Où l’on gazouille, piaille et babille sur la vie de nos chers oiseaux

De petits cris aigus réguliers dans la forêt de pins signalent que les jeunes Grimpereaux des jardins sont de sortie. Après avoir construit seule le nid, la femelle y pond 5 ou 6 œufs, couvés également par le mâle (quand même !) pendant 13 à 15 jours, jusqu’à leur éclosion. Les poussins sont alors nourris par les deux parents. Ils prennent leur envol à l’âge de deux semaines. Une seconde nichée peut avoir lieu.

Le Grimpereau des jardins est localisé mais assez commun sur le Parc en période de nidification. La reproduction commence fin avril, souvent dans un nid bien dissimulé entre le tronc et son écorce décollée, une fente dans le bois, un trou divers… Des couples peuvent aussi occuper les nichoirs adaptés à l’espèce, voire s’installer dans la charpente du toit du poste de la héronnière. 

Ils sont surtout présents autour du pavillon d’accueil, au fond des parkings et à la héronnière, là où se trouvent les arbres les plus gros, sur les troncs desquels les petits passereaux aux pattes courtes et aux doigts longs et griffus grimpent en colimaçon. Mais à l’inverse des sittelles, ils ne descendent jamais la tête en bas : arrivés en haut de leur escalade, ils s’envolent pour rejoindre la base du même tronc ou celle d’un autre arbre, et entamer une nouvelle ascension d’inspection nourricière ! Le bec arqué est particulièrement fonctionnel pour capturer chenilles, petites araignées, opilions et tipules logés dans les crevasses des écorces. 

C’est en mars (même s’il on peut l’entendre dès mi-janvier) et fin juin début juillet, quand les jeunes quittent le nid, qu’il est le plus remarqué sur les secteurs forestiers grâce à son chant intense. Si l’espèce est sédentaire, la recrudescence de captures au baguage en septembre octobre laisse à penser que des mouvements ont lieu, liés à l’erratisme des jeunes plutôt qu’à une réelle migration.

Son dos a d’ailleurs la couleur de l’écorce des arbres et les rectrices rousses de sa queue sont rigides pour assurer encore une plus grande adhérence au support ! Un vrai passionné des arbres !

Texte et illustration : Philippe Carruette

C’est la pleine période de chassé-croisé estival sur le Parc du Marquenterre ! Profitons des oiseaux nicheurs encore présents sur le site, dont les jeunes s’émancipent… chacun à son rythme : si les cigogneaux attendent une fenêtre de beau temps pour entamer leur long voyage en direction du sud, les spatulons semblent tester la patience de leurs parents en quémandant effrontément leur pitance. Un joli groupe de Barges à queue noire en provenance d’Islande stationne dans les prairies humides. Parmi elles, quelques têtes connues – identifiables aux bagues qu’elles portent aux pattes – comme notre brave RW-LO, un mâle bagué sur la terre de glace et de feu en… 2011 ! Quant aux canards en mue, cela reste entre nous, mais ils ont franchement perdu de leur superbe… Pour en connaître davantage, vous pouvez consultez le dernier comptage. Il suffit d’un clic !

-> Comptage du 31 juillet 2023

Les premiers mâles de Loriot d’Europe commencent à se faire entendre dès le mois de mai, époque à laquelle ils reviennent de leur zone d’hivernage située en Afrique tropicale, pour nicher chez nous. Profitons-en, car après l’émancipation de ses trois ou quatre jeunes, ce passereau migrateur rejoindra ses quartiers d’hiver dès le mois d’août…

Cet oiseau, de la taille d’un merle, possède une parure jaune d’or, des ailes noires et un bec rouge. Les lores, qui correspondent à la partie entre les narines et les yeux, sont également noirs. Cet ensemble de couleurs permet d’obtenir un beau contraste. 

Le Loriot signale principalement sa présence par son chant très agréable à écouter, correspondant à une onomatopée caractéristique : lûolio. Néanmoins, cet oiseau farouche reste assez discret et difficile à observer. Alors quand il sort de sa cachette pour pointer le bout de son bec, ce spectacle éphémère est toujours un heureux moment ! 

C’est le cas notamment lorsqu’il s’agit de défendre son territoire contre d’éventuelles menaces : surgissant des buissons de son vol ondulant tel un éclair jaune, il démontre alors ses qualités de combattant. Il y a quelques mois, il a ainsi été observé en train de faire fuir un Faucon émerillon. Ce petit rapace n’a même pas cherché à résister et est parti aussitôt.

Concernant son habitat, il affectionne tout particulièrement les boisements de feuillus composés d’un couvert arbustif dense et d’arbres de haut jet. Le Loriot est un oiseau doté d’un régime alimentaire diversifié, puisqu’il se satisfait à la fois d’insectes et de fruits. En été, il devient nettement plus frugivore. Il n’hésite pas à se gaver de cerises, fruit qu’il adore par-dessus tout.

Soyez attentif en arrivant à la héronnière, peut-être que les plus chanceux d’entre vous auront le bonheur de l’observer furtivement à travers les frondaisons…

Texte et illustration : Foucauld Bouriez

Fin juin a débuté la période de baguage des jeunes Cigognes blanches par les guides naturalistes du Parc du Marquenterre. Un programme du Muséum de Paris (Centre de recherches par le baguage sur la biologie des populations d’oiseaux) est mis en place pour suivre la population en expansion de ce grand échassier en Hauts-de-France et en Seine-Maritime. En Picardie, une soixantaine de couples nichent cette année. La quasi-totalité d’entre eux est localisée sur notre littoral et en basse vallée de la Somme (30 couples) et de l’Authie (18 couples). Des couples s’installent aussi maintenant de plus en plus dans le Pas-de-Calais, et même dans le Nord (10 couples). Les Hauts-de-France, terre de Cigognes !

Naturellement dans notre région les couples de Cigognes blanches installent leur nid au sommet des grands arbres fourchus souvent morts, voire parfois sur les pylônes électriques. Il n’y a pas de tradition de nidification sur les bâtiments. Ces nids, très hauts, sont inaccessibles au baguage, comme bien entendu les 11 nids de la héronnière. La plupart des poussins de cigognes sont ainsi bagués sur les nids construits sur les plateformes disposées à leur intention… mais aussi pour faciliter le travail des ornithologues bagueurs. Ils sont bien accessibles avec une échelle ou un engin élévateur. À l’arrivée du bagueur, les jeunes font les morts au fond du nid. Leurs yeux sombres, révulsés, accentuent encore le stratagème face à ce prédateur potentiel. L’immobilisme évite en effet bien souvent le risque d’attaque déclenchée par le mouvement. 

Les poussins rondouillards (parfois plus de 3,5 Kg !) sont bagués entre 6 et 7 semaines. Les plumes noires des rémiges ont bien poussé, et les plus âgés se mettent debout et bougent ces ailerons encore courts et flasques. Les jeunes sont descendus du nid pour être bagués au sol en toute sécurité. Ils sont munis obligatoirement d’une bague métal du Muséum de Paris avec un numéro unique pour chaque oiseau. Les guides du Parc posent également une grosse bague plastique verte avec 4 grosses lettres en majuscule. Les trois jeunes sur la plateforme entre le poste 11 et 12 sont porteurs de ces bagues.

On sait grâce à ces bagues que tous les jeunes nés dans notre région partent hiverner en Espagne (notamment autour de Madrid), au Portugal (région de Faro) mais aussi jusqu’en en Afrique (Mauritanie, Mali, Niger…). On connaît aussi parfaitement la route empruntée par nos oiseaux qui évitent la Bretagne et trouvent des arrêts favorables en Mayenne ou dans les Deux-Sèvres. Certains rares oiseaux passent aussi par le sud-est (Champagne, Var) regagnant l’Espagne par le Languedoc-Roussillon. C’est généralement au bout de deux ans qu’ils reviennent en Europe mais de plus en plus de cigognes reviennent le printemps suivant. Quelques-uns rejoignent leur secteur de naissance mais la majorité part nicher bien loin de leur lieu de naissance. Des jeunes nés au Parc du Marquenterre nichent maintenant en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, Vendée, Loire-Atlantique et même… à Colmar pour un individu !

A l’inverse, sur le même site protégé du Marquenterre nichent des cigognes nées en Belgique, aux Pays-Bas et surtout originaires de Normandie où les effectifs atteignent aujourd’hui plus de 200 couples notamment dans la Manche, l’Orne et le Calvados !

Les cigogneaux sont pesés, mesurés (bec, ailes, tarses…). Deux plumes sont prélevées pour des analyses génétiques en laboratoire, permettant de connaître le sexe, pour déterminer des orientations migratoires et de fixation entre mâles et femelles. En 2022, la sexe ratio des jeunes était équilibré.

La Cigogne blanche se porte maintenant tout de même bien dans notre région. Mais n’ayons pas la mémoire courte. En 1979, seulement 11 couples nichaient encore dans toute la France (contre 7000 aujourd’hui !) où l’espèce a failli s’éteindre ! Les conditions atmosphériques notamment printanières, la chute des nids sur les arbres morts, le manque de nourriture sont des causes naturelles de régulation de l’espèce. Bien des sites sont encore potentiellement favorables à l’espèce, notamment dans les grandes vallées intérieures picardes. Michel Jeanson, fondateur du parc du Marquenterre, qui a voué une grande partie de sa vie à la réintroduction de cette espèce, serait sans nul doute bien heureux de ce résultat.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Eugénie Liberelle, Raphaële Thilliez

Dernières naissances de Grèbes huppés et Petits Gravelots, passage des Barges à queue noire et Bécasseaux variables venus du Grand Nord, émancipation des jeunes échassiers nés dans la héronnière… : ça bouge sur le Parc du Marquenterre, pour le plus grand bonheur des juillettistes ! Pour tout savoir de cette saison de transition si riche entre reproduction et migration, consultez le dernier comptage : Comptage du 19 juillet 2023 !

Rondouillard, gros yeux noirs, hautes pattes fines, l’air effronté… Mais quel est donc cet oiseau ? Il a tout d’un Rougegorge familier : la forme générale, ainsi que les gros yeux facilitant non seulement la recherche de la nourriture en sous-bois, mais aussi la migration nocturne. Et pourtant il est bien terne, tout moucheté de beige roussâtre. 

Les juvéniles de cette espèce ont en effet ce plumage qui passe inaperçu et ne déclenche pas les agressions territoriales des adultes qui ne supportent pas une autre poitrine orange sur leur “domaine”. D’ailleurs, mâle et femelle chantent chez cette espèce particulièrement territoriale. Les jeunes vont porter ce plumage “pacificateur” durant 5 à 7 semaines. Après leur mue post-juvénile en fin d’été, ils verront arriver une teinte orangée sur leur poitrine. Et alors là, plus question d’être visible sur le territoire des parents ! Pendant ce temps, la femelle adulte aura le temps d’entreprendre une deuxième couvée. Des cas rares de troisième ponte ont déjà été signalés. 

Il faut dire que la mortalité des juvéniles chez cette espèce est particulièrement importante en migration comme en hivernage. L’espérance moyenne de vie tourne autour de 15 à 24 mois. Comme nombre de passereaux, les individus de plus de 5 ans sont rares, même si les “vétérans” peuvent atteindre 10 à 11 ans

Le baguage montre sur le Parc que bien peu d’oiseaux sont retrouvés l’année suivante dans le secteur de la mangeoire en hiver ou au fond des parkings, où une station de baguage est active de fin juillet à novembre ; pourtant les adultes sont très fidèles à leur lieu de reproduction, contrairement aux jeunes oiseaux qui ne reviennent jamais sur leurs sites immédiats de naissance (vue la tolérance des parents… on les comprend !) . En Allemagne, sur 350 jeunes bagués au nid entre 1992 et 1995, aucun n’y a été observé l’année suivante, alors que 80 à 90% des adultes sont revenus une deuxième fois y nicher.

Texte et illustration : Philippe Carruette

L’été s’est installé. Les températures montent, les vacanciers arrivent et les visites de scolaires se raréfient. Néanmoins, la saison de reproduction touche à sa fin. Déjà, certains oiseaux ont entamé leur “migration d’automne”. Pour être plus exact, nous allons l’appeler “migration post-nuptiale”. 

En effet, cette migration entre la zone de reproduction et la zone d’hivernage peut débuter dès le mois de juin ! C’est très tôt, me direz-vous, et il fait encore chaud. En revanche, dans certaines régions, l’automne arrive déjà. Les Barges à queue noire nichant en Islande ne doivent pas trop tarder à repartir. Bientôt, le froid arrivera et la nourriture se fera rare. Hors, sans nourriture, elles ne pourront pas constituer suffisamment de réserves pour le long voyage qui les mènera sur nos côtes. Elles doivent donc anticiper pour faire ces réserves et partir tant que la nourriture est abondante.

Mais comment savoir quel est le bon moment ? Les oiseaux se fient à la durée du jour. À partir du 21 juin, celle-ci diminue. Cela annonce l’arrivée prochaine de l’automne et de l’hiver. Les oiseaux sont très sensibles à ces variations de luminosité grâce à des photorécepteurs. Cela les prévient qu’il ne faut pas traîner. Ceux ayant échoué dans leur reproduction ou fini tôt peuvent partir en avance. Cela leur permet de prendre leur temps et d’avoir un voyage plus facile.

Cela explique l’observation des premiers migrateurs chez nous dès juin. Le samedi 1er juillet a vu l’arrivée des premières Barges à queue noire. Depuis mi-juin, on observe aussi des Chevaliers aboyeurs, arlequins ou cul-blanc et quelques Combattants variés. Les Chevaliers gambettes ont été les plus précoces. Ce 6 juillet a été marqué par un coefficient de marée assez fort (93) qui a forcé plus de 600 Huitriers pies à remonter dans le Parc ! Parmi eux, beaucoup de juvéniles.

Bien sûr, ce n’est que le début. On attend encore avec impatience le retour prochain des Pluviers dorés et argentés, des bécasseaux et de bien d’autres espèces !

Texte : Quentin Libert / Illustrations : Alexander Hiley

Depuis l’envol de la héronnière du premier “spatulon” le 8 juin – plus de deux semaines plus tard que les autres années ! – adultes et ados de Spatules blanches ont pris l’habitude de se poser sur le petit parcours, visible dès l’arrivée au point de vue ! Ils sont alors à une trentaine de mètres du chemin des visiteurs. Groupes scolaires, de la maternelle aux universitaires, individuels, photographes… peuvent les admirer sans être “encagés” dans un poste d’observation. 

Par grand vent, ces derniers jours, ils sont parfois plus de 140 en pleine après-midi sur cet îlot aux hautes herbes protectrices (avec pour l’instant un maximum de 77 juvéniles). Profitons de cette proximité unique en France, grâce au respect des chemins parfaitement praticables (merci Francis et Cédric !) et aux lisses en bois qui sont autant de barrières visuelles sécurisantes parfaitement mémorisées par les oiseaux. 

Ne sombrons surtout pas dans la banalité d’expressions que j’entends parfois hélas : “Oui, des spatules on en voit tous les jours au Marquenterre”. Moins de 2000 couples nichent en France, et la colonie nicheuse du Parc est encore la seule visible du public, puisque les grandes colonies de Loire Atlantique et de Camargue ne sont pas équipées pour l’observation publique ; on dénombre en tout et pour tout 20.000 couples en Europe. Cela reste une espèce peu abondante et indicatrice des grandes zones humides européennes (Delta du Danube ou du Guadalquivir, Mer des Wadden…). 

La proximité permet aussi de remarquables observations éthologiques, notamment quand les “grands benêts” de juvéniles quémandent de la nourriture aux parents. On en profite également pour lire les bagues couleur… Lors de la première soirée estivale mercredi 5 juillet, nous sommes restés plus de deux heures sur les quelques centaines de mètres du début du parcours. Botanique, insectes, poussins, hirondelles et martinets luttant avec le vent… et bien sûr spatules, tout était émerveillement pour le groupe dans une belle harmonie d’être ensemble, sans aucune perturbation pour l’un et l’autre. Mais pas de hasard tout de même : 50 ans de travail, de bienveillance, et d’hommes et de femmes sur le terrain tous les jours pour en arriver là ! 

Allez un dernier petit “conseil” – pardon… oui je vais radoter une fois de plus, mais c’est cela aussi la pédagogie ! Visiteurs habitués ou promeneurs d’un jour, pas besoin de se presser, de marcher vite : l’oiseau le voit, vous observe… et décolle pour s’éloigner, pensant que cette précipitation le concerne négativement. Et tout n’est pas dû, loin de là, à des réactions instinctives ou de l’inné…

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley