En ce début du mois d’août, de nombreux papillons Vulcains (Vanessa atalanta) se délectent du nectar des Eupatoires en fleurs. Ces grands papillons sont faciles à reconnaître avec leurs deux couleurs rouge et noire très tranchées.

Leurs longues ailes trahissent un comportement migrateur. En fin d’été, en effet, les deuxième ou troisième générations nées en Angleterre filent plein Sud, traversant la Manche pour aller hiverner le long de la côte atlantique et probablement jusqu’en Espagne. Par vent porteur, le Vulcain peut atteindre 40 km par heure, pas mal pour un “simple” papillon ! Ces migrations n’ont lieu que lorsque les températures excèdent au moins 11 degrés.

Conséquence de la douceur hivernale, le Vulcain hiverne désormais sur notre littoral à l’état adulte – généralement dans un bâtiment, un garage ou un gros tas de bois – ce qui n’était a priori pas le cas il y a encore une vingtaine d’années, où on le trouvait plus au Sud. Ces individus, plus foncés que ceux qui hivernent à l’état de chrysalide, ressortiront en mars.

Tous pondront au printemps sur des plantes encore communes comme les orties, la pariétaire officinale ou le houblon sauvage, ce qui fait que cette espèce est encore relativement abondante dans notre région.

Texte et illustrations : Philippe Carruette

L’Amaryllis (Pyronia tithonus) est un petit papillon diurne aux ailes orange et marron. Les mâles, de plus petite taille, se reconnaissent facilement à la bande transversale sombre sur la partie orangée de l’aile. Il est régulièrement observé sur le Parc, mais plutôt tardivement, à partir de juin jusqu’en septembre. 

Posé, il garde toujours les ailes bien ouvertes, mettant en évidence les deux ocelles noirs dans lesquels on distingue deux points blancs. Leur aspect d’yeux peut ainsi décontenancer un prédateur l’espace d’un instant : ce bref moment est suffisant pour que le papillon prenne rapidement son envol. 

L’Amaryllis est peu exigeant et pond sur les graminées des prairies (fétuque, pâturin, dactyle…). L’adulte cherche sa nourriture sur la plupart des plantes à fleurs. Ce papillon hiverne à l’état de chenille.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Alexander Hiley

Par ces temps légèrement humides, on peut observer de toutes petites bêtes, vraiment toutes petites : ce sont les collemboles. Mais qui sont-ils ?

Ne dépassant pas le centimètre, les collemboles sont des petits arthropodes sauteurs. Il en existe 4 grands ordres : les Symphypléones, tous ronds, les Poduromorphes, semblables à des petits boudins, les Entomobryomorphes, qui sont longs, et les Neelipléones, qui ne mesurent que quelques millimètres. 

Ils peuvent être bleus, roses, violets, verts… de vrais arcs-en-ciel ! Totalement inoffensifs, ils se nourrissent de feuilles, de bois mort et de microchampignons.

Les collemboles sont présents presque partout, du grand Nord aux limites du Pôle Sud, et même au sommet des montagnes. Ils sont assez peu étudiés, une centaine de scientifiques dans le monde et une poignée d’amateurs s’y intéressent. 

Pourtant ce petit arthropode est important pour la vie du sol, et en plus il est très sympathique à regarder. C’est tout un petit monde fascinant, rempli de couleurs et de choses surprenantes, comme les parades nuptiales. Eh oui, même les plus petites bêtes doivent danser pour séduire !

D’ailleurs, comment les observer ? Il vous suffit de trouver un petit bout de bois mort, ou de bien regarder sur les postes d’observations après les jours de pluie, et vous en verrez. Pour apprécier les détails, munissez-vous d’une loupe ou de jumelles que vous mettrez à l’envers pour les utiliser comme loupe.

Alors ouvrez l’œil, vous en croiserez peut-être ! 

Texte et illustrations : Soizic Maillet

Avertissement : certaines scènes décrites dans cet article sont susceptibles de heurter la sensibilité des lecteurs (surtout ceux passionnés de libellules) !

Le Parc du Marquenterre a été le théâtre d’une effroyable scène de crime. Mercredi dernier, alors que le soleil dardait ses rayons sur les plans d’eau douce où batifolaient libellules et demoiselles, contentes de profiter enfin d’une fenêtre de beau temps pour s’accoupler joyeusement, une grosse mouche grilla la priorité aux odonates dans un vrombissement détonant. D’abord offusqués par ce comportement d’une rare incivilité, nous fûmes ensuite tétanisés par l’effroi : le chauffard tenait prisonnier entre ses pattes un pauvre Leste vert (Chalcolestes viridis). Nous le suivîmes jusqu’à ce qu’il se gare sur une tige de bouleau, afin de l’intercepter. Amer constat : la victime était déjà décédée…

Le coupable, dont nous tairons le nom afin de préserver la tranquillité de ses proches*, était lourdement armé : son appareil buccal robuste, enfoncé dans sa face poilue, était muni d’un rostre puissant capable de perforer la chitine la plus dure. Nous tenions l’arme du crime. 

