Bonbon de cynorhodon
Ce soir, monstres et sorcières s’amuseront à se faire peur… mais les habitants du Parc échapperont aux mauvais sorts, en échange de leurs meilleurs bonbons : les cynorhodons. Ces jolies friandises toutes rouges sont en réalité le fruit – ou, pour être tout à fait exact, le faux-fruit des églantiers, ces rosiers sauvages du genre Rosa qui s’épanouissent sur les dunes ensoleillées du Marquenterre.
Au printemps, leurs rameaux dressés, robustes et légèrement arqués, mesurant jusqu’à 3 mètres de haut, se parent de fleurs délicatement parfumées, souvent solitaires, parfois disposées en corymbe. Leur corolle est composée de 5 pétales rose pâle ou blancs. Mais gare à l’imprudent qui tenterait d’en faire un bouquet : les tiges sont équipées d’aiguillons crochus très piquants, véritable défense contre les cueilleurs et les gourmands.
Commence alors le ballet des pollinisateurs, qui volètent d’étamine (l’organe mâle de la fleur produisant le pollen) en pistil (l’organe femelle à la base duquel sont blottis les ovules, protégés par les carpelles) et participent ainsi à la fécondation de notre rose.
Au cours de l’été, le réceptacle floral se métamorphose ; il prend la forme d’une petite urne ovoïde rouge orangé, toute lisse et charnue, de la taille d’une olive : le fameux cynorhodon ! À son sommet, on devine les restes desséchés des sépales, ces petites pièces foliacées qui se cachent sous les pétales de la fleur et composent son calice. Chaque faux-fruit renferme 20 à 30 akènes, les vrais fruits de l’églantier issus de la transformation des carpelles, mesurant à peine 2 millimètres et contenant chacun une unique graine.
En octobre, notre bonbon arrive à maturité. Et quel régal ! La pulpe légèrement acidulée et astringente, très riche en vitamine C, se déguste en sirop ou en confiture. Outre ses qualités alimentaires, le cynorhodon possèderait des vertus médicinales qui en feraient un précieux remède contre les morsures des roquets, toutous et autres cabots. D’où cet étrange nom : il est littéralement la “rose des chiens” (kunos = chien, et rhodon = rose en grec ancien).
Mais attention ! Là encore, notre buisson épineux sait se montrer espiègle : les akènes sont munis de minuscules poils irritants, qui provoquent des démangeaisons insoutenables aux gloutons insouciants qui oublient de les ôter. Le majestueux rosier sauvage, symbole d’amour et de poésie, mérite alors son surnom plus trivial de… “gratte-cul” !
Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Alexander Hiley