Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

 

Ce samedi 17 décembre, le parc depuis une semaine s’est habillé de blanc. Givre, glace, reste de neige recouvrent plans d’eau, prairies et sentiers avec mesures et délicatesse. Une brume peut s’inviter lorsque le vent d’est prend un répit, et si les trois Cygnes de Bewick veulent bien être présents, cela donne de petits airs de Petchora ou de Kolyma sibériennes ! La température n’est pourtant guère tombée plus bas que -6°C, mais en journée le dégel n’a pratiquement jamais eu lieu ces derniers jours. Il est vrai qu’on était plus habitué ces quatre dernières années. Mais est bien loin des vagues de froid de 1978/79, 1985, 1999 où les températures étaient tombées jusqu’à -21°C, 2008 ou 2010 ou 2015.

Certains oiseaux sont partis à quelques dizaines à centaines de kilomètres plus au sud comme les Vanneaux huppés ou les Pluviers dorés cherchant des terres non gelées. D’autres comme les Garrots ou les Grèbes huppés ont fait un saut de puce en mer en baie de Somme ou sur les grandes gravières libres de glace. D’autres font le gros dos attendant que cela passe comme les Barges à queue noire dormant sur la glace sur une patte au poste 6…Et puis c’est la surprise de croiser une Bécassine sourde au poste 1 ou de sentir que ces trois femelles de Harles piettes n’ont pas l’air plus perturbée que cela. Les fossés bien à l’abri du vent et végétalisés n’ont pas totalement gelés et sont salvateurs pour les Bécassines des marais. A leur vol plus lent, et leur retard pour décoller on voit que Bécasses des bois et Hérons gardeboeufs commencent à souffrir. Dimanche en fin d’après midi les températures vont déjà vite devenir positive. Le blanc va s’évanouir, le figé va redevenir liquide ou mobile. Il est temps pour certains, la résilience de la nature face à ce qu’elle connaît et produit est magique. L’hiver ne fait que commencer…

Depuis quelques jours l’entrée du parc est en effervescence. Pelles, grues et tracteurs s’activent sur le chemin d’accès, avec les équipes du Parc et du Syndicat Mixte. Après un léger déboisement les engins sont en train de récréer des pannes humides. Les pannes sont des dépressions entre deux cordons dunaires. De l’automne au début du printemps elles sont normalement alimentées par la montée de la nappe phréatique. Elles forment alors des espaces d’eau douce de surface très variable et fluctuante selon les années au cœur même du massif dunaire. Elles deviennent alors de véritables oasis humides au milieu de cet espace dunaire sec en surface.

Ces pannes sont d’une richesse vivante incroyable notamment au printemps avec les amphibiens (trois espèces de tritons, Crapaud calamite, Rainette arboricole…), les insectes aquatiques notamment de nombreuses libellules, oiseaux… En été elles s’assèchent progressivement avec la baisse de la nappe. Des plantes spécifiques s’installent alors adeptes de ces assecs naturels.

Chaque panne est différente physiquement et biologiquement en fonction de sa profondeur, son cortège végétal en bordure de berges, en surface et en profondeur… De véritables petits laboratoires vivant de biodiversité sans cesse en mouvement et en évolution. L’entrée du site est vraiment un lieu essentiel, bien plus qu’un simple axe routier avec son chemin caillouteux. Géographiquement et historiquement il est le départ, le lien essentiel entre la naissance du massif dunaire du Marquenterre proche de la mer et les zones basses cultivées où s’est installé le bien nommé hameau du Bout des Crocs (commune de Saint-Quentin-en-Tourmont) que vous traversez en arrivant. On le voit bien, en redonnant vie à ces anciennes pannes, à la couleur de la terre qui passe en quelques petits mètres de la couleur brune riche en humus forestier à la blondeur du sable dunaire. Il est aussi un axe de migrations pour nombre de passereaux notamment les espèces dites en « migrations rampantes » comme les roitelets, mésanges.. qui se déplacent d’arbres en buissons. C’est pour cela que la diversité forestière a été aussi maintenue avec de grands arbres, de vieilles aubépines (probablement centenaires pour certaines !), des aulnaies et bétulaies, bosquets de saules, tout en donnant une forte valeur esthétique au lieu notamment le matin quand la brume enveloppe l’espace… (moment magique!). La gestion des milieux c’est penser à tous et pour tous ! Aujourd’hui le défi n’est pas que de protéger la nature mais aussi et surtout de redonner de la nature à nos lieux de vie. Rendez-vous au printemps avec les guides naturalistes du parc pour découvrir avec surprise et bienveillance la colonisation du vivant sur ces lieux uniques.

Pour clore cette saison riche en découvertes naturalistes et en rencontres humaines sur le Parc du Marquenterre, voici un joli texte qui retrace une année d’observations sur ce site incontournable pour les oiseaux… et ceux qui les aiment. Merci à Quentin Libert pour ce petit moment de poésie !  

La magie du Marquenterre : toujours du changement dans l’air 

 

C’est fermé en janvier

Les oiseaux sont en congés

Vivent sans se faire reluquer

Ainsi commence leur année

 

Se remplissent en février

Les nids de la héronnière

Les futurs pères sont déter’

Si fiers de pouvoir nicher

 

Mars est là, mois des départs

Au revoir à tous les canards

Qui quittent leur quartier d’hiver

Qu’ils occupaient à peine hier

 

Avril on a le regard

Sur les cigognes, les limis

Les arrivants se préparent

Afin de faire des petits

 

On les voit surtout en mai

Les petits tout beaux tout frais

Certains sont très dégourdis

Ils ont déjà fui le nid

 

Juin, essaimage de fourmis

Pour elles c’est un grand défi

Que d’éviter les martins

Qui s’en font un ventre plein

 

Juillet, fini d’être serein

C’est la mue pour les parents

Se cacher est important

Pour pas finir en festin

 

En août début des retours

On revoit des combattants

Certains ont des restes d’atours

Autrefois si séduisants

 

Septembre, non c’est pas un rêve

Des courlis sur le parcours

Venus pour un court séjour

Se reposer sur la grève

 

En octobre matez les cieux

Plein de pinsons, tarins, grives

Vous n’en croirez pas vos yeux

Tous ces passereaux qui arrivent

 

Novembre, fin de la saison

C’est l’heure de faire ses adieux

Les guides partent en migration

Leurs souvenirs avec eux

 

En décembre faites attention

À ces belles lumières d’hiver

Qui éclairent d’une belle manière

Ces canards super canon

 

Du nouveau mois après mois

Jamais on ne s’en lassera

Y a toujours quelqu’chose à faire

Bienvenue au Marquenterre

 

Texte : Quentin Libert / Illustration : Alexander Hiley

La migration des passereaux bat son plein : Étourneaux sansonnets, Alouettes lulu, Pinsons des arbres, Tarins des aulnes, Grives mauvis, Choucas des tours… Les nuées d’oiseaux nous donnent le tournis ! Certains jours, ce sont plusieurs dizaines de milliers de courageux voyageurs qui nous survolent. Leur objectif : regagner les zones d’hivernage favorables, où ils pourront trouver les ressources alimentaires indispensables à leur survie.

Au Parc du Marquenterre, le point de vue qui se situe sur la dune originelle est le lieu idéal pour observer ce phénomène à l’automne. En effet, les oiseaux arrivant du nord ont tendance à “freiner des quatre plumes” lorsqu’ils aperçoivent la baie de Somme : cette vaste étendue est un désert à traverser, qu’il soit de vase ou d’eau selon la marée. Ils préfèrent donc la contourner par les terres parsemées d’arbres et de buissons, plus propices pour se cacher en cas de danger, déjeuner à l’abri dans les argousiers ou tout simplement se poser s’ils sont trop fatigués. 

Afin de profiter au mieux du spectacle, mais surtout d’étudier le plus rigoureusement possible cette odyssée annuelle, il faut se réveiller de bonne heure. En effet, le suivi de migration s’effectue dès le lever du jour. Jumelles, longue-vue, clicker, carnet, stylo et, surtout, thermos de café : voici l’équipement indispensable des “spotteurs”, les observateurs qui se chargent de compter les oiseaux en migration. En fonction des conditions météorologiques – vent, pluviométrie, luminosité… – il est plus ou moins aisé de capter les globe-trotters. Certains matins ils volent très haut ; ou bien plus à l’intérieur des terres ; et parfois, carrément en mer. Néanmoins, grâce à ce suivi les connaissances ornithologiques s’améliorent : état des populations, routes empruntées, risques naturels et anthropiques, calendriers et stratégies migratoires… Et au-delà du savoir scientifique, les oiseaux nous offrent un moment d’évasion à moindre frais !

Si vous souhaitez consulter les résultats de ces comptages et prendre part à cet émerveillement du quotidien, voici deux sites sur lesquels vous trouverez nombre d’informations très instructives :

https://www.migraction.net/

https://www.trektellen.org/

À vos clickers ! 

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Alexander Hiley

Profitant des faibles niveaux d’eau de cet été, d’importants travaux ont lieu en fin de parcours. Grue (jaune, pas cendrée !), tracteur et dumper sont en action pour retrouver des zones de marais favorables tant aux oiseaux qu’à l’ensemble de la diversité animale et végétale. 

Au poste 11 le plan d’eau s’est progressivement atterri. Le développement de la végétation aquatique puis terrestre a comblé peu à peu la dépression, jusqu’à l’assécher totalement ces dernières années. Un étrépage de 30 centimètres pour retrouver le fond d’origine, un creusement sur certains secteurs plus profonds, un reprofilage des berges vont permettre de retrouver l’eau et la fonctionnalité de l’îlot central maintenu riche en végétation palustre. Les derniers travaux sur ce lieu remontent à 2002, où cet espace était très favorable aux petits chevaliers avec des regroupements importants de Chevaliers culblancs et sylvains en migration post-nuptiale. 

Au poste 12, un étrépage est également effectué pour maintenir des eaux libres dans la première partie de la dépression, avec un reprofilage des berges. Deux îlots reposoirs sont créés principalement pour les Sarcelles d’hiver.

Les « traces » de tous ces travaux vont vite s’estomper : la dynamique végétale sur ces terrains légers et humides reprendra rapidement sa place, et au printemps prochain on ne se rendra plus compte que l’homme a travaillé là pour préserver une grande diversité de milieux, et donc d’espèces, sur cet espace en perpétuelle évolution !

Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Philippe Carruette, Alexander Hiley

Nous l’attendions depuis des mois : le parfum Pétrichor est enfin sorti, pour le plus grand bonheur de nos narines desséchées ! C’était le 2 septembre dernier, à 13h55 exactement, lorsque tombèrent du ciel quelques gouttes salutaires…

Mais de quoi parle-on exactement ? Tout simplement de cette délicieuse odeur de terre humide qui se dégage lors de la première pluie consécutive à une période chaude et sèche. Et comme cette période fut longue, très longue, au Parc du Marquenterre comme ailleurs ! 

Ce mot fut judicieusement inventé en 1964 par une chimiste et un minéralogiste australiens – visiblement très inspirés par la mythologie grecque – à partir de petra, signifiant “pierre”, et ichor, terme désignant le sang des dieux. Image poétique d’une émanation divine… Vraiment ? 

Pour mieux comprendre ce phénomène, détournons-nous des idoles, et soyons un peu plus terre à terre… dans tous les sens du terme. En effet, cette douce fragrance est due, en réalité, au peuple invisible qui grouille sous nos pieds : les actinobactéries et les cyanobactéries, qui comprennent quelques-uns des acteurs principaux de la vie du sol et, en définitive, de la vie tout court ! En effet, grâce à elles, la matière organique morte est décomposée, la photosynthèse assurée, les cycles du carbone et de l’azote préservés… Cela commence à sentir bon.

Afin de se reproduire, ces chers microbes fabriquent des spores, et synthétisent par la même occasion la géosmine, un composé organique volatil qui sera la note de tête de notre parfum. Ajoutons une pointe d’huile distillée par certaines plantes dont nous garderons le secret – la note de cœur – et un soupçon de molécules d’ozone exhalant leur arôme dans l’atmosphère – la note de fond : voici l’accord parfait ! 

Afin que l’alchimie opère, il ne manque qu’une belle ondée. Lorsqu’elles s’abattent sur terre et s’infiltrent dans les interstices du sol, les gouttes de pluie génèrent de minuscules bulles qui explosent au contact de l’air, et diffusent notre substance aromatique, tel un aérosol. Magique ! 

Par chance, notre nez, qui a perdu beaucoup de son flair pendant les longs millénaires d’évolution, a su rester particulièrement sensible à cette effluve, synonyme, peut-être, de la fin de la sécheresse… et du retour de l’abondance. Alors quand viendra l’averse, fermez les yeux, inspirez, et laissez-vous enivrer par ce bouquet subtil de pétrichor !  

Texte : Cécile Carbonnier / Illustration : Clément Parissot

Dès l’aube, bien avant l’ouverture du Parc au public, le lieu s’anime déjà :  ici comme sur les autres terrains du Conservatoire du Littoral gérés par le Syndicat Mixte Baie de Somme – Grand Littoral Picard, les équipes techniques arrivent très tôt le matin pour entreprendre des travaux annuels de grande ampleur : le fauchage des prairies. Bravant la chaleur estivale, ces travailleurs de l’ombre se rendent dans la zone du Parc surnommée la “plaine aux mouflons”, une prairie humide de 20 hectares située à l’ouest du site, où s’épanouit une végétation pionnière composée, entre autres, de joncs et de carex remarquables. En quelques jours y seront coupés, pressés puis exportés pas moins de 420 ballots pesant chacun en moyenne 22 kilogrammes, ce qui équivaut à… 9,2 tonnes de végétation ainsi manipulée ! 

