Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Et si on partait en Russie ?…

Fin mai début juin, la migration de printemps semble terminée. Pourtant on peut remarquer encore d’importants rassemblements de Chevaliers gambettes en plumage nuptial au poste 1 à marée haute. Ils peuvent atteindre, certains jours, des effectifs de plus de 400 oiseaux, comme ce fut le cas les 27 et 28 mai derniers.

Ces individus nous arrivent d’Afrique de l’Ouest et vont regagner des zones très nordiques pour nicher, atteignant la Finlande et la Russie. Souvent ils ne restent que quelques heures, voire quelques instants… Peut-être trouveront-ils à leur arrivée les dernières neiges de juin ; ils devront patienter encore avant de nidifier. Et pourtant, le temps presse, car les adultes repartiront déjà en migration post-nuptiale dès mi-juillet, laissant leurs jeunes terminer seuls leur nouvelle vie de grands poussins !

Les records d’effectifs en Baie de Somme en migration de printemps – entre 5000 et 9000 oiseaux, en diminution ces dernières années – ont lieu à la mi-mai. La majorité des Chevaliers gambettes qui hivernent en France nous viennent en revanche des îles britanniques. Souhaitons bon voyage aux “pattes rouges” !…

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Philippe Carruette, Alexander Hiley

Nous sommes habitués au Parc à croiser le chemin de cigognes nées en Belgique, aux Pays-Bas, en Normandie… Mais la surprise fut grande l’été dernier !

Lors d’une sortie estivale le soir du mercredi 18 juillet 2018, trois Cigognes juvéniles se posent devant notre groupe. Elles sont munies de bagues Darvic blanches BEWM, BEWN, BEWP. Celles-ci sont toutes neuves, et les oiseaux, ailes pendantes, ont l’air bien épuisés. Ces bagues sont françaises et on pense aussitôt aux quelques nids du Pas-de-Calais et du Nord. Or pas du tout ! Les trois oiseaux de la même couvée ont été bagués le 5 juin 2018 poussins, à 7 semaines, par Jean-Claude Barbraud en… Charente Maritime à Hiers-Brouage dans le marais de Brouage, le département français où niche à l’état sauvage le plus grand nombre de Cigognes blanches.

Qu’est-ce qui les a poussés à remonter au Nord, alors qu’à la mi-juillet tous ces juvéniles filent droit vers les Pyrénées et l’Espagne ? Un coup de vent violent ? Du brouillard qui empêche de voir les astres, et donc de s’orienter visuellement ?

Ils ne seront pas revus le lendemain où le beau temps revenu a dû les remettre sur la bonne route, direction le Sud ! Comme quoi les cigognes charentaises ne sont pas… pantouflardes !

Texte : Philippe Carruette

Photo : Valentin Faivre

La saison de reproduction bat son plein en ce mois de mai sur le Parc du Marquenterre. Presque chaque jour, des heureux évènements nous émerveillent. Cette période charnière pour la faune sauvage dure jusqu’à la fin juillet, profitons-en en toute discrétion !

Canard colvert, Eric Penet

Les petites foulques et poules d’eau ont ouvert le bal dès la fin du mois de mars.

Gallinule poule d’eau, Eric Penet

À présent, ce sont les jeunes avocettes bien habiles et les jolies mouettes en habit de léopard qui se succèdent jour après jour.

Mouette rieuse, Eric Penet

Dans la héronnière, de nouveaux petits becs apparaissent quotidiennement : cigogneaux, poussins d’Aigrettes garzette et spatulons se laissent facilement observer, tandis que les jeunes hérons sont plus discrets avec leur plumage grisâtre.

Spatule blanche, Alexander Hiley

Du côté des passereaux, cela s’active tout autant. Les parents font des allers-retours successifs avec de la nourriture pour satisfaire les estomacs des poussins affamés, et certaines mésanges prennent leur envol, s’échappant de leur nichoir de naissance. Néanmoins, elles continueront de se faire nourrir encore quelques temps, tout comme les jeunes pinsons qui réclament au pied des pins.

Mésange charbonnière, Eric Penet

Impossible de passer à côté du couple de Cygnes tuberculés promenant pas moins de sept “vilains petits canards” sur le petit parcours ! Contrairement au couple de Grèbes huppés qui camouflent très bien leurs trois poussins en “pyjama rayé” dans les plumes de leurs ailes…

Grèbe huppé, Maëlle Hello

Ouvrez l’œil, les petites boules de duvet sont partout !