Asilidé attendant sa proie...

L’assassin avoua rapidement appartenir au « Gang des Mouches à toison » – ou Asilidae dans le jargon de la scientifique -, ces diptères prédateurs bien connus des autres insectes volants, qu’ils persécutent sans relâche. Lorsqu’ils décident de passer à l’action, leur mode opératoire est toujours le même : ils se postent, l’air de rien, sur une roche ou une branche dégagée, faisant mine de prendre un bain de soleil… Mais ne soyez pas dupes ! En réalité, ils surveillent de leurs gros yeux à facettes le trafic alentour. Dès qu’ils repèrent une proie appétissante, ils décollent sur-le-champ et s’élancent à sa poursuite ! La traque ne dure jamais bien longtemps. Grâce à leurs trois paires de pattes longues et épineuses, solidement attachées à leur corps massif, ils capturent la malheureuse victime en vol, et peuvent ainsi la maintenir contre leur abdomen trapu sans difficulté. Leur moustache épaisse – un autre trait de caractère du clan, qu’ils arborent fièrement – les protège des mouvements défensifs de leur futur repas. Impossible alors d’échapper à cette horrifique cage de griffes. Lorsqu’ils portent le coup fatal, ces voyous injectent dans le corps de la proie leur salive chargée d’enzymes neurotoxiques et protéolytiques. De retour sur leur poste de guet, ils n’ont plus qu’à siroter peinardement le cadavre prédigéré…

Prends garde demoiselle !

Une bonne nouvelle toutefois, parce que la Nature en offre toujours : ces fous furieux ne piquent pas l’Homme ! Au contraire, ils s’avèrent être de vaillants alliés du genre humain, puisqu’il leur arrive parfois de s’attaquer aux taons quelque peu embêtants.

Mais déjà le cycle de la vie reprend au Parc du Marquenterre. On nous apprend à l’instant qu’un Leste vert aurait été l’auteur, à son tour, d’un crime odieux sur un moucheron innocent…

* En réalité, son identification n’est pas évidente sans une analyse détaillée de sa pilosité… Un portrait-robot est en cours d’élaboration par nos services.  

Texte et illustrations : Cécile Carbonnier

En compagnie de l’école d’Hesdin, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir dans un fossé d’eau douce claire une superbe Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) ! Cet invertébré du groupe des annélides – vers segmentés – peut mesurer jusqu’à 15 centimètres. Elle se reconnaît à son dos sombre avec des lignes orangées pigmentées de noire. En la retournant, nous constatons que le ventre est clair avec des taches sombres. Cet individu est particulièrement grand (12,5 centimètres) mais rétracté il perd toute sa longueur et prend la forme d’une limace “contrariée”, voire d’une grosse olive… ! Elle est amphibie et nage parfaitement bien par ondulation, mais peut aussi se déplacer sur le sol par reptation à la manière des chenilles arpenteuses, s’aidant de ses ventouses. La respiration se fait à travers la peau.

La sangsue possède deux ventouses : une buccale, qui constitue l’organe de succion, et une à l’arrière, plus importante, qui sert de fixation. L’espèce adulte est en effet hématophage. Elle possède de remarquables récepteurs sensoriels pour repérer ses proies. Elle parasite en milieu aquatique batraciens, tritons, poissons mais aussi mammifères sauvages ou domestiques. La ventouse antérieure a en son centre trois mâchoires chitineuses de 100 à 150 dents permettant de faire une petite incision indolore en Y sur la peau. Elle aspire durant quelques dizaines de minutes entre 10 à 15 centimètre cubes de sang, avant de se décrocher. Cela va lui faire un repas à digérer pendant plusieurs mois ! Les glandes salivaires émettent une molécule, l’hirudine, anticoagulante et anti-inflammatoire, permettant de siroter le précieux liquide en toute tranquillité. 

