Un Frelon européen ?!? Sauve qui peut ! Mais non, pas de panique, on vous explique. La ressemblance est quasiment parfaite, c’est vrai. C’en est à s’y méprendre ! Et pourtant, nous avons affaire à un lépidoptère, tout ce qu’il y a de plus inoffensif. Un papillon de nuit avec la particularité de voler… le jour ! Aujourd’hui, la Sésie apiforme est mise à l’honneur. Connue aussi sous le nom de Sésie du peuplier suite au régime alimentaire de ses chenilles, ou Sésie frelon : appellation on ne peut plus parlante. Sesia apiformis pour les latinistes.

Sa livrée jaune et noire, qu’on retrouve très souvent chez les hyménoptères piqueurs (frelons, guêpes etc.) est qualifiée d’aposématique : pour les prédateurs potentiels, cela signifie danger. Bien que nous ne soyons pas un de ses prédateurs, il semblerait que le subterfuge fonctionne aussi bien chez les humains. En plus de son mimétisme remarquable, la Sésie apiforme vole… comme un frelon ! Une tromperie de plus dans ce monde microscopique. Notons que bon nombre d’insectes inoffensifs ont aussi opté pour cette tactique, mais ils ont délaissé le jaune pour du rouge. En rouge et noir, même principe : l’insecte se signale comme plus ou moins toxique et d’une âcreté des plus désagréables. Ce que nous ne remettrons pas en question.

Permettez-nous une petite parenthèse intime : la position « tête-bêche », connaissez-vous ? Adepte en la matière, comme chez de nombreux papillons d’ailleurs, c’est ainsi que se positionnent les Sésies apiformes pour s’accoupler. Généralement, l’accouplement a lieu à l’endroit même où la femelle à fini de se développer et de se sécher les ailes après émergence (tronc nourricier ou végétaux à proximité). Elle cherchera à attirer l’attention de prétendants à coup d’émissions de phéromones dans l’air. Généralement, l’appel est très vite reçu mais faute de mâles disponibles, elle peut jouer les prolongations quelques heures voire quelques jours avec des mi-temps la nuit. Mais la vie d’un papillon étant de courte durée et la descendance devant être assurée, la femelle finira tout de même par s’impatienter et s’envolera vers un emplacement plus approprié (meilleur ensoleillement, meilleure « visibilité » olfactive, etc.). L’accouplement, quant à lui, peut avoisiner les deux heures.

Concernant la chenille, pas de quoi s’affoler. Blanche et bien dodue, elle est xylophage : elle s’attaque principalement au peuplier noir. Elle creuse de longues galeries, à la base de l’arbre, au niveau du collet. Elle hivernera dans sa galerie à partir du mois d’octobre et ce n’est qu’au printemps suivant qu’elle s’alimentera à nouveau. Le développement complet de la chenille dure 2 à 3 ans. C’est aux jeunes arbres qu’elle peut causer le plus de tort. Les essences les plus âgées sont plus résistantes, mais les attaques multiples peuvent laisser des séquelles favorisant la venue de parasites.

Dans les photos s’est glissé un intrus. La Petite sésie du peuplier : Paranthrene tabaniformis. Vous l’aurez remarqué, tout comme sa cousine, c’est un papillon mimétique des hyménoptères vespidés : les guêpes sociales (polistes et frelons) et les guêpes solitaires ou guêpes maçonnes.

Pour qui sait bien observer, la différence entre un frelon et la Sésie apiforme se fera sans grande difficulté. Que vous rencontriez la Petite Sésie ou la Sésie apiforme, posée sur un tronc, n’hésitez pas à la regarder avec attention. L’une comme l’autre ont la particularité d’avoir les ailes transparentes et sont toutes deux une merveille de la nature ! Et si par mégarde il s’agissait d’un Frelon européen en train de prendre le soleil, tranquillement vous vous en éloignez. Il n’est pas très agressif pour peu qu’on le laisse tranquille. 

Texte : Eugénie Liberelle / Illustrations : Léa Coftier

Lors du baguage des cigogneaux fin juin, nous avons croisé la route d’un joli insecte. La Lepture tachetée (Rutpela maculata) ou Stangulie tachetée est un petit coléoptère longicorne (14 à 20 mm) de la famille des Capricornes. Elle est assez commune en lisière des forêts, parfois dans les jardins très boisés dans notre région. Elle est observée surtout en été dans sa courte vie d’adulte de 2 à 4 semaines. 

On la reconnaît facilement à la couleur jaune paille de ses élytres ornées de 4 taches ou lignes transversales noires. Les antennes sont également bicolores, noires et jaunes, tout comme les pattes. Du plus bel effet ! Ces dessins, semblables à ceux de la guêpe germanique, sont peut-être un moyen de se protéger des prédateurs : quand on est pacifique, c’est pratique d’avoir la couleur (et la taille effilée !) de la guêpe qui, elle, sait bien se défendre ! Ce mimétisme est dit batésien. La théorie de Henry Walter Bates, naturaliste anglais du 19ème siècle passionné de coléoptères, est basée sur le fait que le prédateur a tendance à éviter l’animal dangereux après des expériences négatives auprès d’une proie particulièrement agressive ou toxique.

Les adultes sont floricoles (pollen et nectar), se nourrissant de manière active sur les ombellifères (carotte sauvage, berce…) mais aussi sur les ronces (qui ne manquent vraiment pas sur ce site de baguage !) ; les larves, elles, sont xylophages, se développant dans le bois mort pendant deux ans. Elles ne font aucun dégât sur les arbres mais participent activement à la décomposition de la matière organique, amenant l’enrichissement des sols forestiers. L’espèce avait déjà été observée sur le Parc mais ne fut pas trouvée l’année dernière, ni dans l’inventaire de 2019 sur les longicornes réalisé par Romane Sauleau, guide naturaliste. Relâché après identification, notre « maillot jaune » ne fut pas bagué !…

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Lucie Ligault

Laissez-vous conter l’histoire d’un insecte. Vous savez, ce genre d’insecte qui, à son stade larvaire, est moyennement apprécié par le grand public de par son physique et son mode de vie, mais qui subira, au cours de son existence, une transformation épatante réalisée par Dame Nature elle-même.

Le Gâte-bois ou Cossus gâte-bois (Cossus cossus) est un papillon nocturne. La chenille est facilement reconnaissable : un corps bien dodu, glabre (sans poil), avec une tête noire et un dos très “lie de vin”, soit violacé foncé, alors que son ventre est plutôt clair. Ne vous avisez pas de l’embêter, elle a du répondant ! Elle n’hésitera pas à vous “cracher” dessus : un jet à base d’acide pyroligneux (pyre = chaleur, feu / lignum = bois), un produit issu de la pyrolyse du bois. Bien que nous ne risquions pas grand-chose, mieux vaut être délicat avec elle – et les êtres vivants de manière générale. Un physique pas très avantageux et des manières peu convenables diront certain.es. Il paraîtrait même qu’elle dégage une odeur de vinaigre !

Et mademoiselle est gourmande, très gourmande : quand Cossus passe, les arbres trépassent. Xylophage, avec ses deux puissantes mandibules, elle s’attaque vigoureusement au bois bien vivant, notamment les saules et les peupliers, ses arbres de prédilections. Elle sait aussi apprécier les frênes, les aulnes, les bouleaux, les ormes et les arbres fruitiers qui sont les plus sensibles à cette espèce. Cette chenille, rarement isolée et avec une taille de 8 à 10 cm lorsqu’elle arrive à terme, va causer des blessures à son arbre hôte ; ces blessures sont une porte ouverte à de multiples parasites : champignons, maladies etc. Une chance de survie quasi nulle pour le malheureux… Elle restera ainsi 2 ans auprès de son arbre.

Mais voici venu le moment de sa métamorphose : cette grosse chenille bien visible sur les chemins et peu discrète deviendra un papillon au camouflage irréprochable : voilà que sa couleur et son graphisme le feront ressembler à un morceau d’écorce. Et contrairement à son insatiable chenille, il ne s’alimentera pas durant sa vie d’adulte : ce qui est d’ailleurs le cas chez beaucoup de papillons de nuit.

L’observer en imago n’est pas chose courante mais toujours une belle rencontre. Gardez l’œil ouvert, il s’observe de fin mai à début août !

Texte et illustrations : Eugénie Liberelle 

Brève entomologique 

Nous avons eu le plaisir d’apercevoir une jolie “bête à bon Dieu” plutôt discrète, la Coccinelle à 13 points (Hippodamia tredecimpunctata). Rare dans la région, ce petit coléoptère est d’ailleurs classé sur la liste rouge de la faune menacée de Picardie. Le principal péril qui pèse sur ses élytres ? La dégradation de son habitat de prédilection, à savoir les zones humides

En effet, la Coccinelle à 13 points est inféodée aux plantes herbacées hygrophiles poussant dans les prairies inondables, les marais ou les bords de rivière. C’est là qu’elle évolue, se cachant entre les tiges des joncs, des carex ou des roseaux, en quête de quelque puceron savoureux… Larves et adultes ont le même régime alimentaire aphidiphage

Cette grande coccinelle (6-7 mm) se reconnaît aisément à la forme allongée de son abdomen, nettement moins globuleux que celui de sa cousine à 7 points. Le pronotum blanc est orné d’une large tache centrale et de deux ponctuations latérales sombres. On dénombre habituellement 13 points noirs de taille variable sur ses élytres rouge orangé, ce qui lui a valu son petit nom… même si, chez certains individus, ces motifs peuvent fusionner, pour donner un compte bien inférieur. Mais n’y voyez aucun esprit de contradiction !

Texte et illustration : Cécile Carbonnier

À ras de terre comme dans les airs, la saison des amours bat son plein au Parc du Marquenterre ! Les mâles n’ont qu’un seul objectif : conquérir le “cœur” d’une partenaire, afin de transmettre leurs gènes. Chacun redouble donc d’efforts pour se faire remarquer dans cette foule de prétendants. Place au spectacle des parades nuptiales

Chez les insectes, les stratégies sont diverses : tandis que grillons et criquets chantent la sérénade pour attirer leur belle, à grands renforts de stridulations, d’autres préfèrent exécuter des danses aériennes pleines de grâce, comme les calopteryx, ces splendides demoiselles aux ailes bleutées. Certains coléoptères ont quant à eux une méthode qui a amplement fait ses preuves : ils offrent des cadeaux nuptiaux

C’est le cas de la Malachie à deux points (Malachius bipustulatus), un charmant petit insecte vert métallique (6-7 mm), reconnaissable à ses deux taches de couleur rouille situées à l’extrémité de ses élytres trop courts pour recouvrir entièrement l’abdomen. Cette espèce, commune en Europe de mai à août, raffole du pollen des ombellifères et des graminées, qu’elle glane dans les prairies fleuries, les haies ou les bords de chemins. 

Pour courtiser sa partenaire, le mâle diffuse des phéromones envoûtantes grâce à ses antennes pointées gaillardement en avant. Impossible de résister ! Dès qu’elle perçoit cette douce fragrance, la femelle s’envole vers son bien-aimé puis, comme hypnotisée par l’offrande nuptiale, se met à ingurgiter goulûment les sécrétions émises par son compagnon. Témoignage de ce baiser-festin : sa face toute barbouillée de jaune ! Une fois le repas consommé, l’accouplement peut avoir lieu. La jolie gourmande pondra ensuite une trentaine d’œufs dans des crevasses d’écorces ; quelques jours plus tard, des petites larves prédatrices verront le jour, garantes du patrimoine génétique de leur galant papa !  

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

Malgré le beau temps, les libellules ne sont pas encore légion. Est-ce le fait des vents du nord, et de certaines nuits et matinées fraîches ? La première à ouvrir le bal est le Leste brun . Il faut dire qu’il a toujours de l’avance vis-à-vis des autres fées du marais, puisqu’il est le seul en Europe à passer l’hiver à l’état adulte ! Chez les Anisoptères, c’est généralement l’Aeschne printanière (Brachytron pratense) qui tient le podium de la précocité. C’est la plus petite des Aeschnes (moins de 6 cm !). Elle est plutôt commune chez nous sur les plans d’eau riches en végétation rivulaire et flottante. Elle est surtout bien visible de mi-avril à fin juin. Néanmoins, elle est moins commune dans le sud, voire quasi absente dans le sud-ouest de la France.

Les œufs sont vite pondus dans les tiges de plantes aquatiques ou dans les débris végétaux qui flottent près des rives. La phase larvaire dure deux à trois ans. Les mâles sont patrouilleurs, mais sans vraiment défendre de territoire comme les Anax. C’est pour cela que l’on peut parfois les observer dans les jardins assez loin de l’eau. 

Cette femelle fut prise dans nos filets de baguage à passereaux, nous obligeant à couper quelques mailles pour la libérer avec plaisir, sans rancune… et sans bague ! On reconnaît le mâle à ses taches bleues sur le dessus de l’abdomen, tandis qu’elles sont noires et jaunes chez la femelle. Une autre particularité de cette espèce est que le thorax vert barré de deux lignes noires épaisses est velu, d’où aussi son nom moins “fleur bleue” d’Aeschne velue !

Brachytron vient du grec signifiant “abdomen court” et pratense signifie “pré, prairie”.

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Philippe Carruette, Cécile Carbonnier

Quelque part, aux abords du Parc, un curieux papillon a fait son apparition : le Petit paon de nuit (Saturnia pavonia). Comme son nom le laisse supposer, le Petit paon de nuit a bien un grand “frère”, mais pour les quelques lignes qui vont suivre, nous en resterons à la petite espèce.

Si vous avez la chance de le croiser, ne vous laissez pas hypnotiser par ces grands “yeux” qu’on peut observer sur ses ailes ; ces tâches circulaires, appelées ocelles, sont des leurres censés surprendre un ennemi, le tenir à distance :  au vu de la taille de ces faux yeux, qu’en serait-il de celle du corps ? Trompeuses apparences… ennemi, garde tes distances !

Si ce lépidoptère est inscrit au menu d’autres espèces, lui, au contraire, s’abstiendra de tout repas ! Ce qui lui donne une durée de vie très limitée : une semaine pour la femelle, le temps pour elle de pondre plus d’une centaine d’œufs, et quelques jours pour le mâle, une durée suffisante pour remplir ses “obligations”.

Contrairement au Grand paon, où femelle et mâle sont nocturnes, le mâle du Petit paon est actif de jour. Zigzaguant rapidement dans les airs d’un vol effréné, on pourrait même le croire hyperactif. Pourquoi voler si vite, Petit paon ? Rappelons-le, sa vie est courte : son but est de trouver une femelle. Pour cela, il lui faut trouver une piste odorante, lui permettant de remonter jusqu’à la “demoiselle”.

Mais seulement voilà, les phéromones émises par la femelle, et qui sont captées par les antennes des mâles, peuvent attirer non pas un mais plusieurs prétendants. Le plus rapide ou le plus “entreprenant” d’entre eux trouvera la belle, immobile, tout proche de son lieu de naissance. Une fois fécondée, elle attendra la nuit pour prendre son essor.

Si “madame” est nettement plus grande en taille (jusqu’à 80 mm d’envergure), “monsieur” est sans aucun doute plus coloré, plus ochracé. Quant au nom de Paon, nul besoin de chercher bien loin : les ocelles de ce papillon rappellent les magnifiques dessins ornant les plumes de la queue du paon. 

Texte et illustrations : Eugénie Liberelle

D’étranges phénomènes nous ont été signalés par des visiteurs inquiets : sur les tables de pique-nique extérieures, d’infimes amas de grains de sable se mettent à bouger, rouler, ramper spontanément, sans qu’aucune cause physique ou météorologique ne l’explique. Les dunes du Marquenterre seraient-elles hantées ? Allons-nous devoir affronter une invasion extraterrestre ? Quel complot se trame dans notre dos ? Pour preuve, cette vidéo stupéfiante (à afficher en plein écran pour plus de sensations) : 

Mais n’en déplaise aux adeptes du paranormal, cette manifestation spectaculaire – pour qui aime regarder les petites choses à la loupe – est tout simplement l’œuvre d’un minuscule animal inoffensif : le Porte-bois terrestre (Enoicyla pusilla), un insecte appartenant à l’ordre des Trichoptères

Les adultes ressemblent à des mites, à ce détail près que leurs deux paires d’ailes membraneuses sont recouvertes de poils (trikhos = poil, pteron = aile), et non d’écailles comme chez leurs cousins papillons. Au repos, ils les tiennent repliées au-dessus de leur corps, comme un toit protecteur.  Les larves en revanche sont bien vulnérables : leur abdomen, tout mou et boudiné, ferait saliver n’importe quel prédateur gourmet ! Elles ont donc trouvé une astuce pour pallier cette situation précaire : elles s’abritent dans un fourreau de grains de sable qu’elles agglutinent autour d’elles grâce à de la soie ! Elles ne quitteront pas cette armure jusqu’à leur métamorphose. 

Spécificité de ce porte-bois : c’est l’un des seuls Trichoptères dont la phase larvaire est terrestre ! Les autres “traîne-bûches”, comme les appellent les pêcheurs, sont parfaitement adaptés à la vie aquatique. Pourvus de branchies, ils appartiennent au petit peuple de la mare et préfèrent se construire un fourreau de débris végétaux (tiges de joncs, graines diverses, feuilles mortes…), agrémenté de graviers ou de fragments de coquilles. Fascinant, n’est-ce pas ? 

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier