Avec ce début de la morte saison et la baisse de la durée du  jour, les fleurs sauvages et du jardin se fanent… Une vraie privation de ressources annuelle pour nombre d’insectes, qui voient les bars à pollen et à nectar fermer les uns après les autres. 

Heureusement le lierre, véritable « couteau suisse de la nature », a la bonne idée d’ouvrir son auberge, à l’inverse des autres qui baissent pavillon ! Et là, c’est la ruée de tous les assoiffés à ailes : syrphes, abeilles, éristales, papillons, longicornes et multiples mouches. Le bistro est vaste, même si les places sont volontairement serrées. 

Chaque ombelle du lierre abrite plusieurs dizaines de discrètes (et moches, mais chut !) fleurs avec 5 étamines, porteuses du pollen, et 5 pétales. Elles vont recevoir avec bienveillance – mais surtout avec intérêt, pour être pollinisées – ces multiples petits clients ailés en mal de convivialité. On parle toujours bien des insectes !

Rapidement, il n’y a plus un grain de pollen. Alors la fleur change de cocktail, et propose le suintement du nectar sucré… encore plus attractif !

Alors après le bar à bières, le bar à eau… testez le bar à lierre ! Observez, contemplez, prenez des photos de tous ces butineurs pour participer au programme de sciences participatives du Muséum de Paris. Et procurez-vous obligatoirement les numéros 106 et 107 de la revue la Hulotte, (www.lahulotte.fr) consacrés à cette merveilleuse plante mal comprise, peu connue, et pourtant si accueillante qu’est le lierre.

Texte et illustrations : Philippe Carruette

La Blackstonie, ou Chlore perfoliée, de la famille des gentianes, est une plante facilement reconnaissable sur le Parc. Ses belles fleurs jaunes portant de 6 à 10 pétales, disposées en cyme, apparaissent en début d’été. Mais ce qui est le plus caractéristique, ce sont ses feuilles obovales opposées soudées, d’où le qualificatif de perfoliée, la tige donnant l’impression de percer à travers les feuilles.

Elle pousse sur les sols calcaires des dunes, des marais ou des coteaux, où il existe peu de concurrence avec les autres plantes. 

Il semble que depuis ces dernières années, elle soit nettement moins présente sur le Parc. Est-ce l’effet des étés secs qui font griller la plante avant la formation de petites capsules contenant les prochains semis dispersés par le vent ? Ou de la dynamique végétale forte, notamment sur le début du parcours, accentuant la compétition pour cette belle pionnière ? Relativement commune mais en diminution en France, elle bénéficie pourtant d’une protection dans certaines régions comme l’Alsace et la Lorraine.

Texte et illustration : Philippe Carruette

Dans les zones fraîches et humides du Parc se dressent de grandes plantes herbacées à la silhouette gracile, émaillées de charmantes fleurs d’un rose intense : ce sont les Épilobes à grandes fleurs (Epilobium hirsutum), également appelées Épilobes hirsutes en raison des petits poils hérissés qui parsèment leur tige souple et robuste. Pouvant atteindre 1,80 mètre de hauteur, elles apportent une note de couleur joyeuse à la mégaphorbiaie, cette formation végétale hétérogène et dense constituée de hautes plantes vivaces, caractéristique des sols riches et humides, qui ourle nos marais. 

La corolle de la fleur est composée de quatre pétales très échancrés, en forme de cœur. Au centre de cet écrin rose, on distingue une petite croix blanche : il s’agit du stigmate – l’extrémité du pistil, l’organe reproducteur femelle de la fleur – prêt à accueillir les grains de pollen que déposeront syrphes et bourdons en butinant. Huit étamines – les organes mâles – forment une ronde autour de lui. 

