Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Tandis que nous cheminons sur le sentier sablonneux du Parc, une bien étrange pierre, émergeant à peine du sol, attire notre attention : brillante et visqueuse, elle est entourée d’un amas de débris de coquilles d’escargots. Des dizaines de gastéropodes semblent s’être littéralement éclatés sur le caillou rond…

Nous n’avons pas à patienter bien longtemps pour découvrir l’auteur de ce forfait : il s’agit de la Grive musicienne. La belle se pose devant son “enclume” préférée, un escargot coincé dans le bec, et se met alors à le frapper vigoureusement contre la pierre ! Saisi par le bord externe de son “armure”, le mollusque ne résistera pas longtemps face à la force de l’oiseau et à l’efficacité redoutable de l’outil proéminent.

La coquille enfin brisée, la grive se saisit du corps nu de l’escargot, et s’en va le frotter dans l’herbe – et non le frotter à l’ail ! – pour ôter les petits grains de sable indigestes. Et hop ! elle avale le délicieux gastéropode… avant de s’en retourner vers la haie de saules qui abrite l’escargotière sauvage.

Ce comportement, observé plus souvent en hiver lorsque les sols sont gelés et les vers inaccessibles, est l’apanage de la grive. Ainsi, lorsque vous trouverez non loin de chez vous une pierre, une racine, une motte de terre sèche jonchées de coquilles d’escargots cassées, vous saurez qu’une musicienne rusée a fait un festin d’hélix… Et ce n’est pas une fable !

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Cécile Carbonnier, Pierre Aghetti

Au détour d’une promenade printanière, sans doute avez-vous déjà croisé du regard celle que l’on appelle la Consoude officinale, ou Grande Consoude (Symphytum officinale). Cette plante vivace de 30 à 130 cm aux feuilles rigides alternes, pointues et poilues de la famille des Borraginacées se développe sur des terrains humides (marais, fossés) et profonds, lui permettant d’ancrer ses racines jusqu’à plus d’un mètre de profondeur.

A partir de mai, l’observation de ses fleurs très mellifères vaut le détour. Blanches, elles sécrèteront une odeur perceptible et attirante pour certains pollinisateurs, quand celles parées de bleu ou de rouge dragueront les hyménoptères au nez moins fin. Les bourdons sont les premiers à tomber sous leur charme, utilisant leurs puissantes mandibules pour créer un trou en bas de la fleur profonde. Sans l’intervention de ces derniers, les abeilles ne pourraient pas avoir accès au pollen trop difficile à atteindre. Toute une organisation !

Très répandue voire considérée comme envahissante par certains, la Consoude officinale est connue depuis l’Antiquité par l’Homme pour ses propriétés cicatrisantes, comme son nom vernaculaire et son étymologie l’indiquent (consolida en latin, symphyeïn en grec = union, cohésion) et aussi pour son utilité fertilisante favorisant la production de fleurs et de fruits.

Texte : Florent Creignou

Illustrations : Cécile Carbonnier

Voilà plusieurs semaines que notre Grue cendrée ne nous a pas donné de nouvelles. Star incontestée des podiums du Marquenterre, elle fut indéniablement l’oiseau le plus photographié du Parc. Hommage à cet échassier qui ravit petits et grands pendant près de 25 ans…

Le 14 novembre 1994, le Parc du Marquenterre reçoit un appel : une Grue cendrée a été retrouvée dans les marais du Crotoy. Blessé, l’oiseau ne peut plus voler. En effet, son aile gauche est manquante : collision avec une ligne à haute tension ? accident de la route ? acte de braconnage ? Les hypothèses vont bon train. Rappelons que cette espèce est observée en de très rares occasions en Picardie maritime, car son axe de migration, étroit, traverse la France des Landes jusqu’en Lorraine.

Seul, perdu, infirme, l’oiseau tombé du ciel semblait promis à un destin tragique. Mais c’était sans compter sur la bienveillance du personnel du Parc : on décida de placer l’échassier dans les prairies du Marquenterre. Le chemin de vie de notre grue trouva alors un second souffle, et ainsi débuta sa longue carrière de mannequin aviaire.

Combien de photographes, amateurs ou professionnels, immortalisèrent  ses longues pattes élancées, sa coiffe rouge carmin, ses plumes gris anthracite ? Combien d’enfants furent émerveillés par sa démarche gracile ? Combien de guides la remercièrent lorsque, sous le soleil caniculaire de juillet, elle seule se montrait sur les îlots du petit parcours ?

Parfois, ses appels déchirants vers d’invisibles congénères nous brisaient le cœur ; en effet, l’espèce, très grégaire, n’est pas faite pour la solitude. Mais, une fois encore, la vie lui réserva de belles surprises, puisqu’un matin de printemps 2012, un mâle fit escale sur le Parc : le coup de foudre fut immédiat. Les deux amants entamèrent une danse nuptiale spectaculaire, se faisant des courbettes, sautant en écartant les bras, attrapant n’importe quel objet au sol pour le lancer en l’air ! Jusqu’à l’accouplement… Aussitôt après, elle s’enfuit dans les roseaux construire un nid. Pour la petite histoire, c’est d’ailleurs grâce à cet événement que nous apprîmes le sexe de notre starlette ! Aucun poussin ne verra le jour de cette union fugace, et le mâle dut reprendre sa route d’oiseau migrateur valide…

Nous pourrions multiplier les anecdotes sur elle, car, en un quart de siècle, notre grue nous offrit maints cadeaux et représentations. Beaucoup lui donnèrent même un petit nom, car elle était devenue véritablement un membre de l’équipe. Ce qui est sûr, c’est qu’elle gardera une place particulière dans le cœur de chaque personne qui eut la chance de la croiser dans les allées du Parc du Marquenterre.

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Alexander Hiley, Jean Bail

Les premières séances de baguage ont permis la capture de Fauvettes à tête noire – ou à tête marron, qui est l’apanage des femelles ! C’est un des passereaux les plus bagués de France, avec plus de 50000 individus attrapés, pesés, mesurés.

Elle compte parmi les oiseaux les plus abondants du pays – entre 5 à 10 millions de couples. Rare exception chez les passereaux, ses effectifs sont en augmentation, une caractéristique des espèces généralistes à tendance forestière.

On sait que nombre de nos oiseaux nicheurs vont hiverner dans le sud de l’Espagne, au Portugal et au Maghreb, notamment dans les oliveraies et les orangeraies ; que nombre d’oiseaux du Benelux, de Scandinavie, d’Angleterre traversent notre région. Mais avec les changements climatiques cette espèce modifie vite ses comportements. D’où viennent les oiseaux qui hivernent de plus en plus dans notre région nordique ? Sont-ils locaux, ou bien viennent-ils d’Allemagne ou d’Autriche, comme c’est le cas en Angleterre ? Les données de baguage nous délivreront peut-être ces précieuses informations.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley

Au printemps il n’y a guère de plantes à fleurs pour donner des couleurs à la végétation où domine le vert. Il faudra attendre le début de l’été pour une grande diversité floristique colorée. L’Alliaire officinale (Alliaria petiolata) fait pourtant exception. Commune, c’est le long des sentiers du Parc riches en matières organiques qu’on la remarque.

C’est une plante de la famille des Brassicacées (comme nos choux et autres navets !) pourvue de petites fleurs blanches en forme de croix, avec 4 pétales, 4 sépales et 6 étamines. Ses feuilles rondes et larges ressemblent quelque peu à l’ortie. Mais quand on les froisse bien entre les doigts, elles sentent un peu l’ail ! Les jeunes feuilles riches en vitamines C peuvent d’ailleurs être mélangées à la salade pour donner ce léger goût aillé – qui à l’avantage ne pas persister dans la bouche !…

Les graines noires, bien rangées dans leur longue silique, peuvent remplacer notre moutarde pour réaliser, justement, ce condiment. Il semble qu’il y a 4000 ans, au vu des fouilles archéologiques, elles étaient déjà utilisées. Appliquées en cataplasme, les feuilles ont aussi des vertus désinfectantes.

Plutôt discrète ici, elle est devenue une peste végétale aux Etats-Unis après son introduction, faute de concurrents en début de saison de développement. En tout cas chez nous les papillons de la famille des Piérides l’apprécient beaucoup !

Texte et illustration : Philippe Carruette

Durant le Festival de l’Oiseau, nous avons accueillis plus de 15 000 visiteurs humains sur le Parc en provenance de toute la France, et même de toute l’Europe… Et ce fut de même pour les oiseaux ! On attend notamment des nouvelles d’un mâle de Cigogne blanche bagué en Allemagne et observé dans la héronnière.

Après une femelle de Mouette mélanocéphale venue de Saxe (bague verte ASRJ) qui va sûrement nicher sur le parc, une autre italienne (bague bleue) dont on attend le “pedigree”, le 21 avril 2019 un oiseau originaire de Hongrie (bague rouge) est observé. Cette mouette a été baguée poussin le 17 juin 2016 au nord de la ville de Szeged (170 000 habitants) à 1432 kilomètres du Marquenterre.

Cette région est située au sud de la Hongrie près de la frontière serbe. L’oiseau provient précisément sur le lac Feher, haut lieu de l’ornithologie hongroise, notamment pour le stationnement des anatidés et des Grues cendrées. Depuis 2006 c’est la cinquième Mouette mélanocéphale hongroise observée sur le Parc.

Cette voyageuse nous fait vraiment découvrir du pays et des hommes ; merci à Domjan Andras qui l’a baguée et nous a envoyé son “chemin de vie”…

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Philippe Carruette, Alexander Hiley

Avec ces dernières chaleurs quasi estivales, nous retrouvons avec plaisir le chant du Grillon champêtre (Gryllus campestris). Les mâles grillons se tiennent devant leur trou, dans les dunes bien orientées plein sud. Un seul but : attirer le maximum de « grillonnes ».

Mais attention ! Chanter à découvert présente des risques. Sur la vaste pelouse dunaire au pied de la héronnière, on voit souvent un ou deux Hérons garde-bœufs (Bubulcus ibis) en chasse. La photo judicieusement prise de Armelle Guillo nous révèle que ce jour, la proie principale était notre petit musicien charmeur ! Le héron reste à l’affût, immobile, son cou oscillant comme un serpent prêt à frapper dès la sortie imprudente de l’insecte chanteur…

Heureusement qu’aux moindres bruit, vibration ou ombre le grillon sait filer dans son trou… mais la sérénade amoureuse est si tentante !

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Armelle Guillo

En ces périodes chaudes, prêtez bien attention aux jeunes feuilles d’aulnes naissantes, elles renferment des trésors… De jolis petits coléoptères bleu nuit brillant y circulent en nombre. C’est la Galéruque de l’Aulne (Agelastica alni).

Habituellement de sortie en mai, elle est bien en avance cette année, et se régale des feuilles tendres mais amères de l’Aulne glutineux (Alnus glutinosa) que tous les herbivores délaissent habituellement. Voraces, elles transforment le feuillage en dentelles, ne laissant que les nervures.

D’ici quelques semaines, du jaune va apparaître sur l’abdomen des femelles, très distendu par les œufs (50 à 70 “par personne“) pondus au verso des feuilles les protégeant des prédateurs, des pluies violentes ou du soleil brûlant. Une à deux semaines plus tard vont naître des larves grisâtres puis noires qui vont rester en groupe pour manger avec grand appétit… des feuilles d’aulnes ! Après une croissance de 3 à 4 semaines, elles se nymphoseront au sol pour devenir adultes.

Que les amis des aulnes comme les tarins se rassurent, l’arbre, même s’il ne vit pas vieux, est bien résistant. Et mort et creux, il sera apprécié de la Mésange huppée ou des pics, pour les plus gros, qui y feront leur nid…

Texte et illustration : Philippe Carruette