Partie de pêche chez les Martins.
On connaissait la patience légendaire des parents Spatules, qui tolèrent que leurs jeunes Tanguy les harcèlent jusque sur les zones d’hivernage africaines pour avoir à manger, dodelinant de la tête sans discontinuer. On savait aussi que de nombreux passereaux, tels les Pinsons, continuent à nourrir au sol leurs poussins fraîchement sortis du nid. Mais observer une quémande de Martin-pêcheur juvénile, alors qu’il sait parfaitement voler – et, par là même, pêcher – ce n’est pas banal ! Spectacle rare auquel nous avons pu assister sur le marais d’eau saumâtre du poste 1, par une chaude après-midi d’août…
Un sifflement bref et perçant se fait entendre, puis un éclair bleu fend l’air : Monsieur Martin cherche à manger. Perché sur un poteau de la clôture, il scrute attentivement les alentours. Tout à coup, il plonge, percutant violemment la surface de l’eau : belle prise ! On voit briller au bout de son bec un petit poisson, qu’il assomme illico avant de l’avaler tout cru dans le sens des écailles.
Le scénario se répète quand, soudain, un second flash bleu apparaît. Il s’agit d’un jeune – le plumage est plus mat que celui de l’adulte aux reflets prismatiques – qui, surprise, rejoint le premier et se met à écarter les ailes, corps ramassé, bec entrouvert, en posture typique de quémande alimentaire.
Généralement, les juvéniles se font rapidement houspiller par leurs parents, qui leur signifient ainsi qu’il est temps de se débrouiller seul. Le comportement observé ici est donc étonnant à plusieurs égards : non seulement le petit n’a pas quitté Papa après la dispersion qui succède normalement à la période de nidification, mais en plus ce dernier accepte sans broncher que son ado lui réclame le dîner.
Rappelons au passage que cet oiseau niche dans un terrier qu’il creuse lui-même dans la berge d’un cours d’eau. Le duo père-fils (ou fille) du Marquenterre pourrait venir des marais arrière-littoraux, ou des rives pentues de la Maye. Mâle et femelle ravitaillent leurs petits nidicoles à tour de rôle pendant environ quatre semaines, jusqu’à ce qu’ils sortent de terre pour s’alimenter de façon autonome. Une fois n’est pas coutume, l’émancipation de notre flèche rousse et bleue tarde ici à venir…
Quoiqu’il en soit, cette sympathique partie de pêche en famille permettra, à coup sûr, d’achever la formation du jeune Martin à la capture d’alevins… et finira de nous régaler les pupilles !
Texte : Cécile Carbonnier – Photos : Mélanie Siron, Alexander Hiley.