Mais au fait, pourquoi faucher ? L’évolution rapide des milieux de vie aboutit progressivement à leur fermeture. Les prairies herbacées ont tendance, naturellement, à s’embroussailler, avant de céder leur place aux arbres. Et à ce petit jeu, les saules sont des champions : en l’espace de 2 à 3 ans, ils atteignent aisément 1,20 à 1,60 mètres ! Or les prairies humides représentent un habitat unique, où s’épanouit une flore pionnière patrimoniale qui représente un enjeu de conservation majeur inscrit dans le plan de gestion de la Réserve Naturelle Nationale de la Baie de Somme. Afin d’éviter qu’une saulaie ne s’installe, le pâturage par les vaches Highland Cattle et les chevaux Henson représente une solution, mais la gourmandise de ces “tondeuses” vivantes a des limites : sans fauche, la végétation non appétante gagnerait du terrain. Adieu alors la Parnassie des marais et les belles orchidées !  

D’un point de vue avifaunistique, ces secteurs ras sont également très appréciés des Vanneaux huppés, qui peuvent y nicher au printemps et s’y reposer en-dehors de la saison de reproduction, mais aussi des Oies cendrées qui trouvent là des zones de nourrissage exquises. Les Hérons garde-boeufs profitent quant à eux des travaux pour suivre les tracteurs, et glaner ça et là les insectes et amphibiens en fuite ! Afin de garantir une gestion différenciée, notons qu’un tiers de la prairie sera laissé en libre évolution jusqu’à l’année prochaine : passereaux, insectes et micromammifères pourront ainsi se cacher dans les herbes hautes… 

Mais que faire de tous ces ballots ? Un château de paille ? Presque ! Une forteresse contre l’érosion marine ! En effet, le produit de la fauche a été exporté et valorisé un peu plus au nord, sur le cordon dunaire du Marquenterre, au niveau d’un siffle-vent (c’est-à-dire un couloir où s’engouffrent les courants d’air, générant les mêmes effets qu’une soufflerie géante) créé par le piétinement répété dans ce secteur. Rappelons d’ailleurs que la dune est un habitat fragile que maintient une végétation modeste. Pourtant, elle représente aussi notre principal rempart face à la mer. Alors respectons-là, et ne sortons pas des sentiers balisés !

Les travaux se poursuivront durant toute la saison estivale : les équipes techniques s’attaqueront bientôt aux zones de bas-marais du Parc, puis au banc de l’Islette, où pousse une plante très rare et menacée, la Pédiculaire des marais. Bravo et merci à Francis Pringarbe, Cédric Jolibois, David Delhaye, Jean-Yann Descamps, ainsi qu’aux gardes de la Réserve !

Texte : Cécile Carbonnier / Illustrations : Nicolas Bryant, Cédric Jolibois, Jean-Yann Descamps

Petite rétrospective « en vrac » sur cette année riche… comme chaque année , d’observations ornithologiques !

L’hivernage 2021 est marqué par la présence de canards peu communs mais néanmoins habituels dont 11 Garrots à oeil d’or et 8 Harles piettes. Baie sud, au Hable d’Ault, le spectacle est impressionnant… suite à la vague de froid plus de 15 000 Canards siffleurs sont observés de passage, en compagnie de quelques Harles bièvres, Fuligules milouinans et Grèbes esclavons. Au Marquenterre ce sont 7 Cygnes de Bewicks qui sont notés presque tout l’hiver. Début mars, un Butor étoilé marque le retour du printemps. Suivent quelques premiers migrateurs : Milan royal, Héron pourpré, Sarcelles d’été. La première Hirondelle rustique est notée le 28 mars. Un couple de Fuligules à bec cerclé fait son « show » début avril. Une Guifette moustac est observée le 8 mai, tandis qu’un étrange bécasseau hybride fait une réapparition. Un Chevalier stagnatile se pose sur les ilôts du parc mi-mai, courant juin fera le bonheur des observateurs avec une Harelde boréale et un Guêpier d’Europe. L’habituel balet des Cigognes noires survolera le parc et la baie dès la mi-juillet. Septembre, mois des rapaces avec des obs régulières de Balbuzard pêcheur, et en octobre une exceptionnelle première donnée d’Elanion blanc. Elle suit avec une première visite de Chevalier à pattes jaunes début octobre (2 nouvelles coches pour le Parc !). Un nouveau élanion est observé survolant le parc fin octobre tandis qu’une Pie-grièche grise est identifiée à plusieurs reprises jusqu’à la fin décembre.

2022 sera sans nul doute tout aussi excitant ! Nous vous souhaitons une excellente année, et merci pour votre confiance et fidélité dans ces temps marqués par des incertitudes répétées.

L’ensemble des observateurs et guides naturalistes de la réserve.