Un Pygargue au Marquenterre !
Évènement ornithologique sur notre littoral, un immature de Pygargue à queue blanche est de nouveau observé au Parc du Marquenterre depuis le 4 octobre. Et cet oiseau va être tout particulièrement bien suivi puisqu’il possède des bagues couleur posées quand il était poussin dans un nid aux Pays-Bas, où une douzaine de couples niche de nouveau depuis une quinzaine d’années.
Les guides du Parc du Marquenterre géré par le Syndicat Mixte Baie de Somme commencent à apprendre à bien connaître le comportement de ce grand aigle – jusqu’à 2,40 m d’envergure et 7 kilos pour les femelles ! Par mauvais temps, il reste souvent perché dans un pin ou au sol. En effet, il n’apprécie pas du tout la pluie ou le fort vent, alourdissant sa grande voilure ! Qu’une éclaircie apparaisse, il se met en chasse de son vol lent et puissant. Certains guides l’ont croisé à quelques mètres ; cela, disons, “décoiffe” ! Olivier Buffet, coordinateur à la Maison de la Baie de Somme, parle même de “paquebot volant” ! Il se nourrit aussi bien d’oiseaux d’eau que de rats musqués ou de poissons, et est bien volontiers charognard.
C’est la onzième donnée sur le Parc depuis 1973, et ce grand aigle est maintenant observé presque chaque année depuis 2018. On retiendra sur le site protégé l’hivernage de deux immatures du 28 octobre 1982 au 6 février 1983, où les guides de l’époque ont noté de nombreuses informations sur son comportement, notamment sa prédation (lapin, foulque, limicoles blessés…). Deux jeunes vont aussi hiverner sur le site du 28 octobre 2018 au 10 février 2019, attirant alors de nombreux observateurs. Du 3 novembre 2020 au 17 janvier 2021, un oiseau bagué en Saxe allemande à la frontière polonaise hiverne de nouveau sur le Parc. Mais des souvenirs bien plus anciens existent aussi : entre 1850 et 1900, le Pygargue était régulier en baie de Somme. En 1860, 5 oiseaux se nourrissent sur un cadavre de vache (!!!) sur la plage de Saint-Quentin-en-Tourmont, et 6 sont notés en 1932 en baie de Somme !
Cet immense rapace qui avait disparu comme nicheur en France (en Corse autour de l’étang de Biguglia) depuis 1956, hiverne régulièrement surtout en Camargue et sur les grands lacs champenois, avec seulement une quinzaine d’oiseaux chaque année pour le pays. Depuis 2011, un couple est revenu niché en France sur le vaste étang lorrain de Lindre ; un deuxième couple en 2020 au Lac du Der entre Reims et Saint-Dizier ; et maintenant aussi un couple en Brenne et en Sologne. L’espèce reste très rare au niveau européen avec une population en augmentation, estimée à 3550 couples, dont la moitié en Norvège.
Il fut réintroduit en Ecosse et sur l’île de Wight en Angleterre avec le relâcher de jeunes oiseaux prélevés dans leur nid en Norvège où la population est la plus florissante. Des programmes de réintroduction ont lieu aussi en Irlande et en Suisse, ainsi qu’en France sur les bords du lac Léman, où quelques oiseaux ont déjà retrouvé l’état sauvage. Tous les jeunes individus sont de nouvelles rencontres potentielles pour notre région, les adultes étant sédentaires et ne nichant pas avant l’âge de 5 ou 6 ans.
La présence en stationnement prolongé du Pygargue est strictement liée à l’existence de vastes zones humides, peu dérangées et très riches en nourriture. L’oiseau au vol lent échoue en effet souvent dans ses captures d’oiseaux d’eau et cherche de grands territoires densément pourvus de proies faciles à attraper. Il est en cela un indicateur de la qualité et de la richesse d’un milieu, un “label rouge” en quelque sorte, ce qui est très valorisant pour notre région. Cela récompense des années d’efforts de protection et de gestion du site du Conservatoire du Littoral et justifie la renommée de notre région pour le tourisme ornithologique.
Texte : Philippe Carruette / Illustrations : Alexander Hiley
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