L’araignée-crabe en filature
Tapi dans les fleurs blanches d’une Eupatoire, un redoutable prédateur attend patiemment sa proie… Syrphes et abeilles, prenez garde, car la Thomise variable (Misumena vatia) est en chasse !
Cette petite araignée à l’abdomen tout arrondi, à peine plus grande qu’un grain de riz, aime se poster à l’affût sur les plantes mellifères surplombant la végétation environnante. Pas besoin de tisser de toile. Les insectes gourmands, attirés par les puits de nectar, se font prendre au piège : à peine se posent-ils sur la fleur, promesse de festin sucré, que notre arachnide sort de sa torpeur ! En un éclair, elle se précipite sur une mouche crédule, l’agrippe entre ses deux longues pattes antérieures, et l’envenime. Puis elle retourne dans sa cachette mortelle, se déplaçant latéralement comme une étrille… Il faut dire qu’avec sa paire de “pinces” et sa démarche de travers, la thomise porte bien son surnom d’araignée-crabe.
Mais pourquoi diable les butineurs ne l’ont-ils pas repérée ? Sûrement parce qu’elle est douée d’une capacité de camouflage imparable : l’homochromie. Elle change de couleur en fonction de son terrain de chasse ! Ainsi, sur la corolle d’une achillée, la thomise devient toute blanche, tandis que sur un solidage, sa livrée se teinte en jaune. Cette formidable transformation – qui prend tout de même plusieurs heures – est due à la sécrétion puis au transfert d’un pigment liquide dans la couche externe du corps. À vrai dire, cette faculté lui servirait davantage à se cacher de prédateurs éventuels, qu’à tromper ses proies capables de capter les ultraviolets… Quoi qu’il en soit, la belle immaculée n’aura pas échappé à notre regard comblé !
Texte et illustrations : Cécile Carbonnier