Un crapaud volant
Il y a longtemps que l’on ne vous a pas parlé des papillons nocturnes ! Vous savez ces insectes “tout gris, tout moches”… et qui nous donnent souvent du fil à retordre pour les déterminer (merci Benjamin !). Et pourtant, il y a en de bien jolis, et même de très colorés ou tout en nuances ! Ils sont pour certains d’excellents indicateurs de la qualité des milieux et plus de 300 espèces ont été inventoriés sur le Parc, soit plus de la moitié des espèces en Picardie… sur 200 “petits” hectares.
Rendez-vous donc avec le Maure (Mormo maura) de la grande famille des Noctuidés. C’est un papillon commun en France et dans notre région. Malgré sa grande et large taille (50 à 65 mm d’envergure) il est pourtant bien discret. D’abord par sa couleur gris brun aux ailes antérieures marbrées de clair. Ensuite par son mode de vie. Il n’apprécie vraiment pas la lumière – on dit qu’il est lucifuge – et se cache, parfois en groupes, dans les lieux sombres et humides. On le trouve alors dans les caves, les grottes, les conduits divers ou sous les ponts, d’où son nom de Lichenée des ponts, ou de Crapaud !
Il vole généralement entre fin juin et septembre. La grosse chenille est tout aussi grise et nocturne. Elle éclot en septembre, et après un premier développement où elle se nourrit de plantes basses (plantain, pissenlit…) elle va hiverner sous terre. Elle ressortira en mai pour parfaire son développement ; elle va alors se nourrir de feuilles de saules, d’aulnes, de peupliers, arbres abondants sur le Parc. Puis en juin, elle se nymphose encore sous terre et prend son envol d’imago un mois plus tard. Le papillon et sa chenille printanière sont des proies idéales pour les chauves-souris, notamment les Oreillards volant autour des arbres.
Le nom de Maure vient de sa couleur à dominante sombre. Les Britanniques le nomment Old lady Moth (vieille dame papillon nocturne), son aspect faisant penser au châle des vieilles dames du 19ème siècle.
Il existe un monde d’espace, d’eau libre
De bêtes naïves où brille encore
La jeunesse du monde et il dépend de nous
Et de nous seuls, qu’il survive
Samivel (1907-1992), L’Œil émerveillé ou la nature comme spectacle, 1976
Texte : Philippe Carruette / Illustration : Cécile Carbonnier