La vie enfermée de Psyché

Même si l’envie de vous conter l’histoire de la princesse Psyché et de son amant Éros me ferait plaisir, je vais toutefois laisser la mythologie grecque de côté pour vous partager la vie d’une tout autre Psyché : une plus duveteuse, plus foncée, possédant 6 pattes et appartenant à la très grande famille des Psychidae.

En France, cette famille est représentée par plus de 65 espèces allant de la Psyché du gramen (Canephora hisuta : la plus grande) à la Psyché lustrée (Psyche casta : une des plus petites et une des plus communes). Très bien tout ça, mais ça ressemble à quoi une Psyché à 6 pattes ? Commençons par le plus intéressant : son stade larvaire.

Les larves vivent enfermées dans une logette appelée fourreau. Cette petite forteresse, construite sur mesure dès leur naissance et par leurs propres moyens, est un tube de soie ouvert aux 2 extrémités et recouvert extérieurement de divers matériaux collés à la soie : petits cailloux, sable, terre, fragments de feuilles ou de lichens ou encore de tiges et même de micro-coquilles.

La nature et la disposition des matériaux utilisés sont propres à chaque espèce. La grande majorité des fourreaux construits sont droits, bien rectilignes à l’exception de Apterona helicoidella, une architecte hors pair préférant des édifices spiralés. Ainsi, tel un escargot dans sa coquille, jamais ô grand jamais la larve ne quittera cette enveloppe protectrice. Petite Psyché grandissant rapidement, elle prendra grand soin d’élargir et d’allonger son fourreau, l’ajustant à chaque tour de taille gagné.

 

Pour se déplacer, cet animal ne sort que la moitié de son corps : il active ses pattes thoraciques traînant ainsi le reste de son corps fortifié. L’abdomen, quant à lui, reste bien vissé dans son étui grâce à de puissantes ventouses.

Il n’est pas courant de le voir en mouvement. Le plus souvent, nous l’apercevons sur le Parc au repos : droit sur un support (arbres, pancartes, poteaux etc.), il se fait merveilleusement bien passer pour une écharde ou un morceau de bois en train de se détacher. 

Le dimorphisme sexuel est une particularité très marquée chez les Psychidae : les ailes et tous les appendices sont complètement atrophiés chez la femelle. 

D’ailleurs, à propos de femelle, même adulte, celle-ci ne quittera jamais son fourreau portatif. Tout espoir d’imaginer un mâle ailé la sortant de sa tour d’ivoire est vain. Cependant, voici plutôt de quoi alimenter un prochain film fantastique : une fois fécondée, elle pondra à l’intérieur même de sa logette et mourra. Et chez certaines espèces, la femelle meurt avant de pondre ; les larves émergeront alors du cadavre de leur mère…

Concernant le mâle, la nature aura décidé d’en faire un petit papillon nocturne volant… le jour ! Ça va de soi. Refoulant les curieux sur le pas de sa porte, il prendra soin de fermer à double tour son logis pour se transformer en pupe puis quittera ensuite définitivement son fourreau sous une nouvelle apparence. Il va devoir jouer de la montre pour trouver une femelle ; ses pièces buccales atrophiées, il n’aura pas l’occasion de se nourrir pendant sa courte vie d’adulte.

Lors de votre balade sur le Parc, vous pourrez facilement croiser ces petites bêtes. Fixées sur les poteaux en bois le long des sentiers par exemple, prenez le temps d’admirer leur cahute en bois dans laquelle elles se cachent. Mais ne comptez pas sur elles pour vous inviter à prendre le thé !

Texte et illustrations : Eugénie Liberelle