Rougegorge : la nouvelle génération
Rondouillard, gros yeux noirs, hautes pattes fines, l’air effronté… Mais quel est donc cet oiseau ? Il a tout d’un Rougegorge familier : la forme générale, ainsi que les gros yeux facilitant non seulement la recherche de la nourriture en sous-bois, mais aussi la migration nocturne. Et pourtant il est bien terne, tout moucheté de beige roussâtre.
Les juvéniles de cette espèce ont en effet ce plumage qui passe inaperçu et ne déclenche pas les agressions territoriales des adultes qui ne supportent pas une autre poitrine orange sur leur “domaine”. D’ailleurs, mâle et femelle chantent chez cette espèce particulièrement territoriale. Les jeunes vont porter ce plumage “pacificateur” durant 5 à 7 semaines. Après leur mue post-juvénile en fin d’été, ils verront arriver une teinte orangée sur leur poitrine. Et alors là, plus question d’être visible sur le territoire des parents ! Pendant ce temps, la femelle adulte aura le temps d’entreprendre une deuxième couvée. Des cas rares de troisième ponte ont déjà été signalés.
Il faut dire que la mortalité des juvéniles chez cette espèce est particulièrement importante en migration comme en hivernage. L’espérance moyenne de vie tourne autour de 15 à 24 mois. Comme nombre de passereaux, les individus de plus de 5 ans sont rares, même si les “vétérans” peuvent atteindre 10 à 11 ans !
Le baguage montre sur le Parc que bien peu d’oiseaux sont retrouvés l’année suivante dans le secteur de la mangeoire en hiver ou au fond des parkings, où une station de baguage est active de fin juillet à novembre ; pourtant les adultes sont très fidèles à leur lieu de reproduction, contrairement aux jeunes oiseaux qui ne reviennent jamais sur leurs sites immédiats de naissance (vue la tolérance des parents… on les comprend !) . En Allemagne, sur 350 jeunes bagués au nid entre 1992 et 1995, aucun n’y a été observé l’année suivante, alors que 80 à 90% des adultes sont revenus une deuxième fois y nicher.
Texte et illustration : Philippe Carruette