Des billets sur l’actualité saisonnière des oiseaux, des observations naturalistes, des données inédites de baguage… vous pouvez également soumettre vos observations et photos.

Sur les chemins du petit parcours, une plante bien discrète a fait son apparition. Modeste touffe verte au ras du sol, elle forme une jolie souche circulaire gazonnante où s’exprime une multitude de tiges, au bout desquelles on aperçoit une délicate inflorescence brune. Du haut de ses 10 centimètres, voici le Scirpe penché (Isolepis cernua). Petit, mais exigeant ! Pour se développer, il nécessite un sol pionnier, sur un substrat sableux humide ou tourbeux, avec un pH élevé et oligotrophe, c’est-à-dire assez pauvre en nutriments.

En Hauts-de-France, il n’avait pas été observé pendant de longues années et semblait proche de l’extinction régionale. Récemment, une petite station a été découverte dans le marais de Cambron à l’ouest d’Abbeville, une autre dans les marais de Saint-Josse, ainsi qu’une importante population dans la Réserve naturelle de la Baie de Somme, essentiellement sur l’Anse Bidard.

S’il est arrivé au Marquenterre, ça n’est pas un hasard. Cet hiver, sur le petit parcours, l’équipe d’entretien du Parc a procédé à des opérations d’étrépage. Ces travaux de gestion consistent en la suppression de la couche superficielle du sol, sur quelques centimètres. La terre, ainsi mise en lumière et débarrassée d’une épaisseur riche en matière organique, permet donc l’expression de plantes pionnières oligotrophiles ; des graines, en dormance dans le sol depuis parfois plusieurs décennies, trouvent alors les conditions adéquates pour sortir d’un long sommeil ! Sur le territoire national, cette flore particulière est généralement menacée, car la réunion de ces conditions est devenue bien rare. Comme quoi, cela a du bon parfois de faire tabula rasa !

Texte : Benjamin Blondel, Cécile Carbonnier

Illustrations : Cécile Carbonnier

Vous l’avez peut-être déjà aperçue durant une de vos balades au Marquenterre, en portant votre regard vers une mare ou un fossé inondé. Elle est bien souvent la proie des hérons, grèbes et autres oiseaux piscivores…

Ce petit carnivore si particulier, c’est l’Épinoche à trois épines (Gasterosteus aculeatus) ! Elle tient son nom des nombreux aiguillons défensifs présents sur son corps, et notamment des grandes proéminences pointues, au nombre d’une à quatre, précédant la nageoire dorsale. La taille moyenne de cette espèce va pour les femelles de 3,5 cm à 12 cm. Les mâles, beaucoup plus petits, mesurent quant à eux seulement 2 à 5 cm. On la retrouve sur la quasi-totalité du territoire français, dans les étangs, les marais, les rivières de plaine et même les estuaires.

Mais c’est surtout la reproduction, appelé frai chez les poissons, qui rend cette espèce si atypique ! Le mâle arbore alors des couleurs particulièrement éclatantes. Il est facilement identifiable à l’iris de l’œil bleu marine, à sa gorge, son ventre et ses flancs rouges, ainsi qu’au dos d’un vert bleu métallique. De mars à juillet, celui-ci va s’atteler à la construction d’un nid presque exclusivement constitué de débris végétaux, agglomérés par une colle produite grâce à une glande interne. Le domicile familial sera alors placé au centre d’un petit territoire, défendu vigoureusement contre tout intrus.

Le mâle va ensuite accueillir parfois plusieurs femelles, celles-ci déposant leurs œufs dans son nid. Plusieurs centaines d’ovocytes pourront y être pondus, et seront fécondés puis oxygénés par monsieur, les ventilant à l’aide de ses nageoires pectorales. Les alevins vont naître quelques jours après, et seront protégés par l’adulte durant une semaine, jusqu’à leur complète autonomie. Les jeunes se disperseront ensuite dans la végétation, où ils pourront alors se délecter de petits animaux : invertébrés, larves d’insectes…

Grèbe castagneux ayant pêché une épinoche, Dominique Artis

Particulièrement peu exigeante en terme d’habitat, et pouvant s’adapter à des surfaces très restreintes, l’épinoche à trois épines est logiquement présente sur presque tous les plans d’eau du Parc. Alors n’hésitez pas à jeter un coup d’œil avec vos jumelles, qui sait…

Texte : Léandre Combe

Illustrations : Léandre Combe, Dominique Artis

Après le jaune des cocristes en fin de printemps, le mauve des salicaires de juillet, le marais se repeint en blanc avec le développement des tapis de Parnassie des marais (Parnassia palustris). Elle est facilement reconnaissable à ses fleurs blanches lumineuses à cinq pétales veinés de vert faisant penser de loin à celles du fraisier. Ses feuilles sont aussi caractéristiques : ovales, en forme de cœur, elles sont disposées à la base de la tige, sauf une qui se situe en son milieu (feuille caulinaire). 

En Europe on la trouve surtout dans les prairies humides et tourbières de haute montagne où elle semble plus petite que celle de plaine. Elle est particulièrement abondante sur le Parc, dans les dépressions dunaires calcaires du début du parcours ou sur la panne devant le pavillon d’accueil. La saison sèche a provoqué une floraison tardive et plus difficile, faisant craindre sa pénurie, mais l’humidité d’août a redonné l’abondante blancheur au bas marais.

Son nectar attire nombre d’insectes, surtout les syrphes qui peuvent ainsi la féconder en apportant du pollen à d’autres individus. Les petites graines, contenues dans une capsule, sont très nombreuses, facilitant la dissémination par le vent et l’eau lors de la submersion du bas marais en automne. Cette espèce est protégée dans les Hauts-de-France comme dans de nombreux départements de plaine.

Linné, séduit par sa beauté, lui a attribué le nom du Mont Parnasse en Grèce centrale, terre mythologique de muses et de poètes.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley

Amis du Marquenterre,

Vous aviez participé pour certains à notre première édition en 2018 ! Le Big Day revient… avec un objectif encore plus fou sur le nombre d’espèces d’oiseaux comptabilisées en une seule journée !

Quand ?

Le 28 septembre de 9h à 17h

Comment ?

Une fois l’équipe formée (en avance ou le jour J), comptabilisez toutes les espèces que vous observerez. Attention, pas la peine de cocher le Bulbul des marais !

S’inscrire ?

Carte d’adhérent à jour (gratuit) ou s’acquitter du droit d’entrée (10,50€/ad)

Réservation OBLIGATOIRE avant le 25 septembre auprès de guidenaturemarquenterre@baiedesomme.fr

Informations complètes : http://bit.ly/BigDayMarquenterre2019

A très bientôt ! On vous réserve quelques espèces rares…

Sur les dunes grises, il y a un bel arbre qui mérite tout notre attention. Tronc tortueux, port “à genoux” malmené par les vents d’Ouest, le Fusain fait office de vieux monument végétal. Il ne vit pourtant guère longtemps et sa croissance est rapide, toujours à la recherche de la lumière – on parle d’espèce héliophile

Ce petit arbre est surtout remarquable par ses fruits à l’automne, des capsules roses laissant voir à maturité des graines orange toxiques : les fameux bonnets d’évêque dont on faisait, enfant, des colliers baba cool ! Son feuillage prend aussi des teintes rougeâtres du plus bel effet.

Il était surtout connu pour son bois carbonisé en vase clos produisant un charbon apprécié des dessinateurs ; quant à son bois naturel, lui est encore utilisé en horlogerie.

Plusieurs espèces de chenilles de papillons nocturnes apprécient ses feuilles pourtant toxiques, comme celle de la Phalène du fusain (Ligdia adustata) présente sur le Parc.

Texte et illustrations : Philippe Carruette

La Sterne caugek a effectué de nombreuses tentatives de nidification au Parc ; jusqu’à maintenant aucune n’avait abouti… Dès 1985 elle montre des comportements de reproduction et depuis 1997, l’espèce niche, mais sans succès, malgré des efforts de gestion en sa faveur. Installée parmi la colonie de mouettes, cachée dans la végétation et protégée des prédateurs terrestres par la clôture de l’observatoire n°1, il semblerait que cette année elle ait enfin trouvé les conditions idéales pour mener à bien sa reproduction.

Début juin, une vague de 143 individus est observée en stationnement ; quelques jours plus tard, leurs cris rauques et puissants résonnent, les marches frénétiques et les échanges de poissons sont de plus en plus réguliers. Huppes hérissées, la cérémonie a commencé : un préalable à l’installation de couples nicheurs. Une vingtaine d’individus sont couchés au sol les jours suivants, la nidification se confirme. Cette petite colonie nous arrive très certainement du hâble d’Ault après qu’elle a subi un dérangement aujourd’hui inexpliqué. Suite à l’abandon soudain de ce site, certains individus se seraient réfugiés au Parc. C’est un comportement souvent observé, une colonie entière – ou seulement l’une de ses parties – peut transférer ses quartiers à la suite de perturbations humaines ou d’une très forte prédation.

Fin juillet, le nombre de naissances s’élève à une dizaine d’oiseaux parvenus à l’envol. Durant 5 jours environ, nous avons été témoins du déplacement d’un îlot à l’autre des adultes, accompagnés des juvéniles capables de marcher. La présence de rats surmulots a pu stresser et perturber les oiseaux. D’ailleurs les parents restent toujours vigilants, ils escortent les jeunes qui quittent le nid et explorent les alentours. Capables de former des crèches, des dizaines d’individus participent à cette surveillance. Si le groupe s’envole suite à une perturbation, les juvéniles se retrouvent seuls et courent s’enfouir dans la végétation ! Il est néanmoins possible que certains poussins issus des dernières éclosions aient pu être abandonnés.

Ajoutons qu’à cette date, les caugeks sont en pleine course contre la montre : une fois les jeunes prêts à suivre les adultes, elles décident de partir afin d’éviter une migration tardive. Dès que le dernier poussin a su prendre son envol, le grand départ a eu lieu. Déjà en route vers les quartiers d’hiver, nous leur souhaitons un beau voyage et nous espérons revoir le bout de leur joli bec l’année prochaine.

Texte et illustrations : Gaëlle Micheli

La dune grise – ou fixée – n’est plus en contact direct avec la mer et les embruns, à l’inverse de la dune blanche mobile. Elle est caractérisée par une végétation rase formant une pelouse grise en période estivale, d’où son nom. 

Sur le Parc, 80% des espèces de mousses et lichens – la strate bryo-lichénique – sont adaptés à ce milieu aride, quasi désertique. La plus connue est la Tortule des dunes (Syntrichia ruralis var. ruraliformis). Elle peut se laisser dessécher totalement pendant des mois, ne profitant que de l’humidité de l’air. Mais dès l’apparition d’une averse, elle reverdit comme par magie et déploie ses feuilles fluorescentes en forme d’étoile !

Tortule des dunes

Empêchant le sable de voler, c’est la base de la production d’humus qui va permettre l’installation de plantes pionnières, comme la rare Pensée de Curtis (Viola tricolor subsp. curtisii), le Poivre des murailles (Sedum acre) aux feuilles charnues, qui sont autant de réserves d’eau, ou l’Erodium des dunes (Erodium cicutarium subsp. dunense) aux racines profondes captant l’humidité. Le Myosotis hérissé (Myosotis ramosissima), quant à lui, profite des zones ensoleillées enrichies par les déjections des lapins. Pour la petite histoire, Myosotis vient du grec myos (souris) et otos (oreille), allusion aux feuilles poilues rappelant les oreilles des rongeurs. Sur les secteurs les plus stables et anciens, la dune peut se colorer en jaune par la présence du Gaillet jaune (Galium verum) à l’odeur discrète de miel, souvent associé à la Canche blanchâtre (Corynephorus canescens) ou à la Fléole des sables (Phleum arenarium). On y retrouve aussi l’Asperge sauvage (Asparagus officinalis) qui était autrefois cultivée dans les dunes.

Myosotis hérissé

C’est sur cet habitat rare que des passereaux, comme le Traquet motteux, vont nicher dans les terriers de lapins, ou que les Linottes mélodieuses vont se gaver de graines d’Erodium. Ce milieu est particulièrement fragile et ne supporte aucun piétinement humain ou équin, mais se maintient en état grâce à la présence de fortes densités de lapins de garenne. Sa stabilité a facilité la plantation, entre les deux guerres, de Pins laricios qui ont conduit à sa quasi-disparition.

À la mort de toutes ces plantes à l’automne, le sol va encore s’enrichir en humus et laissera naître progressivement un nouvel habitat : la dune arbustive avec l’Argousier, le Troène des dunes et l’Églantier. À l’arrière, en descente de dune, va se développer une dépression : c’est la panne que l’on retrouve juste devant le pavillon d’accueil et qui se charge en eau lors de la montée de la nappe phréatique en hiver.

Texte : Philippe Carruette

Illustrations : Alexander Hiley, Nathanaël Herrmann


Durant les journées ensoleillées de juin à septembre, le longicorne ou capricorne Aromie musquée (Aromia moschata) est visible sur le Parc. On peut l’apercevoir sur les saules, les érables, les bouleaux mais aussi sur les ombellifères et les chardons. Cette espèce porte ce nom car elle produit une agréable odeur de musc.

Les imagos (formes adultes) ont une taille comprise entre 15 et 32 mm de long. Ils ont un corps aux couleurs métalliques, allant du vert au violet en passant par le cuivré ou le bleu. Les antennes des mâles sont plus grandes que leur corps, alors que celles des femelles sont plus courtes.

La reproduction de cette espèce se déroule en été. Les femelles vont ensuite pondre à l’aide d’un ovipositeur dans l’écorce d’un vieux saule. Les larves vivent dans l’arbre pendant 3 à 4 ans et se nourrissent de bois avant leur nymphose. Une fois métamorphosés en imagos, ces longicornes sortent de l’écorce et consomment alors la sève des saules, des érables et des bouleaux.

Texte et illustration : Romane Sauleau