La Grue cendrée nous a quittés…
Voilà plusieurs semaines que notre Grue cendrée ne nous a pas donné de nouvelles. Star incontestée des podiums du Marquenterre, elle fut indéniablement l’oiseau le plus photographié du Parc. Hommage à cet échassier qui ravit petits et grands pendant près de 25 ans…
Le 14 novembre 1994, le Parc du Marquenterre reçoit un appel : une Grue cendrée a été retrouvée dans les marais du Crotoy. Blessé, l’oiseau ne peut plus voler. En effet, son aile gauche est manquante : collision avec une ligne à haute tension ? accident de la route ? acte de braconnage ? Les hypothèses vont bon train. Rappelons que cette espèce est observée en de très rares occasions en Picardie maritime, car son axe de migration, étroit, traverse la France des Landes jusqu’en Lorraine.
Seul, perdu, infirme, l’oiseau tombé du ciel semblait promis à un destin tragique. Mais c’était sans compter sur la bienveillance du personnel du Parc : on décida de placer l’échassier dans les prairies du Marquenterre. Le chemin de vie de notre grue trouva alors un second souffle, et ainsi débuta sa longue carrière de mannequin aviaire.
Combien de photographes, amateurs ou professionnels, immortalisèrent ses longues pattes élancées, sa coiffe rouge carmin, ses plumes gris anthracite ? Combien d’enfants furent émerveillés par sa démarche gracile ? Combien de guides la remercièrent lorsque, sous le soleil caniculaire de juillet, elle seule se montrait sur les îlots du petit parcours ?
Parfois, ses appels déchirants vers d’invisibles congénères nous brisaient le cœur ; en effet, l’espèce, très grégaire, n’est pas faite pour la solitude. Mais, une fois encore, la vie lui réserva de belles surprises, puisqu’un matin de printemps 2012, un mâle fit escale sur le Parc : le coup de foudre fut immédiat. Les deux amants entamèrent une danse nuptiale spectaculaire, se faisant des courbettes, sautant en écartant les bras, attrapant n’importe quel objet au sol pour le lancer en l’air ! Jusqu’à l’accouplement… Aussitôt après, elle s’enfuit dans les roseaux construire un nid. Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs grâce à cet événement que nous apprîmes le sexe de notre starlette ! Aucun poussin ne verra le jour de cette union fugace, et le mâle dut reprendre sa route d’oiseau migrateur valide…
Nous pourrions multiplier les anecdotes sur elle, car, en un quart de siècle, notre grue nous offrit maints cadeaux et représentations. Beaucoup lui donnèrent même un petit nom, car elle était devenue véritablement un membre de l’équipe. Ce qui est sûr, c’est qu’elle gardera une place particulière dans le cœur de chaque personne qui eut la chance de la croiser dans les allées du Parc du Marquenterre.
Texte : Cécile Carbonnier
Illustrations : Alexander Hiley, Jean Bail