Les Épilobes accueillent nombre de résidents en tous genres, parmi lesquels la chenille du Grand Sphinx de la Vigne (Deilephila elpenor), qui s’en délecte. On la reconnaît à ses ocelles blancs et noirs, qui rappellent le signe du Yin et du Yang. Lorsqu’elle est stressée, elle rentre la tête dans son thorax, se redresse, et gonfle l’avant de son abdomen ; puis elle entame une drôle de danse, se balançant de droite à gauche telle un serpent. Les “yeux” sont ainsi mis en évidence, et peuvent déconcerter le prédateur le plus téméraire !

Dans quelques jours, la chenille quittera sa plante nourricière pour errer un temps, avant de s’enterrer dans une loge rudimentaire, où elle se nymphosera. Les fleurs des Épilobes, quant à elles, auront fané. Ne resteront que les fruits, fines capsules sèches renfermant les précieuses graines. Munies de longues aigrettes de soie – que l’on utilisait jadis pour la confection de mèches à lampes – elles s’envoleront à la moindre brise. Anémochorie, ou quand le vent disperse la vie… 

Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Alexander Hiley, Cécile Carbonnier, Marion Mao

Cette “écume” couleur blanc-crème déposée sur les bords des plans d’eau, et que l’on retrouve beaucoup sur les plages, est due au phytoplancton, plus précisément à une algue nanoplanctonique du genre Phaeocystis. Elle est également appelée “vert de mai”, en référence à son apparition au printemps, et à la couleur de l’eau.

Ces microalgues se regroupent en colonies de tailles volumineuses (de 10 µm à 3 mm), et s’englobent dans un mucus protecteur : ainsi, elles sont protégées contre le zooplancton – les copépodes par exemple, qui sont amateurs de phytoplanctons. Sans prédateur à l’horizon, Phaeocystis peut donc se développer très rapidement.

Mais comment ces algues, mesurant seulement quelques micromètres, peuvent créer de grandes étendues de mousse ?

Après avoir épuisé les nutriments nécessaires à son développement, la colonie se déforme et se désintègre : à la mort de celle-ci et avec une eau agitée, le mucus est émulsionné telle une mayonnaise. Le phénomène est accentué par l’intensité du remous des vagues et est déposé en grandes quantités sur les plages selon la force du vent ; la mousse ainsi formée et accumulée sur le sable peut atteindre plus d’un mètre de hauteur !

Sur les 6 espèces de Phaeocystis existantes, 3 sont capables de former de grands blooms * : Phaeocystis antartica (en océan Arctique), Phaeocystis pouchetti (dans les eaux froides de l’Arctique) et Phaeocystis globosa (en mer tempérées comme la mer du Nord).

Cela reste un phénomène naturel récurrent connu depuis longtemps, mais qui peut être accentué par les activités humaines et l’accumulation de nitrates et de phosphates dans l’eau.

* Bloom planctonique : prolifération du phytoplancton

Texte : Eugénie Liberelle / Illustrations : Cécile Carbonnier, Eugénie Liberelle, Nathanaël Herrmann

 

L’Amaryllis (Pyronia tithonus) est un petit papillon diurne aux ailes orange et marron. Les mâles, de plus petite taille, se reconnaissent facilement à la bande transversale sombre sur la partie orangée de l’aile. Il est régulièrement observé sur le Parc, mais plutôt tardivement, à partir de juin jusqu’en septembre. 

Posé, il garde toujours les ailes bien ouvertes, mettant en évidence les deux ocelles noirs dans lesquels on distingue deux points blancs. Leur aspect d’yeux peut ainsi décontenancer un prédateur l’espace d’un instant : ce bref moment est suffisant pour que le papillon prenne rapidement son envol. 

L’Amaryllis est peu exigeant et pond sur les graminées des prairies (fétuque, pâturin, dactyle…). L’adulte cherche sa nourriture sur la plupart des plantes à fleurs. Ce papillon hiverne à l’état de chenille.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

À l’entrée du Parc, sur les pelouses dunaires rases – dunes grises intérieures – on peut rencontrer une bien étrange plante : l’Orobanche du gaillet (Orobanche caryophyllacea). Elle a l’aspect d’une tige morte aux couleurs marron miel, du fait que ses feuilles sont réduites à des écailles triangulaires. Et elle n’est jamais verte, puisque que comme toutes les orobanches, c’est une plante qui ne synthétise pas la chlorophylle. 

Elle a en effet perdu son autotrophie, c’est-à-dire la capacité de puiser ses éléments nutritifs dans son seul milieu naturel, et doit se développer aux dépens d’une autre plante hôte. Les petites graines d’orobanche sont très nombreuses et émettent après la germination une pousse à l’aspect de racine, qui se fixe rapidement sur celle des Gaillets – souvent croisettes ou jaunes dans les dunes – pour prélever les indispensables éléments nutritifs.

Pour se faire néanmoins “pardonner” son côté parasite, elle émet un doux parfum d’œillet ou de clou de girofle, selon les nez ! Du fait de son habitat spécialisé, elle reste localisée sur le Parc et en Picardie. Profitons de cette éphémère “magicienne profiteuse” car elle va vite disparaître, sa floraison ne dure qu’une quinzaine de jours.

Texte et illustration : Philippe Carruette

En ce mois de juin, prairies et bas-marais basophiles du Parc sont recouverts de la floraison jaune des Rhinanthes à feuilles étroites (Rhinanthus angustifolius). Profitons de la parure d’or de cette plante annuelle de 10 à 50 centimètres de haut, aimant la lumière, et qui se fanera bien vite, surtout avec ces dernières journées chaudes. Elle doit son nom français au fait que sa fleur a l’apparence d’un nez (du grec rhinos, “nez”, et anthos, “fleur”). En anglais on la nomme du joli sobriquet de Yellow rattle, le “hochet jaune”. 

Comme toutes les espèces de la famille des Orobanches, les rhinanthes sont des plantes semi-parasites qui puisent dans les racines des voisines les nutriments – eau et sels minéraux – dont elles ont besoin ! Pratique (mais pas sympa…) quand on pousse en grand nombre dans un cycle très limité, sur un habitat restreint.

Texte et illustrations : Philippe Carruette

Les nouveautés s’enchaînent sur le Parc ces derniers jours, tant pour les oiseaux et les insectes que pour les orchidées. Un pied bien en fleurs d’Ophrys abeille (Ophrys apifera) vient d’être trouvé le long d’un chemin du parcours d’observation. C’est la première fois que cette espèce est inventoriée sur le Parc depuis sa création en 1973. Nous sommes plus habitués à rencontrer en ce moment dans nos marais les grandes orchidées violacées que sont les dactylorhizas, plutôt que cette adepte pionnière des larris calcaires. Mais elle peut s’adapter à des bois clairs et même des jardins ou des talus de bord de route. 

On la reconnaît à son labelle velouté, brun arrondi aux motifs jaunes clairs très variables. Sa forme, qui est celle de l’abdomen d’une abeille, attire ainsi les pollinisateurs qui croient trouver un partenaire avec qui se reproduire. Les mouvements désordonnés de l’insecte l’amènent à toucher les pollinies qui vont se coller à lui, permettant ainsi d’aller involontairement féconder une nouvelle fleur. Elle émet d’ailleurs une odeur – phéromone olfactive –  qui rappelle celle de la femelle d’abeille solitaire. Mais c’est aussi la seule du genre capable d’autogamie : quelques heures après l’ouverture de la fleur, les pollinies peuvent se dessécher rapidement et tomber sur le stigmate, pour le féconder.  Pratique quand on est pionnière dans un lieu ! En expansion, l’Ophrys abeille reste relativement localisée en Picardie, où elle est présente sur les coteaux calcaires de la Somme, de l’est de l’Oise et du centre de l’Aisne. 

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Benjamin Blondel, Cécile Carbonnier