Ce 3 octobre 2024, c’était Halloween avant l’heure au Parc du Marquenterre ! Point de citrouille ni de fantôme dans les allées de la Réserve naturelle, mais l’apparition d’un effrayant crâne décharné à quelques mètres de hauteur, plaqué contre l’écorce grise d’un peuplier, que les toiles d’araignée ne semblaient pas inquiéter… L’identité de ce spectre ? Le bien-nommé Sphinx Tête-de-mort (Acherontia atropos), un immense papillon de nuit aux allures de chauve-souris. 

Ce géant parmi les insectes, dont l’envergure peut atteindre 13 centimètres et le poids avoisiner les 15 grammes pour les plus grosses femelles, se déguise façon frelon : son abdomen massif et velu est rayé en jaune et noir. Ses ailes antérieures brunes, émaillées d’écailles pâles, cachent au repos des ailes postérieures jaune d’or barrées de deux lignes sombres couleur corbeau. Mais ce qui le caractérise, c’est cet étrange motif ocre ressemblant à s’y méprendre à une tête de mort sur la partie dorsale de son thorax densément poilu. Brrr, de quoi faire froid dans le dos !

Mais pas de panique ! On inspire, on expire… Ce grand gourmand n’a rien d’un vampire. Son péché mignon ? Les bonbons au miel ! Ouf, les humains peuvent souffler. Quant aux abeilles, tremblez ! Car ce glouton se transforme en ogre dès qu’il s’agit de se gaver de sa friandise préférée : il n’hésite pas à se faufiler dans les ruches pour piller leur trésor, perforant les opercules de sa trompe robuste, et engloutissant, s’il le peut, son propre poids en délices sucrées. Le goinfre ! Et il ne craint même pas les caries !

Mais comment ce pirate peut-il dévaliser les réserves de nourriture des braves petites abeilles sans craindre les représailles ? Auraient-elles peur de sa tête de mort ? Que nenni. Ce roi de l’illusion est capable de se rendre chimiquement invisible, diffusant des phéromones imitant “l’odeur” de la cuticule (la “peau”) des hyménoptères. De plus, les “cris” stridents et les vibrations qu’il produit en sirotant son breuvage ressembleraient au bourdonnement émis par la reine, et empêcheraient ainsi l’attaque des laborieuses butineuses. À condition que n’éclate pas une révolte ouvrière, qui pourrait bien lui couper… la tête ! 

D’ailleurs, on a déjà retrouvé des cadavres de Sphinx piégés dans les ruches et recouverts de propolis. Les abeilles auraient-elles su monter des barricades ? Pas tout à fait : les papillons goulus, gavés jusqu’au trognon, la trombine barbouillée de cire et les antennes plumeuses toutes collantes, auraient tout simplement été incapables de reprendre leur envol après leur festin orgiaque… 

En revanche, pour ceux qui parviennent à redécoller, le voyage qui les attend décoiffe : en effet, ce grand voilier est connu pour parcourir des milliers de kilomètres en migration ! Parfaitement ! Alors qu’il vit et hiberne principalement en Afrique et sur le pourtour méditerranéen, son incroyable capacité de dispersion l’a déjà mené jusqu’en Islande, en Scandinavie et en Russie, mais aussi à plus de 3000 mètres d’altitude, dans les montagnes suisses. Qui sait, peut-être qu’un jour, ce vagabond troquera les bonbons au miel pour des douceurs au chocolat…?

Quoi qu’il en soit, pas question de donner des confiseries à ses chenilles : ces grosses mémères dodues, tantôt jaune citron, tantôt vert pomme, parfois brun cacao, se développent sur diverses plantes souvent toxiques, comme celles de la famille des Solanacées, appréciant particulièrement le feuillage de la pomme de terre. Une fois repues et arrivées au terme de leur croissance, elles s’enterrent dans le sol pour se nymphoser. C’est là que se produira la formidable métamorphose qui fera d’elles ce papillon spectaculaire aux mœurs fascinantes… 

Si l’étymologie de son nom fait froidement référence au royaume des morts – Achéron étant le fleuve des Enfers chez les Grecs, et Atropos l’une des trois Moires qui coupait le fil de la vie des mortels -, si la culture populaire l’a érigé en symbole de l’horreur – oui, c’est bien lui qui scelle la bouche de Jodie Foster sur l’affiche du Silence des agneaux -, voyons au contraire en ce seigneur des airs un superbe emblème du vivant, bien incapable de nous jeter des sorts, mais dont le sort nous concerne tous !

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Victime de nombreux préjugés, la Tégénaire domestique (Tegenaria domestica) est une « petite » bête au physique impressionnant, régulièrement visible à la maison ou dans nos postes d’observations. Découvrons ensemble les habitudes de vie et les services que la plus grande araignée de France métropolitaine peut nous rendre.

Un physique atypique

Très facile à identifier, la tégénaire déplaît à beaucoup de personnes. En effet, son corps poilu mesure un peu plus de 1 cm de longueur, mais son envergure peut atteindre 5 à 10 cm. La femelle est d’ailleurs un peu plus grande que le mâle, et a une durée de vie plus longue, pouvant atteindre 4 à 5 ans selon les individus. Ses 8 longues pattes velues lui permettent de se déplacer très rapidement (jusqu’à 1.9km/h) au sol ou sur les murs. Cette arachnide (classe des araignées, scorpions et acariens) est plutôt sombre, avec 2 bandes claires sur les côtés du céphalothorax (partie antérieur du corps). Son abdomen est brun avec des séries de taches claires au-dessus. Présente sur notre continent et en Afrique du Nord, elle fait partie des araignées que l’on retrouve le plus couramment dans nos habitations. 

Mode de chasse

Tapie dans l’ombre, la tégénaire tisse une toile particulière en forme de hamac ou de nappe, comportant une ouverture en entonnoir. Les soies de sa toile ne sont pas collantes, mais perçoivent  les vibrations de ses éventuelles proies (moustiques, mouches, papillons, blattes, etc). La belle sort alors de sa cachette pour mordre son repas en injectant des enzymes qui ramollissent les tissus : il ne reste alors plus qu’à siroter son délicieux mets. 

Un amour dangereux

Lors de la période de reproduction, les mâles arpentent vos maisons en quête d’amour. Il font preuve d’une extrême vigilance afin de ne pas être confondus avec une proie, auprès des 8 yeux de leur bien-aimée. Ce courageux musicien touchera alors la toile de façon régulière et contrôlée, puis attendra la réaction de la femelle. Si le charme opère, après environ 1 mois de gestation, Madame Tégénaire pondra 40 à 60 œufs blanc protégés par un cocon. Les petits restent avec leur mère jusqu’à leur troisième mue, avant de partir à la découverte du monde.

Inoffensive auxiliaire

Cette grande araignée domicole (qui vit dans les habitations) ne s’attaque jamais à l’homme, elle opte systématiquement pour la fuite en cas de menace humaine. Comme nous l’avons abordé, la tégénaire est plutôt une bonne alliée pour nos maisons. Elle nous protège par sa prédation des moustiques, mouches et moucherons. Véritable maillon essentiel à la chaîne alimentaire, laissons-la vivre, apprenons à la tolérer plutôt qu’à la détester ! 

Texte : Maxime Petit / Illustrations (Eratigena sp.) : Cécile Carbonnier

Cet article va s’intéresser à des petites bêtes peu ragoûtantes: les sangsues. Ces animaux, presque considérés comme des monstres gluants et suceurs de sang dans l’imaginaire collectif, sont-ils réellement si terrifiants ?

Présentation

Les Hirudinea, Achètes ou Sangsues sont une sous-classe de l’embranchement des annélides (vers). Chez toutes les sangsues, le corps est composé de 33 segments. Cet ensemble regroupe environ 650 espèces hermaphrodites et leur taille varie de 1 à 30 cm. Selon les espèces, elles peuvent nager ou se déplacer comme les chenilles arpenteuses. L’espérance de vie de ces dernières est en moyenne de 20 ans, et elles sont capables de survivre plus de 2 ans après un seul repas ! Arpentant leurs lieux de vie en quête de nourriture, ces petits carnivores se fixent sur leur proie grâce à leurs ventouses pourvues de mâchoires. Certaines se nourrissent alors de larves d’insectes, de vers, ou de petits invertébrés peuplant le milieu aquatique. Les plus redoutés de l’homme sont les hématophages, autrement dit celles qui se nourrissent de sang, car elles peuvent apprécier celui de l’être humain…

 

L’homme et les sangsues

Les scientifiques s’intéressent à ces animaux depuis plus de 2000 ans, notamment pour soigner les êtres humains. En effet, la salive de certaines sangsues contient de l’hirudine, une substance ayant des vertus anticoagulantes, cicatrisantes, anesthésiques et anti-inflammatoires. Elle permet, entre autres, de lutter contre les infections microbiennes et même de drainer le surplus de sang après une intervention de chirurgie plastique. Bien que redoutées par les baigneurs, les sangsues ne sont finalement pas détestées par tout le monde. Une compagnie en Angleterre s’est même spécialisée dans la commercialisation de ces animaux !

État des populations

La récolte excessive des sangsues dans le milieu naturel a conduit au déclin des populations : la Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis), la plus connue, est actuellement une espèce devenue rare en France et mériterait d’être protégée. Ces petits êtres visqueux nous sont mal connus ; ayant des comportements variés en fonction des espèces, ils ont très certainement bien des trésors de connaissances à nous révéler…

Texte : Maxime Petit / Illustration : Lucie Ligault / Vidéo : Cécile Carbonnier

La Biche ne désigne pas seulement un des plus grands cervidés d’Europe, c’est aussi le plus gros coléoptère de notre région ! C’est la femelle de Lucanus cervus, ou plus simplement le Lucane cerf-volant. La première de l’histoire du Parc a été observée le 25 juillet, tout proche du poste 1. 

Les Lucanes cerfs-volants adultes sont de couleur noire à bordeaux, avec des élytres brillants, et peuvent mesurer jusqu’à 9 cm. Le mâle est très facilement reconnaissable à ses mandibules très développées qui font penser à des bois de cerf, d’où son nom de “cerf-volant”. La femelle, quant à elle, possède des mandibules plus petites mais plus puissantes : ce n’est donc pas la taille qui compte chez les Lucanes. 

Les mandibules des mâles leur servent à lutter contre les autres mâles pour l’accès aux femelles, et à maintenir leur partenaire lors de l’accouplement. Les combats entre mâles vont rarement jusqu’à la mort, et le “gagnant” se contente de repousser le prétendant. Les mandibules puissantes des femelles leur permettent de creuser dans du bois mort ou des souches pour y pondre. 

La vie adulte des Lucanes cerfs-volants est courte, de l’ordre de quelques mois entre mai et août, mais leur vie sous forme de larves saproxylophages (qui se nourrissent de bois en décomposition) peut durer plusieurs années. Ce sont des gros vers blancs qui mesurent jusqu’à 8 cm et qui peuvent être confondus avec des larves de Hanneton commun (Melolontha melolontha) ou de Cétoine dorée (Cetonia aurata). 

Même si les Lucanes préfèrent en général les forêts de feuillus, notamment de chênes, ils peuvent vivre dans des jardins et des parcs urbains tant que des souches ou des arbres morts sont présents pour nourrir les larves. La gestion forestière et la disparition de ces arbres en décomposition entraînent une régression de l’espèce au niveau européen. 

Les lucanes ont un avantage de taille – littéralement – par rapport à d’autres espèces d’insectes : leur corps imposant les rend très visibles, donc les données concernant leur répartition sont relativement faciles à collecter. Présent dans toutes les régions de France, ce coléoptère est considéré comme quasi menacé en Europe, sur la liste rouge UICN, où il bénéficie d’une protection légale (Directive Habitats-Faune-Flore), d’où l’importance de la découverte de cet individu sur le Parc. 

Texte : Ombeline Duval / Illustrations : Ombeline Duval, Maxim Laurin

Un article sur les fourmis ! Magie-fique ? Fourmidable ?

Du haut du sol terrestre jusqu’à la cime des arbres, sans cesse en mouvement selon les saisons ou sédentaires, vivant la nuit, dormant le jour, vivant le jour, dormant la nuit et à tous les régimes : omnivores, carnivores ou végétariennes. Nouant des relations intimes avec les autres organismes tels que les petites bêtes, les champignons magiques, les arbres, les fleurs… Entre celles-ci, se croisant, se chamaillant, s’accaparant la nourriture pour leur vie ou encore se frôlant dans la mauvaise habitude de l’indifférence. Imaginez un milieu, plusieurs habitats, diverses collaborations ou stratégies pour se défendre. Imaginez et plongez dans le télescope pour rejoindre le monde des Minimoys. Une douce mélodie de piano nous accompagnera dans ce voyage doré vers le royaume des fourmis

Trois tours à droite pour le corps…

Trois tours à gauche pour l’esprit…

Maintenant un tour complet pour l’âme…

Nous y voilà ! Elles y sont si petites et si nombreuses…

Bonjour à toutes et à tous. Merci de nous accueillir chez vous. Nous aimerions en savoir plus sur vous. Tout d’abord, expliquez-nous : comment faites-vous pour communiquer ?

Dans un silence perceptible, les signaux se traduisant par des odeurs chez les fourmis s’exécutent en compagnie de quelques mandibules joueuses. Les phéromones, l’équivalent de nos hormones à nous, bouillonnent et induisent quelques réactions physiologiques et comportementales. La colonie s’échauffe afin d’organiser leurs actions et leurs propos. Les différents signaux s’échangent de manière coordonnée, en respectant notre silence et notre incompréhension afin de traiter l’ensemble des données.

Et sans un bruit environnant… écoutant davantage, nous remarquons quelque chose dans leur envie fourmillante d’essayer de nous faire comprendre leur langage.

Un bruit déborde du calme et vient nous chatouiller les oreilles. Certaines fourmis seraient donc capables d’émettre aussi des sons que l’on appelle stridulations. En tout cas, c’est un joli mot qui définit leur autre moyen de communiquer lorsque, par exemple, elles ont besoin d’attirer un ou une camarade pour s’aider lorsqu’une proie est trop lourde pour un individu isolé.

Les fourmis communiquent aussi avec le son

Essayant de faire de notre mieux aussi pour comprendre peut-être ce nouveau tube de l’été, nous décidons de rentrer et de reprendre le télescope avant que la lune ne disparaisse derrière les nuages.

Nous voilà rentrés, revenus à échelle humaine… Mais que l’on soit clair : pas besoin d’être une fourmi pour comprendre que grâce à leur moyen de communiquer et donc de vivre, elles comprennent ce que l’on tente encore d’essayer de comprendre.

Texte et illustrations : Juan Pablo Dupanloup

Le Parc du Marquenterre abrite une multitude d’habitats créés artificiellement, parmi eux, des plans d’eau plus ou moins profonds. L’eau, origine de la vie, attire énormément d’espèces animales et végétales. Certaines sont très visibles comme les oiseaux, poissons et amphibiens, d’autres en revanche le sont beaucoup moins.

À l’intérieur de cet univers miniature, on retrouve les grands mécanismes autour desquels s’organisent tous les écosystèmes : la prédation, la compétition, etc. Penchons-nous (pas trop, ça glisse) sur les petites bêtes les moins connues…

Les larves de libellules 

Avant d’être ce magnifique insecte volant que nous connaissons tous, la libellule a un stade de vie larvaire qui se déroule sous l’eau pendant 1 à 3 ans. Prédatrice ayant inspiré le film de science-fiction Alien, cette dernière est même capable d’attraper un alevin de poisson grâce à son masque de capture !

La notonecte

Cette petite punaise d’eau nage à l’envers, afin de poursuivre et capturer des larves, vers, petits têtards et, à l’occasion, de jeunes poissons. C’est un des insectes dulcicoles (vivant dans les eaux douces) les plus communs d’Europe.

Le dytique bordé et sa larve

C’est l’un des plus grands « scarabées d’eau » européens, capable de sortir de l’eau et marcher sur le sol et même de voler. Ce Coléoptère vorace a la particularité d’avoir une durée de vie assez longue, pouvant atteindre 4 ans.

La planorbe des étangs

Ce petit escargot aquatique à la coquille aplatie, enroulé en spirale sur 4 à 5 tours, est une espèce végétarienne et détritivore. On retrouve ce joli mollusque dans les eaux calmes. Apnéiste hors pair, la planorbe utilise l’hémoglobine qui capte mieux l’oxygène : elle peut donc séjourner plus longtemps au fond et remonte moins souvent respirer que les autres escargots d’eau douce comme les limnées.

Le gerris

Appelée à tort araignée d’eau, cette petite punaise piqueur-suceur sprinte à la surface en quête de proie. La plupart de ces insectes vivent à la surface des eaux dormantes, mais certaines espèces sont même adaptées à la vie dans des courants rapides.

L’hydrophile brun 

Sa larve plus grande que l’adulte (4 à 6 cm) ressemble à un ver annelé avec une paire de mandibules en forme de pinces bien marquées. L’adulte, quant à lui, est un coléoptère qui mesure 3 à 5 cm, ce qui en fait le plus grand coléoptère aquatique d’Europe !

Bien sûr, on retrouve d’autres espèces animales aussi variées et mystérieuses les unes que les autres comme les sangsues, la nèpe, la ranatre ou les larves de phryganes.

Protège ta mare ! 

Les mares disparaissent : cette triste constatation, chacun de nous peut la faire en parcourant la campagne, les villages et les banlieues. Certaines sont comblées, d’autres polluées alors à nous d’en re-creuser !

Texte : Maxime Petit / Illustrations : Alexander Hiley, Cécile Carbonnier, Lucie Ligault, Eugénie Liberelle

Groupe de libellules bien particulier, le genre Sympétrum rassemble en son sein de nombreuses espèces qu’il est particulièrement difficile à différencier. Eh oui, s’il est assez simple de distinguer une Libellule déprimée en vol (du genre Libellula, avec son gros abdomen bleu pastel) d’une Libellule à quatre taches (du même genre, plutôt brune), les Sympétrums sont de petites princesses qui aiment être admirées sous tous les angles pour pouvoir les comprendre, les déterminer. Ainsi, l’identification la plus simple se fait en observant le thorax – plus précisément les sutures pleurales -, mais pour reconnaître certaines espèces, il faut parfois regarder attentivement la couleur des pattes, ou encore la taille de la moustache, à la base des yeux. 

S’il existe des Sympétrums très faciles à identifier, comme le Sympétrum noir (Sympetrum danae) qui porte bien son nom, ou le Sympétrum jaune d’or (Sympetrum flaveolum), dont la base des ailes est nappée de jaune-orangé, d’autres entrent dans des catégories plus sportives en termes de détermination. Le Sympétrum sanguin (Sympetrum sanguineum) et le Sympétrum à nervures rouges (Sympetrum fonscolombii) se différencient principalement à la couleur des pattes : noires pour le sanguin, nervurées de jaune, pour celui à nervures rouges ; il y a de quoi s’y perdre, il faut l’admettre ! Cette détermination particulièrement précise, au relent de migraine, nous sert notamment à faire la différence entre le Sympétrum strié (Sympetrum striolatum), très commun, et le Sympétrum méridional (Sympetrum meridionale).

Et c’est là que toutes ces personnes un peu folles sur les bords de chemins, à observer les roseaux, un filet à insectes dans une main et un livre de détermination dans l’autre (que vous pourrez d’ailleurs croiser sur les allées du Parc) prennent toute leur importance : pour nous, situés dans le nord de la France, le Sympétrum méridional n’est pas des plus communs. Fort de son nom, c’est surtout dans le sud de la France qu’on le retrouve, mais il s’étend d’année en année un peu plus vers le nord.

Ce comportement de remontée est caractéristique de cette espèce – mais aussi de beaucoup d’autres libellules – car ces petites bêtes se remettent d’un évènement bien particulier, arrivé il y a géologiquement très peu de temps : la dernière période glaciaire. Avec cette période de froid intense s’est produit une migration des Odonates (regroupant libellules et demoiselles) vers le sud, mais aussi la disparition présumée de certaines espèces, expliquant leur différence de répartition sur la planète : on les retrouve en plus grand nombre dans les pays tropicaux, et les continents ayant moins subi la glaciation, comme les Amériques. À titre d’exemple, si la France abrite 108 espèces d’Odonates, le Bélize (petit pays d’Amérique du Sud, plus petit que le Poitou-Charentes) en abrite à lui seul 230 !

Prenons donc le temps d’admirer comme elle le souhaite, cette petite libellule aux couleurs du crépuscule, car derrière ses sutures pleurales, sa moustache et ses pattes se cache l’un des plus grands prédateurs d’insectes, à l’histoire préhistorique complexe, colonisant les territoires perdus par le froid, tout ça, sur notre petit bout de polder, en baie de Somme.

Texte : Antoine Bance / Illustrations : Alexander Hiley

Pour ce début d’été, nous vous proposons un quizz qui vous plongera dans le monde fascinant des petites bêtes jaunes et noires qui volent, volent… 

Mais justement, combien d’ailes ont-elles, ces jolies créatures : 2 ou 4 ? Si vous ne voyez qu’une seule paire, il s’agit d’un Diptère (du grec di = deux, et pteron = ailes), ce grand ordre d’insectes qui comprend mouches, syrphes, taons, tipules et autres moustiques. Si vous pensez qu’elle est doublement équipée, c’est un Hyménoptère (du grec hymen = membrane, et pteron = ailes), comme les abeilles, guêpes, frelons ou fourmis. 

Alors, mouche ou abeille ? À vous de jouer ! 

L’Éristale brouillée (Eristalis intricaria)

Eh non ! Malgré ses jolies rondeurs, son épaisse fourrure noire et rousse et son popotin tout blanc, il ne s’agit pas d’un bourdon, mais bien d’une mouche ! L’Éristale brouillée appartient à la grande famille des Syrphidés. On la rencontre d’avril à septembre aux abords d’eaux croupissantes chargées de matière organique en décomposition et d’excréments en tous genres… dont raffolent ses larves, dites saprophages. Les adultes sont d’humeur plus bucolique, et volètent de chaton de saule en fleur de chardon pour y butiner le nectar sucré. Bon appétit !

Le « Général à longues cornes » (Stratiomys longicornis)

Oh la jolie petite Andrène ! Raté, il s’agit encore d’une mouche, surnommée en anglais le “Général à longues cornes”. Ce diptère trapu, à la toison dense, brun roux, appartient à la famille des Stratiomyidae, ou “mouches soldats”. Au repos, elle a la particularité de superposer ses ailes au-dessus de son abdomen large et aplati. Ses larves grandissent en eau saumâtre.

La Mouche pourceau (Eristalis tenax)

Point d’abeille ici, mais encore un Diptère : l’Éristale gluante, ou Mouche pourceau ! Présente sur tous les continents (sauf l’Antarctique), cette grosse mouche très commune est visible quasiment toute l’année. Migratrice, elle est aussi capable d’hiberner, bien à l’abri dans les caves ou les grottes.  Si les adultes butinent les fleurs, appréciant particulièrement les ombellifères et le lierre, leurs larves ont un mode de vie beaucoup moins… alléchant : elles se nourrissent de matière organique en décomposition dans des eaux eutrophes et pauvres en oxygène, tels que fosses à purin, égouts et autres mares polluées. Avec leur corps tout mou et leur siphon respiratoire extensible pouvant atteindre 10 cm, pas étonnant qu’on leur ait donné le surnom peu flatteur de “ver à queue de rat”… Mais ne soyons pas ingrats, et sachons remercier ces petites bêtes qui participent généreusement à l’épuration des eaux ! 

La Volucelle zonée (Volucella zonaria) 

Oh mon Dieu, sauve qui peut, un frelon ! Pas de panique. Premièrement, les frelons sont inoffensifs, dès lors qu’on les laisse vivre leur vie sans les déranger. Et deuxièmement, point de bêbête qui pique ici, puisqu’il s’agit, une fois encore, d’une mouche paisible : la Volucelle zonée. Toutefois, le mimétisme est troublant, puisqu’il s’applique jusque dans le mode de vie. En effet, ce Syrphe confie sa progéniture à diverses espèces d’hyménoptères, dans le nid desquelles il pond ses œufs. Les larves se nourrissent des restes de nourriture qu’elles y trouvent, tandis que les adultes glanent le pollen des fleurs. 

Le Syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus)

Si vous avez bien suivi, vous savez désormais que les Syrphes sont… des mouches ! Celui-ci est l’un des plus répandus en Picardie – et plus généralement en Europe -, où on le croise de février à novembre, voire en plein hiver s’il ne fait pas trop frisquet. Particulièrement ubiquiste, le Syrphe ceinturé fréquente pratiquement tous les milieux terrestres, y compris les grandes villes. Les adultes nectarivores et pollinivores visitent les fleurs, ponctuant leur parcours de haltes en vol stationnaire remarquable ; ils sont capables d’effectuer de formidables migrations. Leurs larves sont de féroces prédatrices de pucerons, parfois d’autres petites proies. Pollinisation des plantes et régime aphidiphage : en voilà un précieux allié du jardinier ! À noter que si les températures sont basses lors de la période de pupation – transformation des asticots en nymphes -, les bandes noires des adultes ont tendance à s’étendre davantage. Pratique, puisque les couleurs sombres absorbent mieux les rayons du soleil, donc la chaleur !

La Volucelle bourdon (Volucella bombylans

Cette fois, pas de doute possible, il s’agit d’un bourdon ! Eh bien non, toujours pas. Même si elle en a l’allure, même si ses larves parasites se développent dans les nids des Hyménoptères, et même si elle en porte le nom, la Volucelle bourdon n’en est pas un ! On la rencontre de mai à septembre dans les prairies, les lisières de bois et les bords de chemin. Il existe trois variations de couleurs : une imitant le Bourdon des pierres (Bombus lapidarius), avec son corps noir à l’extrémité orangée (celle présentée ici) ; une ressemblant au Bourdon terrestre (Bombus terrestris), dont l’abdomen jaune et noir se termine par une touffe de poils blancs ; une, plus rare, jaune, noire, et à l’apex rougeâtre. Encore un exemple de mimétisme batésien, cette formidable stratégie d’adaptation : en singeant les motifs et les couleurs d’un Hyménoptère, les Syrphes ont développé un moyen efficace de tromper de potentiels agresseurs, qui pensent avoir affaire à des bestioles un peu trop “piquantes” à leur goût… alors qu’elles sont la douceur incarnée ! 

Dasysyrphus albostriatus 

Vous l’aurez compris : toujours pas d’abeille en photo de couverture, mais encore et toujours une mouche, le Dasysyrphus albostriatus. On vous aura bien eus ! Une occasion pour nous de mettre un gros coup de projecteur sur ces Diptères que l’on ne regarde que trop peu, et qui, pourtant, sont de véritables merveilles. Alors sachons rendre hommage à tous ces Syrphes qui volètent de fleur en fleur, et participent ainsi gratuitement au service de pollinisation, de manière aussi efficace que les stars des ruches ! 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier