La poitrine rousse

De longues rectrices pointues, une tête « chocolat au lait », un miroir bronze aux ailes… Il y a peu d’oiseaux aussi sveltes et élégants que le mâle de Canard pilet. Ce plumage magnifique est complété par un ventre blanc vierge… jusqu’en février où certains individus arrivent dans notre région avec une étrange coloration au niveau de leur poitrine, une sorte de « tâche » ocre qui nous donne des indices sur la provenance de ces grands migrateurs…

En accueillant entre 2000 et 3000 Canards pilet chaque hiver, le Parc du Marquenterre est un des sites d’hivernage principaux en Europe pour l’espèce. Toutefois, la plupart des pilets ayant nichés en Russie ou Biélorussie partent beaucoup plus loin, en Afrique de l’ouest (Parc national du Djoudj au Sénégal par exemple). Comme s’ils ne se contentaient pas de l’hiver en baie de Somme… ! Dès leur retour certains de ces grands voyageurs, qui ont apparemment pris goût au soleil, ne peuvent pas se cacher parmi leurs camarades « picards » à cause de leur bronzage !

Jean Bail a eu le bon reflex de capturer cette superbe image de Canards pilets en vol. Le ventre légèrement coloré de certains oiseaux confirme qu’ils ont certainement 4000 km déjà dans les ailes. Après une pause bien méritée en profitant de prairies inondées du Parc et de la basse vallée de la Somme, c’est direction nord-est pour la dernière étape de ce voyage impressionnant.

Le Canard pilet n’est pas le seul oiseau à revenir d’Afrique portant des tâches des terres latérites. Nous avons déjà constaté le même phénomène chez les Cigognes blanches, les Sarcelles d’été et les Canards souchet, dont certains partagent les mêmes zones d’hivernage, mais aussi dans le sud de l’Espagne, au Maroc, au Portugal… Des terres argileuses ou ferrugineuses sur les bassins de décantation peuvent aussi donner cette coloration.