La ponte de l’Ichneumon
Mais que fabrique donc cette étrange bestiole avec son long “dard” ainsi fiché dans le bois ? Une injection ? Un sondage ? En quelque sorte. Cet hyménoptère à la taille de guêpe est un Ichneumonidae, une famille d’insectes peu fréquentables, au vu de leurs mœurs larvaires qui confinent à l’horreur…
Explications. La jolie dame que nous voyons ici est une future maman en quête du lieu idéal pour y pondre son œuf. Mais ne soyez pas dupes : ce lieu n’est pas le poteau sur lequel nous la voyons galoper à toute vitesse, mais… ses habitants ! Ce qu’elle recherche, c’est le corps d’un pauvre petit animal innocent qui sera l’hôte malheureux de son poupon glouton.
En effet, les Ichneumonidae forment un groupe de guêpes solitaires parasitoïdes très diversifié, aux comportements aussi variés que les proies sur lesquelles elles jettent leur dévolu : chenilles, araignées, mouches, coléoptères… La liste des victimes est longue ! Dans le cas présent, nous pouvons deviner que le “garde-manger” de bébé Ichneumon sera la larve d’un insecte xylophage qui se croyait bien à l’abri dans son piquet de clôture ; par exemple, la chenille dodue du Cossus gâte-bois, un papillon que nous avons eu l’occasion de vous présenter à plusieurs reprises, ou encore la larve bien juteuse d’un longicorne, qui raffole du bois en décomposition.
Pour détecter sa proie, maman Ichneumon parcourt les troncs d’arbre – ou, en l’occurrence, les poteaux – et détecte à l’aide de ses antennes composées de 16 articles la moindre odeur ou vibration causée par l’imprudent en train de grignoter tranquillement son bout de bois. Une fois le butin localisé avec une précision chirurgicale, elle relève son long abdomen. Celui-ci est prolongé par un appendice interminable, qui n’est autre que le fourreau protecteur d’où elle dégaine son oviscapte – aussi nommé ovipositeur ou tarière – un stylet creux diabolique ressemblant ici à un fil noir, par lequel s’effectue la ponte : elle l’insère méthodiquement dans les minuscules orifices du bois, qu’elle fore si besoin, jusqu’à atteindre sa proie… Une véritable prouesse, il faut bien l’admettre. Elle dépose alors son œuf, soit sur le corps de la victime, soit carrément dedans.
L’hôte parasité offrira à ses dépens le gîte et le couvert au petit Ichneumonidae qui le dévorera de l’intérieur, en veillant toutefois à n’attaquer les parties “vitales” qu’au dessert, afin que le festin dure le plus longtemps possible… jusqu’à l’issue fatale. Quelle enfance barbare ! Sachez néanmoins qu’avec l’âge, ces insectes s’assagissent et se débarrassent de leurs habitudes cruelles, pour préférer butiner le nectar des fleurs, et devenir ainsi de précieux pollinisateurs. Une métamorphose digne des plus grands alchimistes.
Texte et illustrations : Cécile Carbonnier