Guignette rase-motte

Que voilà un petit échassier bien agréable à regarder ! Le Chevalier guignette est facilement observable de mi-mars à début novembre sur le Parc. Mais c’est vraiment en été, lors de sa migration postnuptiale, qu’il est le plus fréquent (un maximum de 68 oiseaux sur l’ensemble du Parc le 8 août 2021 et 62 le 1er août 1998). 

Profitant des niveaux d’eau bas, il arpente le bord des berges en assec (eh oui, quand on est court sur pattes on ne va pas dans le grand bain !) pour picorer tout le menu fretin aquatique. Son attitude est primordiale pour le reconnaître. Très bas sur pattes jaune verdâtre, la morphologie aplatie pour faciliter la capture des insectes en mouvement, un corps en forme de fer de lance, il avance à petits pas trépignants, piquant de temps en temps des sprints sur de courtes distances. Rien à voir avec les grandes enjambées et l’attitude “hautaine” des autres chevaliers, même ses plus proches cousins que sont les sylvains ou les culblancs ! 

En vol, toujours le côté rase-motte, au ras de l’eau, ailes abaissées ; il est bien rare qu’il prenne de l’altitude. On le reconnaît aussi à ses deux petites bretelles blanches de chaque côté de la bavette grisâtre du haut de la poitrine, qui le distingue bien du Chevalier culblanc – qui, lui, n’a pas de bretelles… et a donc perdu son pantalon, d’où la vision de son croupion blanc en vol ! Moyen mnémotechnique limite pour la bienséance, certes, mais efficace… 

Le Chevalier guignette est souvent solitaire, et un peu (beaucoup…!) intolérant, chassant un voisin trop proche de son assiette vaseuse. Toutefois, en soirée ou tôt le matin – c’est un voyageur essentiellement nocturne – on peut voir des groupes de migrateurs posés et volant ensemble (38 le 8 août 2021 par exemple). De par son mode de nourrissage isolé à découvert, et son immobilisme avant de décoller au ras de l’eau lors d’un danger, il est particulièrement vulnérable à la prédation de l’épervier, et régulièrement des plumées de notre “rase-motte” sont trouvées au bord des chemins.  

C’est un nicheur assez rare en France, avec moins de 1000 couples localisés sur les cours d’eau en zones de montagne (Lozère, Alpes…), ou la haute vallée de la Loire et ses affluents (Nièvre, Allier). Il n’est a priori pas nicheur en Picardie. En 2017, un couple parade et est bien cantonné au poste 2 durant tout le mois de juin et début juillet, sans preuve néanmoins de nidification.  

Guignette est à rapprocher du verbe « guigner » qui veut dire s’agiter, bouger, en rapport avec le hochement de queue caractéristique de l’espèce (même si le Chevalier culblanc le fait aussi). Un ami italien me confiait son nom transalpin qui, je trouve, lui va le mieux : Piro piro piccolo, piccolo veut dire “petit” et piro piro se réfère à son cri à l’envol, mais aussi à un bâton au bout pointu qui rappelle son fin bec droit. Finalement, il a tout pour être sympa ce guignette !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley, Pierre Aghetti