Cigogne blanche, Alexander Hiley

Texte : Margot Tharan

Illustrations : Eric Penet, Maëlle Hello, Alexander Hiley

Héron cendré, Alexander Hiley


Tandis que nous cheminons sur le sentier sablonneux du Parc, une bien étrange pierre, émergeant à peine du sol, attire notre attention : brillante et visqueuse, elle est entourée d’un amas de débris de coquilles d’escargots. Des dizaines de gastéropodes semblent s’être littéralement éclatés sur le caillou rond…

Nous n’avons pas à patienter bien longtemps pour découvrir l’auteur de ce forfait : il s’agit de la Grive musicienne. La belle se pose devant son “enclume” préférée, un escargot coincé dans le bec, et se met alors à le frapper vigoureusement contre la pierre ! Saisi par le bord externe de son “armure”, le mollusque ne résistera pas longtemps face à la force de l’oiseau et à l’efficacité redoutable de l’outil proéminent.

La coquille enfin brisée, la grive se saisit du corps nu de l’escargot, et s’en va le frotter dans l’herbe – et non le frotter à l’ail ! – pour ôter les petits grains de sable indigestes. Et hop ! elle avale le délicieux gastéropode… avant de s’en retourner vers la haie de saules qui abrite l’escargotière sauvage.

Ce comportement, observé plus souvent en hiver lorsque les sols sont gelés et les vers inaccessibles, est l’apanage de la grive. Ainsi, lorsque vous trouverez non loin de chez vous une pierre, une racine, une motte de terre sèche jonchées de coquilles d’escargots cassées, vous saurez qu’une musicienne rusée a fait un festin d’hélix… Et ce n’est pas une fable !

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Cécile Carbonnier, Pierre Aghetti

Au détour d’une promenade printanière, sans doute avez-vous déjà croisé du regard celle que l’on appelle la Consoude officinale, ou Grande Consoude (Symphytum officinale). Cette plante vivace de 30 à 130 cm aux feuilles rigides alternes, pointues et poilues de la famille des Borraginacées se développe sur des terrains humides (marais, fossés) et profonds, lui permettant d’ancrer ses racines jusqu’à plus d’un mètre de profondeur.

A partir de mai, l’observation de ses fleurs très mellifères vaut le détour. Blanches, elles sécrèteront une odeur perceptible et attirante pour certains pollinisateurs, quand celles parées de bleu ou de rouge dragueront les hyménoptères au nez moins fin. Les bourdons sont les premiers à tomber sous leur charme, utilisant leurs puissantes mandibules pour créer un trou en bas de la fleur profonde. Sans l’intervention de ces derniers, les abeilles ne pourraient pas avoir accès au pollen trop difficile à atteindre. Toute une organisation !

Très répandue voire considérée comme envahissante par certains, la Consoude officinale est connue depuis l’Antiquité par l’Homme pour ses propriétés cicatrisantes, comme son nom vernaculaire et son étymologie l’indiquent (consolida en latin, symphyeïn en grec = union, cohésion) et aussi pour son utilité fertilisante favorisant la production de fleurs et de fruits.

Texte : Florent Creignou

Illustrations : Cécile Carbonnier

Voilà plusieurs semaines que notre Grue cendrée ne nous a pas donné de nouvelles. Star incontestée des podiums du Marquenterre, elle fut indéniablement l’oiseau le plus photographié du Parc. Hommage à cet échassier qui ravit petits et grands pendant près de 25 ans…

Le 14 novembre 1994, le Parc du Marquenterre reçoit un appel : une Grue cendrée a été retrouvée dans les marais du Crotoy. Blessé, l’oiseau ne peut plus voler. En effet, son aile gauche est manquante : collision avec une ligne à haute tension ? accident de la route ? acte de braconnage ? Les hypothèses vont bon train. Rappelons que cette espèce est observée en de très rares occasions en Picardie maritime, car son axe de migration, étroit, traverse la France des Landes jusqu’en Lorraine.

Seul, perdu, infirme, l’oiseau tombé du ciel semblait promis à un destin tragique. Mais c’était sans compter sur la bienveillance du personnel du Parc : on décida de placer l’échassier dans les prairies du Marquenterre. Le chemin de vie de notre grue trouva alors un second souffle, et ainsi débuta sa longue carrière de mannequin aviaire.

Combien de photographes, amateurs ou professionnels, immortalisèrent  ses longues pattes élancées, sa coiffe rouge carmin, ses plumes gris anthracite ? Combien d’enfants furent émerveillés par sa démarche gracile ? Combien de guides la remercièrent lorsque, sous le soleil caniculaire de juillet, elle seule se montrait sur les îlots du petit parcours ?

Parfois, ses appels déchirants vers d’invisibles congénères nous brisaient le cœur ; en effet, l’espèce, très grégaire, n’est pas faite pour la solitude. Mais, une fois encore, la vie lui réserva de belles surprises, puisqu’un matin de printemps 2012, un mâle fit escale sur le Parc : le coup de foudre fut immédiat. Les deux amants entamèrent une danse nuptiale spectaculaire, se faisant des courbettes, sautant en écartant les bras, attrapant n’importe quel objet au sol pour le lancer en l’air ! Jusqu’à l’accouplement… Aussitôt après, elle s’enfuit dans les roseaux construire un nid. Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs grâce à cet événement que nous apprîmes le sexe de notre starlette ! Aucun poussin ne verra le jour de cette union fugace, et le mâle dut reprendre sa route d’oiseau migrateur valide…

Nous pourrions multiplier les anecdotes sur elle, car, en un quart de siècle, notre grue nous offrit maints cadeaux et représentations. Beaucoup lui donnèrent même un petit nom, car elle était devenue véritablement un membre de l’équipe. Ce qui est sûr, c’est qu’elle gardera une place particulière dans le cœur de chaque personne qui eut la chance de la croiser dans les allées du Parc du Marquenterre.

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Alexander Hiley, Jean Bail

Les premières séances de baguage ont permis la capture de Fauvettes à tête noire – ou à tête marron, qui est l’apanage des femelles ! C’est un des passereaux les plus bagués de France, avec plus de 50000 individus attrapés, pesés, mesurés.

Elle compte parmi les oiseaux les plus abondants du pays – entre 5 à 10 millions de couples. Rare exception chez les passereaux, ses effectifs sont en augmentation, une caractéristique des espèces généralistes à tendance forestière.

On sait que nombre de nos oiseaux nicheurs vont hiverner dans le sud de l’Espagne, au Portugal et au Maghreb, notamment dans les oliveraies et les orangeraies ; que nombre d’oiseaux du Benelux, de Scandinavie, d’Angleterre traversent notre région. Mais avec les changements climatiques cette espèce modifie vite ses comportements. D’où viennent les oiseaux qui hivernent de plus en plus dans notre région nordique ? Sont-ils locaux, ou bien viennent-ils d’Allemagne ou d’Autriche, comme c’est le cas en Angleterre ? Les données de baguage nous délivreront peut-être ces précieuses informations.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley

Au printemps il n’y a guère de plantes à fleurs pour donner des couleurs à la végétation où domine le vert. Il faudra attendre le début de l’été pour une grande diversité floristique colorée. L’Alliaire officinale (Alliaria petiolata) fait pourtant exception. Commune, c’est le long des sentiers du Parc riches en matières organiques qu’on la remarque.

C’est une plante de la famille des Brassicacées (comme nos choux et autres navets !) pourvue de petites fleurs blanches en forme de croix, avec 4 pétales, 4 sépales et 6 étamines. Ses feuilles rondes et larges ressemblent quelque peu à l’ortie. Mais quand on les froisse bien entre les doigts, elles sentent un peu l’ail ! Les jeunes feuilles riches en vitamines C peuvent d’ailleurs être mélangées à la salade pour donner ce léger goût aillé – qui à l’avantage ne pas persister dans la bouche !…

Les graines noires, bien rangées dans leur longue silique, peuvent remplacer notre moutarde pour réaliser, justement, ce condiment. Il semble qu’il y a 4000 ans, au vu des fouilles archéologiques, elles étaient déjà utilisées. Appliquées en cataplasme, les feuilles ont aussi des vertus désinfectantes.

Plutôt discrète ici, elle est devenue une peste végétale aux Etats-Unis après son introduction, faute de concurrents en début de saison de développement. En tout cas chez nous les papillons de la famille des Piérides l’apprécient beaucoup !

Texte et illustration : Philippe Carruette