Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Mars est encore une période d’hivernage, notamment pour les canards nordiques. Un rayon de soleil et voilà les Garrots à œil d’or en pleine parade nuptiale.

Leurs pattes battent rapidement, produisant une gerbe d’écume. Les mâles au plumage rutilant (sauf un mâle immature présent le 23 mars) rejettent la tête en arrière, bec vers le ciel, et tournent autour d’une femelle au plumage plus discret, mais tout en charme de nuances chocolatées.

Les mâles multiplient aussi les attitudes de menace, bec tendu en avant et cou allongé à l’horizontale, et chargent leurs rivaux en plongée ou en courant sur l’eau.

Profitons-en, en avril ces oiseaux seront remontés vers la Scandinavie ou la Russie. Mais de rares couples nichent en France irrégulièrement (Lorraine, Oise, Essonne). De nouveaux nichoirs vont être installés (un est présent au poste 6) puisque ce canard construit son nid dans les trous des arbres, souvent dans une ancienne loge de Pic noir.

Un grand merci à Jean Bail qui a su capter ce sublime moment !

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Jean Bail

Crouac… Crouac… Les soirées douces et humides de ce début de printemps ont sonné l’heure de la saison des amours chez les Anoures. Grenouilles et crapauds sortent de leur engourdissement hivernal et, poussés par l’impératif de la reproduction, entament une migration pré-nuptiale parfois périlleuse vers le point d’eau le plus proche, afin d’y déposer leurs œufs, promesses de têtards à venir…

Si la plupart des individus effectuent cette convergence annuelle en toute autonomie, il arrive pourtant que certains mâles, plus opportunistes, profitent de la présence d’une grosse femelle pour se laisser porter jusqu’à destination : ils se cramponnent à elle, les pattes glissées sous les aisselles. Chevauchant ainsi leur dulcinée, ils sont emmenés dans un fauteuil (crapaud) et s’assurent ainsi la primauté d’accès aux femelles. Il faut reconnaître que la concurrence est rude chez ces batraciens, et les mâles, fidèles à leur frayère, doivent parfois redoubler de ruse pour parvenir à s’accoupler !

Au détour d’un sentier sablonneux, nous tombons ainsi sur un binôme verruqueux. Mais en y regardant de plus près, surprise ! Si la femelle arbore un intense regard cuivré typique des Crapauds communs (Bufo bufo), le mâle, quant à lui, a les yeux… verts ! La ligne jaune pâle qui longe sa colonne vertébrale ne laisse aucun doute : il s’agit d’un Crapaud calamite (Epidalea calamita). Drôle de couple… Mais il n’est pas rare d’observer des appariements inter-espèces chez les Amphibiens. Tentative d’accouplement de Grenouille rousse avec sa cousine verte… Amplexus de Grenouilles vertes auquel s’ajoute un intrus, Crapaud commun… Ces Messieurs sont parfois peu rigoureux avec la systématique des Batraciens !

Quoi qu’il en soit, même si notre duo atypique rejoint son site de ponte, une panne dunaire par exemple, l’hybridation n’aura pas lieu, et chacun trouvera, on l’espère, un partenaire de son espèce. La femelle, alors, commencera à évacuer ses ovocytes, aidée par les stimulations du mâle qui lui donnera des petits coups d’orteils sur les flancs. Deux longs cordons d’œufs seront alors expulsés, et fécondés au fur et à mesure par le liquide séminal. Dans quelques semaines, souhaitons-le, ils donneront naissance à des centaines de petites larves noires !

Texte : Cécile Carbonnier

Illustrations : Eric Penet, Cécile Carbonnier, Valentin Bors, Benjamin Blondel

Le Parc du Marquenterre accueille en ce moment encore quelques oiseaux hivernants, notamment des canards plongeurs comme le Harle piette (Mergellus Albellus).

Ainsi, aux postes 6 et 7, on peut parfois apercevoir un mâle, au plumage blanc et ailes noires, et deux femelles, dessus blanc, manteau gris ardoisé et capuchon brun, se laissant dériver sur les eaux agitées du marais. Les conditions météorologiques houleuses de ce mois de mars n’invitent guère les oiseaux à lutter contre le vent : ils préfèrent bien souvent cacher leur bec sous les plumes douillettes du dos, afin de ne pas souffrir du froid.

Présent depuis quelques temps, le trio nordique profite des eaux poissonneuses du Parc, qu’elles soient douces ou salées. Ces Anatidés peuvent aussi se nourrir d’insectes (dytiques, larves de libellules) durant l’été et l’automne, en plongeant une quinzaine de secondes en moyenne.

Leur vol rapide et précipité les emmènera jusqu’en Scandinavie, Russie ou Sibérie d’ici fin mars, où ils pourront fréquenter les lacs et cours d’eau bordés de forêts, afin de profiter de certaines cavités où viendront se déposer les premiers œufs à partir du mois de juin.

Nous remercions chaleureusement Jean Bail pour ces très beaux clichés réalisés vendredi 22 mars au poste 7. Amateurs de beaux plumages, à ne rater sous aucun prétexte !

Texte : Florent Creignou

Illustrations : Jean Bail et Alexander Hiley

Depuis quelques jours au poste 1, le matin uniquement pour l’instant, sont revenues bien des Mouettes mélanocéphales en superbe plumage nuptial mettant en valeur le tour de l’oeil blanc et le bec rouge sang. L’année dernière 147 couples ont niché au cœur de la colonie de Mouettes rieuses. On sait que ces oiseaux, à l’origine venus d’Ukraine, ont besoin au départ de fortes colonies de leurs cousines rieuses – dans la théorie plus de 300 couples – pour s’installer à leur tour.

Cette espèce est extrêmement bien suivie dans son évolution et sa colonisation de l’Ouest du continent grâce au baguage couleur effectué dans toute l’Europe. Depuis 2014 nous baguons ainsi l’importante colonie de la Maison de la Baie à Lanchères. Du fait des effectifs impressionnants de poussins, de nombreux collègues des Hauts-de-France sont mobilisés lors de cette opération.

Depuis janvier, déjà une vingtaine de bagues françaises et belges ont été lues sur le Parc. Elles représentent toutes une mine de renseignements sur la vie de cet oiseau… qui a vraiment la “bougeotte” ! Des exemples concrets retracent deux tranches de vie :

  • HJ14 rouge baguée poussin le 17 juin 2012 à Szeged Feherto, en Hongrie. Elle est vue le 3 juin 2013 sur l’île de Noirmoutier, attirée par la colonie du polder Sébastopol. De fin juillet à août 2013 elle remonte à Boulogne-sur-Mer. Le 14 octobre elle est à Wissant et le 24 février 2014 de nouveau à Boulogne. En avril et mai 2014 elle est présente sur l’imposante colonie d’Anvers où on lui remplace sa bague abîmée : elle devient 3HNT blanche. Le 4 juillet elle revient à Boulogne. Pour l’année 2015 elle est de nouveau à Boulogne et Wissant d’août à octobre. Le 14 juin 2016 on la voit à Saint-Pol-du-Léon (Finistère) pour revenir en été dans ses sites habituels du Pas-de-Calais. En 2017 elle est au Parc le 30 mars, à la Maison de la Baie le 6 avril et de retour en été sur Boulogne avant d’hiverner à Calais. Les 5 et 6 mars elle est de nouveau au Parc.
  • RN2E verte est baguée poussin le 24 juin 2014 à la Maison de la Baie. Elle est observée dans le Finistère le 16 juin 2015 à Henvic et dans les Côtes-d’Armor à Plouha le 17 novembre 2015. En 2016, toujours la Bretagne à l’Abbaye de Beauport, site du Conservatoire du Littoral dans les Côtes d’Armor ; le 21 avril elle est sur Noirmoutier et le 29 juillet sur le littoral du Pays-de-Galles à Aberystwyth. Elle revient à la Maison de la Baie le 26 mars 2017 pour être retrouvée cette fois en Cornouailles britannique sur l’estuaire de la Camel. Pas de nouvelles en 2018, mais le 9 mars elle est au Parc du Marquenterre !

Une autre, RL31 baguée poussin en juin 2016, a hiverné à El Jadida au Maroc ; une autre à Pontevedra en Espagne ; quant à RE36, on l’a repérée à Ciboure dans les Pyrénées Altlantiques

Alors quand vous regarderez ces belles Mouettes mélanocéphales et que les guides vous montreront leurs bagues… pensez à un catalogue d’agences de voyages, à un sac à dos ailé… et rêvez !

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Benjamin Blondel, Philippe Carruette

La nouvelle équipe de guides naturalistes vient tout juste d’arriver. Ils sont huit et nous viennent du Finistère, des Yvelines, du Calvados, du Rhône, de Gironde, du Pas-de-Calais, de la Côte-d’Or et… de l’Oise !

Mais les oiseaux migrateurs comme les visiteurs du Parc du Marquenterre, si diversifiés, venus de partout, ignorent ces “frontières”. Ils ont tous une réelle passion pour la nature… et surtout celle de la partager avec tous et pour tous ! Certains ont étudié les écrevisses à pattes blanches, les oiseaux au Québec, le Gravelot à collier interrompu en Aquitaine. D’autres ont un engouement pour la philosophie et le cinéma, l’équitation. Beaucoup ont rencontré en France ou en Afrique, en terres Massaï notamment, la joie de partager leur sensibilité naturaliste avec les enfants dans le cadre scolaire, mais aussi dans des associations caritatives.

Ils seront encadrés par le responsable pédagogique et les guides du parc. Des intervenants du personnel du Syndicat Mixte Baie de Somme – Grand Littoral Picard et de l’Université Jules Verne d’Amiens vont participer à leur formation. Il va falloir tout autant leur apporter les connaissances sur les espèces animales et végétales, que les techniques pédagogiques adaptées à tout public, ainsi que leur transmettre la richesse humaine et naturaliste de leur nouveau “territoire d’adoption”.

Le maître mot est de faire passer à ces jeunes guides que la protection de la nature est aussi un outil de développement économique, optimiste et efficace pour la Picardie maritime. Un planning et un programme rigoureux et chargés seront mis en place au quotidien. Leur savoir acquis sera durant huit mois toujours au service bienveillant des 170.000 visiteurs. Heureuse et vitale entreprise du partage des connaissances du vivant où on devient, ensemble, encore plus riches en donnant. Pour clore cette saison, ils valideront début novembre le diplôme universitaire de Guide Naturaliste Marquenterre en partenariat avec l’Université Jules Verne d’Amiens.

Vous allez vite les retrouver dans les postes d’observation du parc, lors des sorties calèche en baie de Somme, en ateliers avec les groupes scolaires… pour autant éduquer qu’apprendre avec les générations futures, actuelles ou plus anciennes.

Bienvenus en terres picardes, dans les Hauts-de-France, à Laëtita Bordier, Quentin Trevel, Violaine Doreau, Margot Tharan, Romane Sauleau, Léandre Combe, Léa Coftier, Matthieu Robert. Ils seront les ambassadeurs du Grand Site de France, de ses richesses écologiques et économiques : habitants de la Baie de Somme ou visiteurs d’un jour, chacun vivra à travers eux l’harmonie entre l’Homme et la nature

Texte : Philippe Carruette

Illustration : Alexander Hiley

Dimanche 10 mars, le parc subit la tempête comme tout le nord de la France, avec des vents de 110 km/h. Les oiseaux s’abritent dans les roselières, on ne voit que la tête des garrots au milieu des vagues et les foulques pâturent sur les prairies pour ne pas avoir “le mal de mer”…

Malgré cette météo dantesque, les visiteurs sont là. Michel Goin, adhérent photographe passionné, est au poste 8 et sitôt que j’entre dans l’abri, il me montre une superbe femelle de Faucon pèlerin en train de plumer une Foulque macroule.

Or lui a vu la sublime scène de chasse unique, et me la raconte : “Face au vent le rapace arrive en vol bas au ras des prairies à la manière de l’épervier. Les foulques sont trop occupées à manger au sol et le faucon en surprend une par derrière. Le combat s’engage”. La foulque adulte est un oiseau agressif et ne se laisse pas faire – mes doigts en sang s’en souviennent quand j’en bague ! Elle se met aussitôt sur le dos pour tenter de donner de violents coups de ses pattes griffues. Les oiseaux ont globalement la même masse, autour de 800 à 900 grammes, et roulent sur le sol. Les photos parlent d’elles-mêmes, et apportent tant d’informations éthologiques. Cette femelle de pèlerin a de l’expérience, elle sait maintenir les grosses pattes dangereuses de la proie dans ses serres, jusqu’à ce qu’une de celles-ci parvienne à percer la poitrine…

Elle va manger pendant une heure, commençant par plumer le cou où le plumage est moins dense. On sent, on comprend, que l’oiseau a faim et que le jabot vide met du temps à se remplir. C’est la même femelle que l’on a vu lors des jours venteux précédents, à subir des échecs lors de chasses sur la colonie de mouettes ou sur les Vanneaux huppés. Mais c’est souvent la règle chez le pèlerin, il faut souvent entre 7 et 10 “passes” du rapace pour une capture réussie !

Enfin elle essaie alors de s’envoler avec la proie… trop lourde… trop de prise au vent…

Que de belles images, d’émotions, de souvenirs de l’oiseau mythique qu’enfant je rêvais tant de voir “hors des livres reçus à Noël” ! Il a fallu attendre bien longtemps, trop longtemps. Mais heureusement l’animal ignore tout cela, que les Egyptiens en ont même fait un dieu (Horus, le Lointain) et l’ornithologue un symbole de protection gagnée… Il a juste tué librement pour vivre : il est la vie devant nous, avec nous, mais pas pour nous…

Merci Michel pour ces bons moments dans une belle ambiance de partages !

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Michel Goin

TELECHARGER le comptage du 8 mars 2019

En bref: 387 Sarcelles d’hiver, 170 Canards souchets, 50 Spatules blanches, 1 mâle de Harle piette…

P6281… Cela vous dit quelque chose ? ! Mais oui, un cigogneau bagué au poste 1 le 16 juin 2003 ! Le temps passe si vite ! Et bien Helana Del Valmos une ornithologue espagnole l’a observé à Pinto en banlieue de Madrid le 21 janvier 2019. A près de 17 ans on recherche le soleil pour les vacances d’hiver (la plus vieille cigogne née au parc a été électrocutée à 21 ans à Port le Grand) ! Et P6281 est vraiment très européenne puisque en mai 2007 elle nichait aux Pays Bas. Le 20 septembre 2014, elle avait été notée aussi en Espagne mais en Navarre à Tudela. Trois « cartes postales » en 21 ans, ce n’est pas beaucoup mais au moins elle est toujours vivante !