Chanteurs précoces
Les effets du changement climatique sont nettement perceptibles et analysés sur les êtres vivants du Parc depuis les années 1990. Décalages dans les dates de migration, hivernage de nouvelles espèces ou disparition d’autres à cette période, apparitions d’espèces à tendance méditerranéenne et régression de celles à tendance boréale… Les exemples sont légions, bien chiffrés et documentés. N’oublions pas que le Parc mémorise, interprète et diffuse auprès du public depuis 1973 cinquante ans de suivis, comptages, et observations comportementales.
Un des (nombreux) comportements qui évolue est le chant, symbole annonciateur de la défense du territoire pour la période nuptiale. Nombre d’espèces – ou en tout cas d’individus – ont avancé fortement leur date de chant printanier… qui n’est vraiment plus annonciateur de cette saison !
Tel est le cas pour la Grive musicienne : dans les années 1990, le premier chant était entendu généralement fin janvier début février. Désormais on l’entend dès début janvier (6 janvier 2019, 8 janvier 2021)… mais aussi, pendant les hivers très doux, lors de journées claires et ensoleillées, à des dates encore bien plus aberrantes : 4 décembre 2011, 19 décembre 2021, du 16 au 18 novembre 2018, 8 décembre 2023. Idem mais en moins net pour le Merle noir qui par le passé poussait la première chansonnette mi-février… mais maintenant dès fin décembre (30 décembre 2015 avec 12°C de température, 4 janvier 2020, 10 janvier 2022…).. On constate aussi cette avancée des concerts chez la Mésange charbonnière avec parfois des chanteurs dès fin décembre début janvier ces dernières années (12 janvier 2024). Même le Grèbe castagneux émet ses trilles de plus en plus tôt. Habituellement on l’entend à partir de mi-février début mars. Ces dernières années aux hivers très doux le cri de parade est bien hivernal : le 6 décembre 2017, les 28 et 30 janvier 2018 avec parades d’un couple, le 21 novembre 2021, les 5 et 13 janvier 2020, le 2 janvier 2024…
Et on ne parle pas des sorties de Tritons ponctués et alpestres début janvier 2024, ou de ce Crapaud commun en balade sur les sentiers le 30 janvier 2024 par 12°C, quelques jours après le (petit) coup de froid ! Les températures de 10 à 16°C en décembre ou janvier ne sont plus des exceptions ces dernières années.
Il n’y a guère que le Coucou gris qui reste à peu près constant dans son chant (précision et rigueur suisse obligent !) avec le premier “Coucou !” émis en moyenne le 8 avril.
Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley