Comme chaque année, les premiers Canards pilets nous reviennent fin août début septembre (4 le 31 août, 45 le 5 septembre et 68 le 18). Ils ont parcouru un bien long voyage. Si des oiseaux arrivent de Finlande, du nord de la Suède ou des pays baltes, la grande majorité nous revient du nord de la Russie.
Plusieurs milliers de Canards pilets ont été bagués en hivernage sur le Parc du Marquenterre de 1973 à 2020, avec des reprises exceptionnelles comme cet individu bagué fin février 1979 et repris dans le centre de la Russie à 4000 km de là. Et n’oublions pas que bien des oiseaux qui s’arrêtent en automne sur le Parc peuvent continuer à plus de 10.000 km de leur zone de reproduction pour gagner le delta intérieur du fleuve Niger au Mali (215.000 hivernants), le delta du fleuve Sénégal au Parc du Djoudj (105.000 hivernants) ou le lac Tchad (308.000 hivernants) !
Les effectifs vont progressivement augmenter de fin octobre à novembre. Ils ont fortement évolué ces dernières années avec les changements climatiques. Les plus gros comptages hivernants sur le Parc ont été notés lors des périodes froides, avec un record le 3 janvier 2011 de 3184 oiseaux et le 25 décembre 2010 avec 3106 individus. Les hivers doux font rester les oiseaux plus au nord, et nous remarquons déjà une baisse des effectifs lors de leur arrivée en septembre octobre, et un nombre d’oiseaux hivernants qui avoisine maintenant les 1000 individus (1117 le 27/11/2020, 712 le 19/12/2021, 1138 le 30/12/2023…).
Ce superbe canard tout en élégance est en limite sud de son aire de reproduction en France, avec de très rares couples nicheurs. Si un ou deux couples nichent (mais échouent probablement) chaque année sur le Parc, les derniers poussins ont été observés le 22 juillet… 1980 !
Un grand merci à Jean Bail pour le partage de cette photo !
Texte : Philippe Carruette / Illustration : Jean Bail
Le PHENO, c’est parti… depuis 10 ans !
PHENO : un diminutif de phénologie de la migration, un programme de baguage du CRBPO (Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux, Muséum de Paris) mis en place pour étudier la migration postnuptiale en matinée durant près de 4 mois, d’août à mi-novembre.
En effet, c’est en plein été que nombre de passereaux nous quittent : rousserolles, phragmites, locustelles dans les roselières au fond du poste 6 ; fauvettes et pouillots dans les dunes buissonnantes ou forestières. Rouges-gorges, roitelets, merles et grives prennent le relais en septembre et octobre au fond des parkings. En forêt, le baguage en août concerne surtout des nicheurs locaux. Les Fauvettes à tête noire et des jardins atteignent leur pic de passage migratoire à partir du 15 septembre.
Malgré son « look », le Troglodyte mignon peut être aussi un grand migrateur tardif en novembre !
Outre l’étude de la phénologie de la migration pour chaque espèce, cela permet de montrer l’importance de certains habitats pour celles-ci. Ainsi la zone boisée dunaire à l’entrée du Parc jusqu’aux parkings est une indispensable trame verte entre les terres agricoles intérieures, le village et le Parc, tant pour des espèces forestières plutôt sédentaires comme la Sittelle torchepot ou la Mésange nonnette, que pour les migrateurs rampants comme la Mésange noire et les roitelets.
Belle surprise avec le baguage en début septembre d’un juvénile de Gobemouche noir en provenance d’Europe du nord. La population nicheuse française est estimée entre 2000 et 4000 couples pour la période 2009-2012, principalement en Alsace, en Lorraine et dans les forêts du sud-est de L’Oise et du centre de l’Aisne. L’espèce est en régression majeure en France comme dans d’autres pays européens (-23% entre 1980 et 2012). C’est un grand migrateur qui va hiverner dans les savanes d’Afrique occidentale de la Guinée au Cameroun.
Ces derniers jours, pluies et vents limitent fortement les possibilités de baguage pour la totale sécurité des oiseaux. On espère de meilleures conditions en octobre, et que ce mois s’inscrive dans une année d’irruption des Mésanges noires ou des Roitelets huppés, deux espèces fortement suivies sur ce site depuis août 2014, date de mise en place de cette station de baguage au fond des parkings.
Chaque année, un bilan et une interprétation de ce programme de baguage sont effectués pour valoriser localement ces données, et ce travail est intégré aux niveaux national et international par le CRBPO au sein de l’ensemble des stations PHENO françaises.
Texte et illustrations : Philippe Carruette