Cygnes de Bewick… le retour !

Le Cygne de Bewick, originaire de Sibérie arctique, est devenu rare en Picardie. Avec les changements climatiques, cet oiseau hiverne de plus en plus au nord de l’Europe et descend de moins en moins vers la France. 

Mais depuis la vague de froid de 2013, le Cygne de Bewick a retrouvé une véritable tradition d’hivernage sur le Parc du Marquenterre. Cette année-là, jusqu’à 19 oiseaux avaient été observés, un record historique pour la Picardie ! En 2014 un couple revient avec ses deux juvéniles ; en 2015 ce sont six adultes et deux immatures qui sont présents, et pour l’hiver 2016-2017 un groupe de six avec un seul immature. Un couple d’adultes, probablement le même – le mâle est identifiable aux taches caractéristiques sur le bec – est présent maintenant chaque hiver depuis 2019. Hélas il n’est pas accompagné de juvéniles.

C’est avec plaisir que l’on retrouve un couple d’adultes en fin d’année 2023. Il est arrivé le 26 décembre. Mais un oiseau isolé avait survolé le Parc le 6 décembre, ne restant que quelques instants en se posant au milieu d’un groupe de… Spatules blanches ! Ce couple est présent sur le site une grande partie de la journée, partant se nourrir le soir dans les champs aux environs. Les deux individus ont pris l’habitude de se rendre dans une prairie partiellement inondée proche de Quend. Un second couple les rejoint le 12 janvier 2024, et un oiseau seul – a priori un mâle vue la taille – le 29 janvier. Le 31 janvier les deux couples sont à l’extérieur du site, alors que l’oiseau seul se nourrit sur les prairies du poste 7. 

C’est le 20 novembre 2024, date précoce, que revient de nouveau un couple sur le Parc. Les légères taches noires sur le haut du bec du mâle laissent à penser que c’est le même individu depuis 2019 ; la femelle est plus difficile à différencier sur photo. Le 28 novembre, le couple quitte le Parc vers l’est pour aller se nourrir dans les champs entre Arry et Ponthoile. Le 30 novembre, ils ne sont pas là le matin, mais reviennent en début d’après-midi, faisant une longue toilette sur les prairies inondées du poste 7.

À peine 400 individus de ce joli petit cygne de Sibérie arctique au bec jaune hivernent en France (Camargue, étangs champenois et lorrains) sur 21000 en Europe de l’Ouest. Cette population européenne est plutôt en déclin avec un report de l’hivernage vers les sites plus orientaux (mer Caspienne et Méditerranée). On ne sait pas s’ils sont venus en terres picardes « en rennes », mais c’est toujours un beau cadeau de début  d’année. Avec les Harles piettes originaires de Norvège ou de la Baltique, le Parc du Marquenterre, même sans la neige et les gelées, prend des « airs de Grand Nord »… 

Mais au fait, qui était Bewick ? Thomas Bewick (1753-1828) est un ornithologue britannique passionné de dessins ; enfant, il fabrique de l’encre avec du jus de mûres et dessine les animaux de la ferme familiale ! En 1790, il publie sa première grande œuvre en plusieurs volumes : L’histoire des oiseaux d’Angleterre, avec de superbes gravures. À son époque, le Cygne chanteur et le Cygne de Bewick étaient identifiés sous le même nom de Cygne sauvage. Un taxidermiste de Newcastle, Richard Wingate, va décrire en 1829 une nouvelle espèce de cygne sans lui attribuer de nom. Lui et le célèbre ornithologue anglais William Yarrell vont le nommer Cygne de Bewick, en mémoire de Thomas Bewick. L’ornithologue et peintre Jean-Jacques Audubon lui a aussi dédié un Troglodyte américain.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley