Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Ces derniers jours, la migration bat son plein ! Beaucoup d’oiseaux sont observés en stationnement sur le Parc : entre 100 et 200 Chevaliers gambettes, une dizaine de Chevalier aboyeurs, quelques Chevaliers arlequins sont visibles chaque jour. D’autres espèces plus anecdotiques peuvent être aperçues, telles que des Combattants variés ou les Bécasseaux variables. Ces limicoles regagnent leurs zones de reproduction plus nordiques ; certains remonteront jusque dans le cercle polaire, comme les Pluviers argentés !

Cela fait beaucoup d’oiseaux sur le Parc, mais il ne s’agit que d’un petit échantillon comparé à ce que l’on trouve en baie !

D’autres espèces se font en revanche plus rares, c’est le cas notamment des Barges à queue noire. Un peu plus d’une centaine d’individus ont passé l’hiver sur ici. Après les avoir vues progressivement acquérir leur plumage nuptial roux, elles sont rapidement parties vers leur destination de reproduction : l’Islande. Quelques-unes, encore peu colorées, sont toujours présentes.

La semaine du 24 avril a été importante pour la migration des sternes. Plusieurs individus de Sternes caugek et pierregarin ont été observés sur le Parc en halte. Mais c’est en mer que les passages ont été les plus impressionnants. Quelques courageux spotteurs du Cap Gris-nez (dans le Pas-de-Calais) ont vu plus de 12 000 Sternes pierregarin le lundi 24 avril et plus de 17 000 le jeudi 27, ce qui constitue le record de passage journalier de cette espèce sur ce haut lieu de suivi de migration !

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter le site : https://www.trektellen.org/. Il s’agit du site de référence où les comptages de migrations bénévoles sont transmis dans le monde entier.

Texte : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

Le mois dernier, un visiteur nous a rapporté un crime absolument inacceptable perpétré par une Gallinule poule-d’eau : celle-ci a été prise en flagrant délit de destruction d’espèce protégée, un acte d’autant plus répréhensible qu’il s’est produit au sein même de la Réserve naturelle. Jugez par vous-même : nous la voyons, sur cette photo, se saisir sans vergogne d’un malheureux triton – certainement un Triton ponctué (Lissotriton vulgaris), même si on ne peut exclure qu’il s’agisse d’un Triton palmé (Lissotriton helveticus), les observations de ce dernier demeurant toutefois exceptionnelles dans les dunes du Marquenterre. 

Mais peu importe : tous les amphibiens sont strictement protégés par la loi ! Et les cuisses de grenouilles me direz-vous ? Il existe de rares cas de dérogations pour certains élevages. Mais certainement pas pour notre gallinule vorace ! Prise la main dans le sac – ou, plutôt, le bec dans l’eau – la malotrue a été immédiatement verbalisée pour cette honteuse partie de pêche. 

Rappelons qu’en ce début de printemps, les braves tritons quittent les cachettes où ils ont hiberné – une souche d’arbre, une pierre douillette ou, à l’occasion, la cave de votre maison – pour rejoindre le point d’eau le plus proche, où ils espèrent trouver l’amour. Là, Monsieur Triton, bien incapable de chanter, séduit sa dulcinée en effectuant une danse sous-marine langoureuse lors de laquelle il fait onduler sa jolie queue. Hypnotique ! S’il constate que sa belle est bon public, le galant dépose alors au fond de l’eau un spermatophore, c’est-à-dire une petite capsule contenant ses gamètes. Dame Triton l’absorbe ensuite par son cloaque, sans même effleurer son époux. Une fois fécondée, elle pondra un œuf à la fois sur une feuille de plante aquatique, qu’elle prendra soin de replier délicatement en un écrin protecteur… Une bien belle histoire sabotée par notre oiseau gourmand !

Parce que nul n’est censé ignorer la loi, nous vous invitons à lire ci-dessous l’article 3 de l’Arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection :

Pour les espèces d’amphibiens et de reptiles dont la liste est fixée ci-après ⦍liste que nous ne détaillerons pas ici, mais qui mentionne bien nos 2 espèces de Lissotriton, NDLR⦎  :
1° Sont interdits, sur tout le territoire métropolitain et en tout temps :
– la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement des animaux ;
– la perturbation intentionnelle des animaux, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l’espèce considérée.
2° Sont interdits, sur tout le territoire national et en tout temps, la détention, le transport, la naturalisation, le colportage, la mise en vente, la vente ou l’achat, l’utilisation, commerciale ou non, des spécimens prélevés :
– dans le milieu naturel du territoire métropolitain de la France, après le 12 mai 1979 ;
– dans le milieu naturel du territoire européen des autres Etats membres de l’Union européenne, après la date d’entrée en vigueur de la directive du 21 mai 1992 susvisée.

À bon entendeur…!

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Pascal Regnier

 

Ce samedi 17 décembre, le parc depuis une semaine s’est habillé de blanc. Givre, glace, reste de neige recouvrent plans d’eau, prairies et sentiers avec mesures et délicatesse. Une brume peut s’inviter lorsque le vent d’est prend un répit, et si les trois Cygnes de Bewick veulent bien être présents, cela donne de petits airs de Petchora ou de Kolyma sibériennes ! La température n’est pourtant guère tombée plus bas que -6°C, mais en journée le dégel n’a pratiquement jamais eu lieu ces derniers jours. Il est vrai qu’on était plus habitué ces quatre dernières années. Mais est bien loin des vagues de froid de 1978/79, 1985, 1999 où les températures étaient tombées jusqu’à -21°C, 2008 ou 2010 ou 2015.

Certains oiseaux sont partis à quelques dizaines à centaines de kilomètres plus au sud comme les Vanneaux huppés ou les Pluviers dorés cherchant des terres non gelées. D’autres comme les Garrots ou les Grèbes huppés ont fait un saut de puce en mer en baie de Somme ou sur les grandes gravières libres de glace. D’autres font le gros dos attendant que cela passe comme les Barges à queue noire dormant sur la glace sur une patte au poste 6…Et puis c’est la surprise de croiser une Bécassine sourde au poste 1 ou de sentir que ces trois femelles de Harles piettes n’ont pas l’air plus perturbée que cela. Les fossés bien à l’abri du vent et végétalisés n’ont pas totalement gelés et sont salvateurs pour les Bécassines des marais. A leur vol plus lent, et leur retard pour décoller on voit que Bécasses des bois et Hérons gardeboeufs commencent à souffrir. Dimanche en fin d’après midi les températures vont déjà vite devenir positive. Le blanc va s’évanouir, le figé va redevenir liquide ou mobile. Il est temps pour certains, la résilience de la nature face à ce qu’elle connaît et produit est magique. L’hiver ne fait que commencer…

Depuis quelques jours l’entrée du parc est en effervescence. Pelles, grues et tracteurs s’activent sur le chemin d’accès, avec les équipes du Parc et du Syndicat Mixte. Après un léger déboisement les engins sont en train de récréer des pannes humides. Les pannes sont des dépressions entre deux cordons dunaires. De l’automne au début du printemps elles sont normalement alimentées par la montée de la nappe phréatique. Elles forment alors des espaces d’eau douce de surface très variable et fluctuante selon les années au cœur même du massif dunaire. Elles deviennent alors de véritables oasis humides au milieu de cet espace dunaire sec en surface.

Ces pannes sont d’une richesse vivante incroyable notamment au printemps avec les amphibiens (trois espèces de tritons, Crapaud calamite, Rainette arboricole…), les insectes aquatiques notamment de nombreuses libellules, oiseaux… En été elles s’assèchent progressivement avec la baisse de la nappe. Des plantes spécifiques s’installent alors adeptes de ces assecs naturels.

Chaque panne est différente physiquement et biologiquement en fonction de sa profondeur, son cortège végétal en bordure de berges, en surface et en profondeur… De véritables petits laboratoires vivant de biodiversité sans cesse en mouvement et en évolution. L’entrée du site est vraiment un lieu essentiel, bien plus qu’un simple axe routier avec son chemin caillouteux. Géographiquement et historiquement il est le départ, le lien essentiel entre la naissance du massif dunaire du Marquenterre proche de la mer et les zones basses cultivées où s’est installé le bien nommé hameau du Bout des Crocs (commune de Saint-Quentin-en-Tourmont) que vous traversez en arrivant. On le voit bien, en redonnant vie à ces anciennes pannes, à la couleur de la terre qui passe en quelques petits mètres de la couleur brune riche en humus forestier à la blondeur du sable dunaire. Il est aussi un axe de migrations pour nombre de passereaux notamment les espèces dites en « migrations rampantes » comme les roitelets, mésanges.. qui se déplacent d’arbres en buissons. C’est pour cela que la diversité forestière a été aussi maintenue avec de grands arbres, de vieilles aubépines (probablement centenaires pour certaines !), des aulnaies et bétulaies, bosquets de saules, tout en donnant une forte valeur esthétique au lieu notamment le matin quand la brume enveloppe l’espace… (moment magique!). La gestion des milieux c’est penser à tous et pour tous ! Aujourd’hui le défi n’est pas que de protéger la nature mais aussi et surtout de redonner de la nature à nos lieux de vie. Rendez-vous au printemps avec les guides naturalistes du parc pour découvrir avec surprise et bienveillance la colonisation du vivant sur ces lieux uniques.

Pour clore cette saison riche en découvertes naturalistes et en rencontres humaines sur le Parc du Marquenterre, voici un joli texte qui retrace une année d’observations sur ce site incontournable pour les oiseaux… et ceux qui les aiment. Merci à Quentin Libert pour ce petit moment de poésie !  

La magie du Marquenterre : toujours du changement dans l’air 

 

C’est fermé en janvier

Les oiseaux sont en congés

Vivent sans se faire reluquer

Ainsi commence leur année

 

Se remplissent en février

Les nids de la héronnière

Les futurs pères sont déter’

Si fiers de pouvoir nicher

 

Mars est là, mois des départs

Au revoir à tous les canards

Qui quittent leur quartier d’hiver

Qu’ils occupaient à peine hier

 

Avril on a le regard

Sur les cigognes, les limis

Les arrivants se préparent

Afin de faire des petits

 

On les voit surtout en mai

Les petits tout beaux tout frais

Certains sont très dégourdis

Ils ont déjà fui le nid

 

Juin, essaimage de fourmis

Pour elles c’est un grand défi

Que d’éviter les martins

Qui s’en font un ventre plein

 

Juillet, fini d’être serein

C’est la mue pour les parents

Se cacher est important

Pour pas finir en festin

 

En août début des retours

On revoit des combattants

Certains ont des restes d’atours

Autrefois si séduisants

 

Septembre, non c’est pas un rêve

Des courlis sur le parcours

Venus pour un court séjour

Se reposer sur la grève

 

En octobre matez les cieux

Plein de pinsons, tarins, grives

Vous n’en croirez pas vos yeux

Tous ces passereaux qui arrivent

 

Novembre, fin de la saison

C’est l’heure de faire ses adieux

Les guides partent en migration

Leurs souvenirs avec eux

 

En décembre faites attention

À ces belles lumières d’hiver

Qui éclairent d’une belle manière

Ces canards super canon

 

Du nouveau mois après mois

Jamais on ne s’en lassera

Y a toujours quelqu’chose à faire

Bienvenue au Marquenterre

 

Texte : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

La migration des passereaux bat son plein : Étourneaux sansonnets, Alouettes lulu, Pinsons des arbres, Tarins des aulnes, Grives mauvis, Choucas des tours… Les nuées d’oiseaux nous donnent le tournis ! Certains jours, ce sont plusieurs dizaines de milliers de courageux voyageurs qui nous survolent. Leur objectif : regagner les zones d’hivernage favorables, où ils pourront trouver les ressources alimentaires indispensables à leur survie.

Au Parc du Marquenterre, le point de vue qui se situe sur la dune originelle est le lieu idéal pour observer ce phénomène à l’automne. En effet, les oiseaux arrivant du nord ont tendance à “freiner des quatre plumes” lorsqu’ils aperçoivent la baie de Somme : cette vaste étendue est un désert à traverser, qu’il soit de vase ou d’eau selon la marée. Ils préfèrent donc la contourner par les terres parsemées d’arbres et de buissons, plus propices pour se cacher en cas de danger, déjeuner à l’abri dans les argousiers ou tout simplement se poser s’ils sont trop fatigués. 

Afin de profiter au mieux du spectacle, mais surtout d’étudier le plus rigoureusement possible cette odyssée annuelle, il faut se réveiller de bonne heure. En effet, le suivi de migration s’effectue dès le lever du jour. Jumelles, longue-vue, clicker, carnet, stylo et, surtout, thermos de café : voici l’équipement indispensable des “spotteurs”, les observateurs qui se chargent de compter les oiseaux en migration. En fonction des conditions météorologiques – vent, pluviométrie, luminosité… – il est plus ou moins aisé de capter les globe-trotters. Certains matins ils volent très haut ; ou bien plus à l’intérieur des terres ; et parfois, carrément en mer. Néanmoins, grâce à ce suivi les connaissances ornithologiques s’améliorent : état des populations, routes empruntées, risques naturels et anthropiques, calendriers et stratégies migratoires… Et au-delà du savoir scientifique, les oiseaux nous offrent un moment d’évasion à moindre frais !

Si vous souhaitez consulter les résultats de ces comptages et prendre part à cet émerveillement du quotidien, voici deux sites sur lesquels vous trouverez nombre d’informations très instructives :

https://www.migraction.net/

https://www.trektellen.org/

À vos clickers ! 

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Alexander Hiley

Profitant des faibles niveaux d’eau de cet été, d’importants travaux ont lieu en fin de parcours. Grue (jaune, pas cendrée !), tracteur et dumper sont en action pour retrouver des zones de marais favorables tant aux oiseaux qu’à l’ensemble de la diversité animale et végétale. 

Au poste 11 le plan d’eau s’est progressivement atterri. Le développement de la végétation aquatique puis terrestre a comblé peu à peu la dépression, jusqu’à l’assécher totalement ces dernières années. Un étrépage de 30 centimètres pour retrouver le fond d’origine, un creusement sur certains secteurs plus profonds, un reprofilage des berges vont permettre de retrouver l’eau et la fonctionnalité de l’îlot central maintenu riche en végétation palustre. Les derniers travaux sur ce lieu remontent à 2002, où cet espace était très favorable aux petits chevaliers avec des regroupements importants de Chevaliers culblancs et sylvains en migration post-nuptiale. 

Au poste 12, un étrépage est également effectué pour maintenir des eaux libres dans la première partie de la dépression, avec un reprofilage des berges. Deux îlots reposoirs sont créés principalement pour les Sarcelles d’hiver.

Les « traces » de tous ces travaux vont vite s’estomper : la dynamique végétale sur ces terrains légers et humides reprendra rapidement sa place, et au printemps prochain on ne se rendra plus compte que l’homme a travaillé là pour préserver une grande diversité de milieux, et donc d’espèces, sur cet espace en perpétuelle évolution !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Philippe Carruette, Alexander Hiley

Nous l’attendions depuis des mois : le parfum Pétrichor est enfin sorti, pour le plus grand bonheur de nos narines desséchées ! C’était le 2 septembre dernier, à 13h55 exactement, lorsque tombèrent du ciel quelques gouttes salutaires…

Mais de quoi parle-on exactement ? Tout simplement de cette délicieuse odeur de terre humide qui se dégage lors de la première pluie consécutive à une période chaude et sèche. Et comme cette période fut longue, très longue, au Parc du Marquenterre comme ailleurs ! 

Ce mot fut judicieusement inventé en 1964 par une chimiste et un minéralogiste australiens – visiblement très inspirés par la mythologie grecque – à partir de petra, signifiant “pierre”, et ichor, terme désignant le sang des dieux. Image poétique d’une émanation divine… Vraiment ? 

Pour mieux comprendre ce phénomène, détournons-nous des idoles, et soyons un peu plus terre à terre… dans tous les sens du terme. En effet, cette douce fragrance est due, en réalité, au peuple invisible qui grouille sous nos pieds : les actinobactéries et les cyanobactéries, qui comprennent quelques-uns des acteurs principaux de la vie du sol et, en définitive, de la vie tout court ! En effet, grâce à elles, la matière organique morte est décomposée, la photosynthèse assurée, les cycles du carbone et de l’azote préservés… Cela commence à sentir bon.

Afin de se reproduire, ces chers microbes fabriquent des spores, et synthétisent par la même occasion la géosmine, un composé organique volatil qui sera la note de tête de notre parfum. Ajoutons une pointe d’huile distillée par certaines plantes dont nous garderons le secret – la note de cœur – et un soupçon de molécules d’ozone exhalant leur arôme dans l’atmosphère – la note de fond : voici l’accord parfait ! 

Afin que l’alchimie opère, il ne manque qu’une belle ondée. Lorsqu’elles s’abattent sur terre et s’infiltrent dans les interstices du sol, les gouttes de pluie génèrent de minuscules bulles qui explosent au contact de l’air, et diffusent notre substance aromatique, tel un aérosol. Magique ! 

Par chance, notre nez, qui a perdu beaucoup de son flair pendant les longs millénaires d’évolution, a su rester particulièrement sensible à cette effluve, synonyme, peut-être, de la fin de la sécheresse… et du retour de l’abondance. Alors quand viendra l’averse, fermez les yeux, inspirez, et laissez-vous enivrer par ce bouquet subtil de pétrichor !  

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Clément Parissot