Le Finistère est le département où l’oiseau est le plus vu, lors des deux migrations, montrant l’origine sauvage de la grande majorité des individus qui déportés par les vents traversent l’Atlantique. Des Fuligules à bec cerclé ont ainsi été observés aux Açores et au Maghreb. C’est la troisième mention consécutive sur le Parc du Marquenterre depuis sa création en 1973, en faisant la 317ème espèces d’oiseaux sauvages observée sur le site.
Le devenir de ces oiseaux égarés en Europe est incertain. On sait que des individus bagués sont fidèles à leur lieu d’hivernage (Lac de Grand Lieu en Loire Atlantique, gravières de Poses dans l’Eure…). Il effectue aussi d’importants déplacements en lien avec les mouvements des fuligules européens avec qui il vit. Un mâle porteur d’une bague nasale en 2006 au Lac de Grand Lieu, a été contrôlé en Essonne en 2007, en Pologne en 2008, dans la Marne en 2009 et 2010 !
Par contre, il est peu probable que des oiseaux puissent repartir en Amérique du Nord. Toutefois, un oiseau bagué en Angleterre en mars et repris au Groenland en mai suivant, laisse supposer que pour certains individus, une véritable voie de migration semble être en train de se faire sous nos yeux entre l’Amérique du nord et l’Europe de l’ouest, comme c’est le cas avec le Pouillot à grands sourcils entre la Sibérie et l’Europe de l’ouest au lieu de l’Asie du sud est !
En cette période de jours fériés, de nombreux visiteurs tant néophytes qu’ornithologues ou photographes ont profité de cette belle observation, partageant la joie des guides naturalistes toujours prompts à transmettre les surprises du vivant et de la migration.
Texte : Philippe Carruette / Illustration : Foucauld Bouriez