Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Le 27 mai dernier, Pierre, guide naturaliste et photographe au Parc, a pu prendre une série de clichés d’un mâle chanteur de Phragmite des joncs, à proximité de l’observatoire n°12. Sur ordinateur, il a été possible de lire et de reformer le numéro complet de la bague : il s’agit d’un oiseau qui a été bagué au Parc par Adrien, guide et bagueur, dans le même secteur le 18 juillet… 2012 ! A l’époque, l’oiseau était un jeune de l’année.

Les Phragmites des joncs hivernent au sud du Sahara, à plus de 4000 km de la baie de Somme. Cet individu, du haut de ses 10 grammes, a donc effectué 14 trajets entre Europe et Afrique… soit plus de 56 000 km !

Texte : Adrien Leprêtre

Illustrations : Alexander Hiley, Pierre Aghetti

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Au mois de juin, prairies humides et bas marais prennent une “couleur soleil” avec la floraison jaune de la Rhinanthe à feuilles étroites (Rhinanthus angustifolius). Le terme rhinanthe vient de la forme de la fleur qui rappelle un nez tordu (rhino veut dire nez et nitho plante).

La particularité de cette plante abondante mais localisée sur le Parc – elle apprécie les zones calcaires – est d’être hémiparasite : elle prélève de la sève par des suçoirs plongeant dans les racines d’autres plantes, notamment les graminées. Quand on l’observe de près on remarque que la lèvre supérieure de la fleur est munie à l’extrémité d’une petite marque bleu violacé.

Son abondance est en partie expliquée par le fait qu’elle n’est pas consommée par les herbivores, mais très appréciée des pollinisateurs. Les rhinanthes vivent avec tout un cortège d’autres plantes, comme le Lychnis fleur de coucou ou l’Écuelle d’eau. Une fois fanées, ces fleurs laisseront la place à de vastes stations de Parnassies des marais.

« Quand on tire sur un seul fil de la nature, on découvre qu’il est attaché au reste du monde. »

John Muir (1838-1914), naturaliste américain né en Ecosse

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Cécile Carbonnier, Alexander Hiley

Le 4 juin dernier, une visiteuse de marque s’est invitée en baie : une femelle de Phalarope à bec large, qui nous a fait la joie de se montrer dans son magnifique plumage nuptial ! Quelle chance de la voir sur les flots, becquetant sa nourriture autour d’elle en nageant frénétiquement ! Le cadeau de la pluie et du vent…

En effet, les données printanières de cet oiseau sont exceptionnelles en France, puisqu’il migre généralement au large de nos côtes. Lors de fortes tempêtes d’Ouest, les observateurs les plus chanceux peuvent admirer les rares individus que les bourrasques ont rabattu vers le littoral.

Une fois n’est pas coutume, chez cette espèce, c’est la femelle qui arbore les plus vives couleurs : calotte noire, côtés de la tête blanc pur, gorge gris ardoise, ventre roux orangé, manteau brun flammé de liserés crème… Aucune confusion possible ! Le mâle, en revanche, possède un plumage nettement plus discret. Ce dimorphisme sexuel est suffisamment rare pour être souligné !

En effet, sur les 900 espèces d’oiseaux présentes en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, seules 5 possèdent ce caractère “inversé”, grâce auquel la femelle peut se targuer d’être plus belle que le mâle : le Phalarope à bec large, son cousin à bec étroit, le Phalarope de Wilson, le Pluvier guignard et la Rhynchée peinte.

Les différences de plumages se reflètent dans la distribution des tâches reproductives : chez ces oiseaux, c’est Monsieur, en “tenue de camouflage”, qui assume seul la couvaison. Ainsi, quand Dame Phalarope arrivera sur son site de nidification arctique vêtue de sa parure nuptiale chatoyante, elle se pavanera, poitrine bombée et cou tendu ; elle poursuivra tout mâle qui s’envolera, jusqu’à ce qu’un partenaire, séduit par son ballet, accepte de la féconder. Elle déposera alors quatre œufs dans une cuvette choisie par lui. À peine la ponte effectuée, elle rejoindra les autres femelles, et repartira vers ses quartiers d’hiver dès début juillet, laissant son “conjoint” éphémère s’occuper seul de la future nichée !

To the happy few…

Texte : Cécile Carbonnier

Illustration : Alexander Hiley

Non, ce ne sont pas les jeunes guides du Parc qui auraient déjà terminé leur riche saison au Marquenterre, mais “juste” la sortie du nid de nombreux passereaux. Ils ont généralement tous la chance d’être nourris encore quelques jours par les deux parents qui vont se partager la nichée.

Certains, comme les jeunes Mésanges à longue queue, vont rester en famille, mais pour la majorité des espèces, chaque juvénile devra prendre rapidement son indépendance, trouver un espace vital, apprendre à capturer efficacement ses proies et partir ensuite en migration sans les parents pour les espèces “voyageuses”.

Moineau domestique juvénile

On est souvent surpris par la bonhomie attendrissante de ces jeunes, avec leurs commissures et leur aspect duveteux. Comme pour tout “bébé “, leurs mimiques, expression et aspect (cris, battements bourdonnant des ailes…) sont un moyen matériel mais aussi émotionnel d’attirer l’attention des parents, et donc de réduire toute agressivité potentielle. L’indifférence n’est pas de mise dans la nature !

Troglodyte mignon juvénile

Il n’est ainsi pas étonnant de voir, dans une colonie non stressée, des jeunes Avocettes sous des Mouettes rieuses en train de couver, ou des poussins de Mouettes rieuses se retrouver sous leurs voisines mélanocéphales ! Néanmoins tous ces jeunes auront un début de vie très difficile : leur abondance, leur communication très remarquée et leur manque d’expérience en feront des proies privilégiées pour nombre de prédateurs… qui, eux aussi, ont des petits à nourrir.

Poussin de Mouette rieuse sous une Avocette élégante

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Pierre Aghetti, Philippe Carruette, Cécile Carbonnier

L’Iris faux-acore (Iris pseudacorus) est bien remarqué en ce moment le long de nos fossés peu profonds exposés au soleil. Ses fleurs jaunes avec trois grands tépales rabattus comme les iris de nos jardins en font une des plantes des marais les plus connues. Les longues feuilles en forme de glaive sont aussi caractéristiques.

Cette plante commune cherche les eaux riches en nutriments, et est souvent utilisée dans les systèmes lagunaires d’épuration des eaux. En effet, grâce aux micro-organismes sur ses rhizomes, elle a un fort pouvoir de dissolution des nitrates, phosphates et métaux lourds. Importée comme plante d’ornement en Amérique, elle s’est avérée là-bas invasive sur certains secteurs comme le long du fleuve Saint-Laurent.

C’est sa fleur qui serait stylisée sur le blason des rois de France et de nombreuses villes fidèles à la royauté ; cette « fleur de lys » est aussi le symbole de la région de Bruxelles.

Bien que non protégée, il n’est pas souhaitable de la cueillir : sans parfum, sa durée de vie en vase est encore plus éphémère que dans la nature !

Texte et illustrations : Philippe Carruette

 

Depuis les belles journées du mois d’avril, la chenille dodue du Cossus gâte-bois (Cossus cossus), un papillon de nuit, fait son apparition sur le Parc. On peut l’observer sur les troncs d’arbre ou à même le sol, sur les sentiers.

Les imagos (formes adultes) apparaissent en général à partir du mois de juin jusqu’à la mi-août, au crépuscule. Leur taille varie de 70 à 80 mm d’envergure ; ils ont un corps massif, de couleur grisâtre et recouvert de poils. Ces couleurs ternes leur permettent de se confondre avec l’écorce des arbres.

La ponte se fait par paquet d’œufs dans les anfractuosités du bois. Les plus grosses femelles sont capables de produire plus de 1000 œufs !

Après 12 à 15 jours apparaissent les chenilles. Elles sont typiques et facilement reconnaissables, une allure glabre, une couleur ventrale jaunâtre voire rosée, le dos violacé et la tête noire. Celles-ci peuvent faire de 8 à 10 cm de long, une taille qui les classe parmi les plus grosses chenilles d’Europe. Lorsqu’elles se sentent agressées, elles redressent l’avant du corps et peuvent émettre un crachat d’acide pyroligneux pour repousser leurs prédateurs.

Dès l’éclosion, à l’aide de ses mandibules, la chenille xylophage creuse sous l’écorce puis, au printemps, pénètre dans le bois vivant et fore de nombreuses galeries – d’où son épithète gâte-bois. Elle reste 2 à 3 ans dans les troncs et quitte son refuge juste avant la nymphose pour former sa chrysalide à même le sol, à partir du mois de mai…

Texte et illustrations : Léa Coftier