Lors des belles journées ensoleillées, la héronnière bat son plein. Les oiseaux ont fini par revenir bien tardivement, seulement à partir du 10 mars, provoquant l’inquiétude de toute l’équipe. Le mauvais temps, avec surtout le vent, le manque crucial de lumière, les gelées matinales sans soleil et d’autres causes inconnues ont bien retardé les arrivées.
Les grands échassiers sont arrivés particulièrement tard cette année. Les premiers Hérons cendrés visitent la colonie le 20 février, mais n’y restent pas longtemps ; ils sont 42 le 28 février et 32 à 34 couples le 7 mars, date à laquelle on note seulement les premiers transports de matériaux, qui s’intensifient vraiment les 12 et 14 mars avec les belles lumières.
Retard aussi pour les Spatules blanches par rapport à l’année dernière (mais année très précoce) avec l’arrivée dans la colonie des premiers oiseaux le 3 mars, et un minimum de 89 oiseaux le 10 mars. Les transports de matériaux sont encore peu nombreux : n’oublions pas que bien des oiseaux arrivent de Mauritanie ou du Niger… Nos gelées matinales sont un accueil pas vraiment “chaleureux” ! Des oiseaux de trois ans peuvent encore commencer à s’installer jusqu’à début mai, et de nombreux individus reviennent encore de leurs lointains lieux d’hivernage sahéliens durant plus d’un mois.
Les premières Aigrettes garzettes sont notées sur la colonie le 7 mars, date plutôt précoce pour cette espèce sur le site, et le 9 mars pour le premier Héron garde-boeufs. On constate aussi pour les Grands cormorans une arrivée beaucoup plus précoce sur les colonies de l’intérieur des terres, moins soumises au vent que la nôtre, mais chaque colonie a une chronologie différente, fluctuant au fil des années et des contraintes et avantages locaux.
Des couples Cigognes blanches sont arrivés, avec des anciens bagués sur place sur les plateformes du Parc, ou originaires de Normandie ou du Pas-de-Calais, totalisant pour l’instant 10 couples dont deux à gauche du poste d’observation. De jeunes couples et des célibataires essayent aussi de s’implanter, et les oiseaux non bagués sont largement majoritaires.
Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Jean Bail
Le PHENO, c’est parti… depuis 10 ans !
PHENO : un diminutif de phénologie de la migration, un programme de baguage du CRBPO (Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux, Muséum de Paris) mis en place pour étudier la migration postnuptiale en matinée durant près de 4 mois, d’août à mi-novembre.
En effet, c’est en plein été que nombre de passereaux nous quittent : rousserolles, phragmites, locustelles dans les roselières au fond du poste 6 ; fauvettes et pouillots dans les dunes buissonnantes ou forestières. Rouges-gorges, roitelets, merles et grives prennent le relais en septembre et octobre au fond des parkings. En forêt, le baguage en août concerne surtout des nicheurs locaux. Les Fauvettes à tête noire et des jardins atteignent leur pic de passage migratoire à partir du 15 septembre.
Malgré son « look », le Troglodyte mignon peut être aussi un grand migrateur tardif en novembre !
Outre l’étude de la phénologie de la migration pour chaque espèce, cela permet de montrer l’importance de certains habitats pour celles-ci. Ainsi la zone boisée dunaire à l’entrée du Parc jusqu’aux parkings est une indispensable trame verte entre les terres agricoles intérieures, le village et le Parc, tant pour des espèces forestières plutôt sédentaires comme la Sittelle torchepot ou la Mésange nonnette, que pour les migrateurs rampants comme la Mésange noire et les roitelets.
Belle surprise avec le baguage en début septembre d’un juvénile de Gobemouche noir en provenance d’Europe du nord. La population nicheuse française est estimée entre 2000 et 4000 couples pour la période 2009-2012, principalement en Alsace, en Lorraine et dans les forêts du sud-est de L’Oise et du centre de l’Aisne. L’espèce est en régression majeure en France comme dans d’autres pays européens (-23% entre 1980 et 2012). C’est un grand migrateur qui va hiverner dans les savanes d’Afrique occidentale de la Guinée au Cameroun.
Ces derniers jours, pluies et vents limitent fortement les possibilités de baguage pour la totale sécurité des oiseaux. On espère de meilleures conditions en octobre, et que ce mois s’inscrive dans une année d’irruption des Mésanges noires ou des Roitelets huppés, deux espèces fortement suivies sur ce site depuis août 2014, date de mise en place de cette station de baguage au fond des parkings.
Chaque année, un bilan et une interprétation de ce programme de baguage sont effectués pour valoriser localement ces données, et ce travail est intégré aux niveaux national et international par le CRBPO au sein de l’ensemble des stations PHENO françaises.
Texte et illustrations : Philippe Carruette