Drôles d’amours chez les Anoures
Crouac… Crouac… Les soirées douces et humides de ce début de printemps ont sonné l’heure de la saison des amours chez les Anoures. Grenouilles et crapauds sortent de leur engourdissement hivernal et, poussés par l’impératif de la reproduction, entament une migration pré-nuptiale parfois périlleuse vers le point d’eau le plus proche, afin d’y déposer leurs œufs, promesses de têtards à venir…
Si la plupart des individus effectuent cette convergence annuelle en toute autonomie, il arrive pourtant que certains mâles, plus opportunistes, profitent de la présence d’une grosse femelle pour se laisser porter jusqu’à destination : ils se cramponnent à elle, les pattes glissées sous les aisselles. Chevauchant ainsi leur dulcinée, ils sont emmenés dans un fauteuil (crapaud) et s’assurent ainsi la primauté d’accès aux femelles. Il faut reconnaître que la concurrence est rude chez ces batraciens, et les mâles, fidèles à leur frayère, doivent parfois redoubler de ruse pour parvenir à s’accoupler !
Au détour d’un sentier sablonneux, nous tombons ainsi sur un binôme verruqueux. Mais en y regardant de plus près, surprise ! Si la femelle arbore un intense regard cuivré typique des Crapauds communs (Bufo bufo), le mâle, quant à lui, a les yeux… verts ! La ligne jaune pâle qui longe sa colonne vertébrale ne laisse aucun doute : il s’agit d’un Crapaud calamite (Epidalea calamita). Drôle de couple… Mais il n’est pas rare d’observer des appariements inter-espèces chez les Amphibiens. Tentative d’accouplement de Grenouille rousse avec sa cousine verte… Amplexus de Grenouilles vertes auquel s’ajoute un intrus, Crapaud commun… Ces Messieurs sont parfois peu rigoureux avec la systématique des Batraciens !
Quoi qu’il en soit, même si notre duo atypique rejoint son site de ponte, une panne dunaire par exemple, l’hybridation n’aura pas lieu, et chacun trouvera, on l’espère, un partenaire de son espèce. La femelle, alors, commencera à évacuer ses ovocytes, aidée par les stimulations du mâle qui lui donnera des petits coups d’orteils sur les flancs. Deux longs cordons d’œufs seront alors expulsés, et fécondés au fur et à mesure par le liquide séminal. Dans quelques semaines, souhaitons-le, ils donneront naissance à des centaines de petites larves noires !
Texte : Cécile Carbonnier
Illustrations : Eric Penet, Cécile Carbonnier, Valentin Bors, Benjamin Blondel
Merci pour ces informations instructives, ces belles photos, et cette pointe d’humour !