Chauves-souris en suspension
Lors des chaudes journées d’été, un spectacle étrange se joue parfois dans les postes d’observation du Parc : au-dessus de la tête de certains visiteurs sagement installés dans les abris, pendent de curieux petits cercueils velus… Mauvais présage ? Au contraire ! Il s’agit en réalité de chauves-souris : elles dorment blotties entre les chevrons de bois, attendant la nuit pour chasser. Mais en période de canicule, elles descendent de quelques centimètres pour fuir la chaleur étouffante emprisonnée dans leur cachette étroite.
Parmi les sept espèces recensées sur la Réserve de la Baie de Somme, on peut croiser le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus). Ainsi suspendu, sa silhouette générale évoque la forme d’un sarcophage. Mais son pelage ébouriffé n’abrite ni momie, ni vampire ! De taille moyenne (4,1 à 5,3 cm), on le reconnaît à sa toison longue et épaisse, brun roux sur le dos, légèrement plus claire sur le ventre ; d’apparence laineuse, elle lui donne un aspect négligé… certains oseront même dire mal coiffé. Et, lorsque la condensation s’en mêle, le petit mammifère volant se retrouve avec un poil détrempé aux structurations variées, comme autant de pointes de pinceaux. De plus, notre peintre chiroptère doit son nom à la large échancrure qui sculpte le bord externe de son pavillon auriculaire. Un vrai Van Gogh à l’oreille coupée !
Les individus cachés dans les postes sont généralement des mâles estivant en solitaire, loin du tumulte des nurseries où les femelles mettent bas. Placides, ils se reposent jusqu’au coucher du soleil. C’est la nuit qu’ils explorent les alentours de leur gîte, effleurant de-ci de-là le feuillage des arbres. Les rives des plans d’eau du Parc, bordés de saules et de peupliers, offrent un territoire de chasse idéal, où ils peuvent glaner mouches et araignées.
Dans quelques semaines, les Murins, très grégaires, se rassembleront pour hiberner. Exclusivement cavernicoles, ce sont de gros dormeurs, puisqu’ils pourront rester près de 7 mois dans leur chambre ! Un record en Europe. D’ici là, profitons de leur bouille velue, mais attention ! Comme la plupart des chauves-souris, ils sont lucifuges, c’est-à-dire qu’ils craignent la lumière. Loin de flatter leur ego, les flashes des appareils photos les stressent beaucoup. Alors éteignons tout… Et savourons…
Texte : Cécile Carbonnier
Illustrations : Gaëlle Micheli