Herbe de Bacchus, cela vous parle-t-il ? Herbe de Saint-Jean peut-être ? Essayons Herbe à dents. Non plus ? Il s’agit du Lierre grimpant ! Cette plante porte de nombreux noms vernaculaires, liés notamment à la période à laquelle il était cultivé, ou encore à l’utilisation qu’on en faisait. En latin, on le nomme Hedera helix (Haerere = être attaché / Helix = enrouler, enlacer).
Faisons un bond dans le passé : Hedera a donné naissance au mot edre, dans un très ancien français. C’était au 10ème siècle, vous en souvenez-vous ? Au fil des siècles, le mot edre a évolué pour devenir iedre. Lui-même s’est transformé en iere. Ajoutons à cela un article devant le mot, et de l’iere voilà que nous obtenons : lierre !
Restons encore un peu quelques années en arrière. Voici un aperçu rapide de son incroyable épopée : il est arrivé sur Terre il y a plus de 100 millions d’années (au Crétacé, durant l’ère secondaire) quand le climat était tropical ; si votre mémoire vous fait défaut, vous êtes tout pardonné. C’est une des rares plantes à avoir résisté aux grands changements climatiques qui suivirent cette ère, et il fait aussi partie des rares lianes que nous trouvons en Europe. En Italie, certains spécimens ont un peu plus de 400 ans mais si le support s’y prête, il peut être millénaire ! Symbole d’éternité donc, mais aussi d’amour et/ou de fidélité du fait de son emprise forte et tenace autour de son hôte.
Le lierre, une plante qui nous veut du bien, vraiment ? Eh bien oui ! Mais avant d’essayer de vous en convaincre, voici de quoi redorer son image : cette liane arborescente, constamment à la recherche de la lumière, a besoin d’un support. L’arbre en sera un parfait exemple. Notre plante ne cherchera jamais à grimper jusqu’à la cime de l’être choisi, et en aucun cas elle ne l’étouffera. Cela reviendrait à la condamnation même de notre herbe de Saint-Jean. Tout au contraire, il existe une synergie entre ces 2 espèces : il protège le tronc des trop grandes variations de température. Il joue donc un rôle de régulateur thermique. Il est gage de bonne santé : il abrite une faune si riche qu’il est l’un des éléments essentiels à la biodiversité. Il régule les parasites, il sert d’abris pour les insectes. Ses fruits, qu’on retrouve en hiver, sont un précieux garde-manger pour les oiseaux. Également, c’est un très bon couvre-sol : il permet de maintenir une humidité au pied de l’arbre. Et enfin, faisons taire les on-dit une bonne fois pour toute : « On dit qu’il se nourrit de la sève ». Absolument pas ! Ce n’est pas un parasite mais une aide de vie précieuse ! Cet équilibre entre l’arbre et le lierre ne sera rompu que si l’arbre s’affaiblit par la maladie ou la vieillesse : son feuillage sera moins dense, ce qui permettra à la photosynthèse du lierre d’être améliorée et sa croissance n’en sera que meilleure.
Va-t-on enfin savoir en quoi il nous est utile ? Nous y voilà mais sachez-le, il y aura une déception certaine du côté des gourmands car il n’est pas comestible tel quel. Il est cependant fort utile en usage externe. Pour les problèmes de peau, par exemple. Avec les feuilles lobées (et non pas les entières) un macérat huileux* sera parfait mélangé avec des pâquerettes. Le lierre a aussi été testé et approuvé en lessive par quelques guides du Parc : c’est une plante qui possède des vertus moussantes et détergentes grâce à la saponine naturellement présente dans les feuilles.
Nous pourrions bavarder sur le sujet pendant de longues heures encore, mais contentons-nous, pour aujourd’hui, de ces quelques paragraphes. Et si le coup de sécateur vous démange, avant de porter le coup fatal, venez vous rafraîchir la mémoire en relisant cet article sur l’utilité incroyable de cette plante relique.
Petit bonus pour les plus observateurs : aviez-vous remarqué que certaines feuilles luisaient, brillaient plus que d’autres ? C’est dû à la couche de cutine qui les recouvre. Une sorte de cire imperméable !
* Macérat huileux : Une base d’huile végétale à laquelle on ajoute des ingrédients naturels selon les besoins (lierres, pâquerettes, pissenlits etc.) et qui y déverseront toutes leurs vertus pendant plusieurs semaines.
Texte et illustrations : Eugénie Liberelle