 

Comme pour les escargots, toutes les sangsues sont hermaphrodites avec une fécondation interne entre individus, mais un seul des partenaires est inséminé. Elle pond une sorte de poche spongieuse contenant 6 à 18 œufs, dans laquelle se développent les embryons. Les jeunes sangsues, au départ carnivores, ne seront adultes qu’à partir de 5 ans. On parle pour cette espèce de longévité étonnante, pour un invertébré, de 15 à 40 ans ! C’est a priori la première observation de cette espèce sur le Parc. Seule la Sangsue de cheval (Haemopis sanguisuga), qui ne se nourrit pas de sang, avait été notée de manière régulière sur le site.

De par son habitat en eau claire et de bonne qualité, la Sangsue médicinale est relativement peu abondante et est considérée comme quasi menacée sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.

Texte : Philippe Carruette / Vidéo : Léa Coftier

À la croisée des chemins, nous sommes obligés de laisser la priorité à un longicorne bien lourdaud : le Lamie tisserand (Lamia textor). On ne peut pas dire qu’il soit stressé, se déplaçant lentement à un “train de sénateur”. Même s’il a des ailes sous sa solide carapace granuleuse, il ne semble guère les utiliser et je crois ne l’avoir jamais vu voler ! Finalement, il est du genre tranquille le matin, et pas du tout pressé le soir, ou au crépuscule. S’il peut être observé dès mars avril, au Parc nous le croisons surtout en juin ou juillet, notamment lors des sorties nature estivales en soirée, au grand plaisir des enfants !

Les adultes, grâce à leurs fortes mandibules – mais ils ne mordent pas ! – se nourrissent de l’écorce des jeunes rameaux de saules ou de peupliers. Les larves se développent durant 3 à 4 ans dans le bois mort de ces mêmes arbres des marais. Ce capricorne reste peu commun en Picardie ; comme tous les membres des Cérambycidés (230 espèces en France) il est particulièrement menacé par le manque de vieux bois dans des forêts surexploitées ou gérées à rotation courte. Il est même classé comme espèce protégée en Wallonie belge.

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Voilà un insecte coléoptère facile à reconnaître : le Clyte bélier  (Clytus arietis). Ses élytres jaunes et noires, qui protègent les ailes cachées en-dessous, sont bien visibles, le faisant ressembler à une guêpe. Ce déguisement est un bon moyen de dissuader les prédateurs, alors qu’il est totalement inoffensif : en un mot, un s’agit de paraître « méchant » quand on est un vrai « gentil » ! Le Clyte bélier se nourrit en effet sur les fleurs de pollen et de nectar, et ne tient pas en place, exactement comme son (top) modèle – à la taille de guêpe – carnivore, agitant ses antennes pour faire encore plus vrai ! On ne fait jamais à moitié son rôle d’imposteur ! 

L’adulte est visible de mai à août. Les larves se développent dans le bois mort durant deux ans. Il est commun en France. Un individu était présent sur le Parc le 6 juin 2021, un autre le 14 juin ; cette espèce avait déjà été mentionnée en 2019 par Romane Sauleau, guide naturaliste du littoral, dans son inventaire dans le cadre de son rapport universitaire sur les Cérambycidés

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier

Le Paon-du-jour (Aglais io), voilà un des papillons diurnes les plus communs de notre région. Il est aisément identifiable à sa couleur orangée avec ses ocelles sur les ailes, qui rappellent celles des plumes de la queue du paon, l’oiseau cette fois-ci ! À l’inverse, leur revers brun fait penser à une feuille morte, facilitant son mimétisme au repos. 

Peu exigeant, il butine une grande variété de mets sucrés : nectar trouvé sur les chatons de saules ou sur les pissenlits, sève des arbres ou, comme son cousin le Vulcain, fruits blettes. Les œufs, au nombre de plusieurs centaines, sont pondus au revers des feuilles d’ortie ou de houblon sauvage, et éclosent au bout de deux à trois semaines. La chenille est moins connue. À son stade définitif, elle est noire brillante ornée de points blancs avec des rangées de soies éperonnées – mais non urticantes – lui donnant une allure de fil barbelé en perpétuel mouvement.

Le Paon-du-jour hiverne à l’état adulte pour les individus de la deuxième génération estivale. C’est bien lui que vous voyez à l’automne tenter de rentrer dans vos dépendances ou même dans votre maison pour trouver un lieu d’hivernage tempéré. C’est lui aussi qui, avec le papillon Citron, sera un des premiers de sortie, parfois dès fin février.

Pensez à laisser quelques touffes d’ortie dans votre jardin pour le Paon, et pas que : en soupe ou en quiche avec des lardons, c’est aussi sympa pour nous ! Il est certes encore commun mais des cantons suisses ont décrété sa protection au vu de sa baisse drastique…

Texte : Philippe Carruette / Illustration : Benjamin Blondel